lundi, décembre 31, 2007
Een beetje van alles (XII): du neuf!
Une bonne année à tous (et plus particulièrement à Esteban)!
vendredi, décembre 14, 2007
Un parrain comblé
PS: Merci Redwane. Merci Caro. Je vous jure que je bosse sur ces faire-parts!!!
jeudi, décembre 06, 2007
Een beetje van alles (XI): Dominique A
jeudi, novembre 22, 2007
Séance de dédicaces (rappel) et Yoann sur le Spirou #51
mercredi, novembre 21, 2007
Een beetje van alles (X): Alex Robinson
Une entrevue avec Alex Robinson est disponible sur le site de l'émission radio Dans ta Bulle!.
dimanche, novembre 18, 2007
Chronique: "L'Idiot" de Kang Full
© Kang Full - Casterman
Avec des joyaux comme Histoire Couleur Terre (de Kim Dong-Hwa chez Casterman) ou Massacre au Pont de No Gun Ri (de Park Kun-woong chez Vertige Graphic), la Bande Dessinée coréenne s’impose à mes yeux comme l’une des meilleures surprises de ces dernières années. Une véritable culture du Neuvième Art s’était en effet établie au Pays du Matin Calme depuis plusieurs décennies déjà mais de manière plus discrète que chez son voisin nippon. Ses artistes ont ainsi pu développer une sensibilité qui leur était propre et un catalogue d’œuvres fortes qui ne demandaient qu’à être découvertes. Les « manhwa » de Kang Full font partie de ces lectures indispensables qui feront entrer le lecteur dans un univers entièrement neuf. L’art de Kang Full se caractérise par un style graphique naïf qui ne laisse en rien présager la profondeur et la complexité des sentiments qu’il désire partager. L’auteur parvient en effet à décrire avec une grande justesse chacune des couleurs qui forment la palette des émotions, qu’il s’agisse de l’angoisse et de l’horreur dans L’Appartement ou de la nostalgie et de la tendresse dans L’Idiot. Ce dernier album nous invite à suivre le parcours de Ji-rho, une pianiste virtuose qui revient dans son quartier natal de Séoul après dix années passées aux Etats-Unis. Elle retrouvera ses amis d’enfance et surtout Seung-lyong, un jeune homme attardé à qui personne n’a jamais porté la moindre attention. Au travers de ce récit « chorale » dont la construction narrative tient du travail d’orfèvre, Kang Full nous dévoilera par touches successives comment cet enfant jadis méprisé a bouleversé la vie de chacun des habitants de ce quartier populaire sans qu’aucun d’eux ne s’en soit jamais aperçu. L’auteur signe là l’un des plus beaux albums de l’année dont le second (et dernier tome) devrait paraître sous peu (chez Casterman dans la collection Hanguk).
jeudi, novembre 15, 2007
XeroXed: James Kochalka !!!!
Les éditions Ego Comme X annoncent une nouvelle fois la parution en français de l'un des ouvrages autobiographiques les plus attendus et les plus imposants de ces dix dernières années, à savoir le American Elf de James Kochalka! Sa sortie est prévue pour le 25 janvier 2008. Le carnet XeroXed #5 consacré à l'auteur (et annoncé lui aussi depuis septembre 2004) paraîtra donc le même jour! Je vous donnerai plus d'informations bientôt. Promis!
dimanche, novembre 11, 2007
Séance de dédicaces: Pascal Matthey & Cédric Manche
Pascal est enfoncé est un récit muet d’inspiration autobiographique sous le trait d’un dessin délicat. Par petits détails et différentes anecdotes, le récit se développe et une évidence gagne l’esprit du petit personnage : ce sont des adultes qui écrivent les bandes dessinées pour enfants et le monde est plus compliqué qu’il n’y paraît.
Après le Verre de Lait, Pascal est enfoncé est le deuxième album de Pascal Matthey chez l’employé du Moi, ou comment un gag obscur de Boule et Bill et le décès d’un ami nous dessinent l’enfance en creux (source: l'employé du Moi).
samedi, novembre 10, 2007
Een beetje van alles (IX): flyer de Boulet
jeudi, novembre 08, 2007
XeroXed: le programme
Les carnets d'entretien avec Sammy Harkham (Poor Sailor) et James Kochalka (American Elf) sont toujours prévus au programme. Patience!
Je travaille aussi sur un entretien avec Nathalie Meulemans, la responsable de la maison d'édition des Enfants Rouges (pour une nouvelle section baptisée Editor's Cut).
Voilà pour les news!
mercredi, novembre 07, 2007
Een beetje van alles (VIII): Dans ta bulle !
Pour écouter les émissions, cliquez sur le lien Dans ta Bulle! (cfr. plus haut) ou directement sur Choq.fm (ICI)
lundi, novembre 05, 2007
Een beetje van alles (VII): la projection de "Panorama"
Wikipédia (II): Cédric Manche
J'en ai profité d'avoir des infos de première main grâce à notre entretien pour la créer sans attendre...
dimanche, novembre 04, 2007
Et de deux !
Il y a tant de cartons à déballer pour le moment que j'en ai oublié de fêter le deuxième anniversaire du blog! XeroXed.be Forever!
jeudi, novembre 01, 2007
Een beetje van alles (VI): "Panorama", le film
PS: je sais, je m'y prends tard, mais je n'avais pas de liaison internet lorsque l'info est tombée, sorry...
Een beetje van alles (V): le "Retour du Manga qui pue qui tue"
samedi, octobre 20, 2007
Correspondances (V): CEDRIC MANCHE
Cédric Manche est l’un des co-fondateurs de la maison d’édition bruxelloise de l’employé du Moi. Il est parvenu, au cours de ces dernières années, à s’imposer comme une figure incontournable de la Bande Dessinée alternative belge. Ses albums Panorama et J’ai tué Géronimo (parus chez Atrabile) laissent éclater la brillance de son style, à la fois épuré et élégant. Rencontre.
Nicolas - Qu'est-ce qui t'a poussé à entrer à l'ERG (Ecole de Recherche Graphique) ? Envisageais-tu alors de travailler sur le média bd?
Cédric Manche - Je suis rentré à l'Erg en catastrophe après avoir été recalé à l'examen d'entrée de cinéma d'animation à la Cambre. Un copain dans le même cas a proposé de s'inscrire en vidéo à l'Erg. Je ne connaissais ni l'école ni la vidéo mais ça m'a interpellé. Je n'ai pas regretté ce choix. La bande dessinée m'intéressait depuis longtemps mais je ne l'ai abordé qu'en 3ème année.
N. - Comment s'est opérée la création du SPON (hebdomadaire de bandes dessinées alternatives)?
Cédric Manche - Nous étions plusieurs étudiants de l'Erg à avoir envie de collaborer. Chaque semaine, David Libens et Stéphane Menu vendaient pour cinq francs belges une feuille a4 dessinée/photocopiée recto-verso, le Proulou. Un jour que nous étions 5, 6 chez moi, David a lancé l'idée de faire un hebdomadaire ensemble, nous sommes rapidement tombés d'accord sur le nom, le nombre de pages, le format et l'intention de réaliser le Spon pendant un an seulement. Le Spon devait être un moyen de montrer des dessins qui traînaient dans nos tiroirs et des histoires en bande dessinée. Rapidement les récits ont pris toute la place et le Spon s'est ouvert à d'autres personnes.
N. - J'ai le sentiment -en regardant les dessins de Martin dans les premiers SPON- que vous partagiez un style de dessin assez proche (rapport à l'espace vide, sobriété, visages réduits à l'essentiel). Vos recherches graphiques vous influençaient-elles les uns les autres? Y avait-il une sorte d'émulation dans l'équipe du SPON?
Cédric Manche - Oui, il y avait une saine émulation. La contrainte de remplir 24 pages/semaine à six était un véritable moteur. D'une semaine à l'autre, la qualité passait d'une personne à l'autre et donnait envie de faire aussi bien, voire mieux, la semaine suivante.
Les histoires de Martin étaient mes préférées, Martin pouvait aborder un sujet ou un sentiment parfois complexe avait une grande économie et terriblement de sensibilité et d'efficacité. J'aime aussi beaucoup l'attention qu'il porte aux attitudes des personnages.
Je crois en effet que nous nous sommes naturellement influencés les uns les autres, dans le graphisme et dans la narration.
Parfois, je fais un dessin et je me rends compte qu'une partie pourrait être de la main d'un des membres de l'équipe. C'est troublant.
N. - Dès le premier SPON, on te retrouve avec une trompette dans les mains. Cela semble déjà annoncer les années qui suivirent. As-tu été fort partagé entre ton affection pour le dessin et celui pour la musique ou as-tu toujours su concilier les deux?
Cédric Manche - J'ai pensé suivre les cours d'une école de jazz mais j'y ai renoncé. Je n'avais plus vraiment envie de suivre un enseignement poussé qui m'aurait demandé de laisser le dessin de côté. Martin, lui, a fait le pas et a choisi de se consacrer exclusivement à la contrebasse.
La musique a autant d'importance dans ma vie que la bande dessinée. Parallèlement au travail assez solitaire du dessinateur, la musique me fait bouger et voir des gens, elle m'apporte un certain équilibre. Bien sûr cet équilibre est parfois difficile à gérer mais ça a peu d'importance en rapport aux émotions que ces disciplines me procurent.
N. - Tu travaillais beaucoup au bic à tes débuts. Comment as-tu abordé cette technique?
Cédric Manche - En 3ème année, j'ai réalisé en quelques planches l'adaptation d'une nouvelle de Raymond Carver au bic de couleur. A partir des couleurs primaires, j'obtenais optiquement les couleurs secondaires par superposition de hachures. Je pense reprendre cette technique un jour bien qu'elle soit assez laborieuse. Je suis resté attaché au trait et au bleu si particulier du bic.
Une planche de Cédric Manche dans le quatrième Spon (26 janvier 1999)
N. - Dans le quatrième SPON (cfr. ci-dessus), tu te mets en scène en train de tracer des cases. Tu dis (à Martin?) que tu as envie de "dessiner une grande histoire en BD avec des monstres, des guerriers, des méchants, de la bagarre". Tu as encore envie de ce type de saga épique aujourd'hui?
Cédric Manche - Si je trouve un scénario qui nécessite ces éléments et qui me plait pourquoi pas, même si dans la planche à laquelle tu te réfères je baisse rapidement les bras en trouvant une excuse bidon. J'ai envie de m'attaquer à différents types de récits, plus ou moins fantaisistes.
Un superbe exemple de l'utilisation des "phylactères d'images mentales" dans le Spon #7 (février 1999)
N. - Dans le sixième SPON, tu dessines le "BoBody", ton premier récit où apparaissent des "phylactères de vue subjective" qui représentent le champ de vision de ton personnage (ou ses pensées). Dès le numéro suivant, tu développes cette approche avec ce très beau récit de deux planches où l'on découvre un homme dont les pensées nous cachent les barreaux de la prison où il est enfermé (cfr. ci-dessus). Comment en es-tu arrivé à pousser plus loin cette recherche graphique et narrative (dans Abruxellation, etc...)?
Cédric Manche - Cette technique narrative de case dans la case ayant pour contenu la vision subjective du personnage à laquelle se substituent parfois des images mentales m'est venue dans les premiers Spon. Je me suis éfforcé de la développer et de l'utiliser en créant du sens, jamais par esthétisme. Cette manière de raconter me plait beaucoup car elle demande un certain travail mental du lecteur qui doit nourrrir ces sous-case pour avancer dans le récit.
Je me suis rapidement rendu compte que mélanger des dialogues avec ces sous-cases posait des problèmes de hiérarchie des informations, de clarté, j'ai donc arrêté d'utiliser des dialogues. J'aime l'idée de ne raconter que par l'image.
Le récit à besoin du lecteur pour se créer mais je ne peux pas lui en demander trop, je dois lui donner assez d'informations pour lui permettre d'avancer jusqu'ou je le veux. J'aime l'idée que le récit soit différent pour chaque lecteur (en fonction de sa manière de nourrir ces sous-cases) bien qu'au final il arrive là ou je le désire.
Je pense reprendre ce travail des images mentales prochainement...dans une sorte de récit policier. Un premier album solo qui devrait sortir à l'employé du Moi...
N. - Je sais que tu es un grand admirateur de Chris Ware. Tu lui rends d'ailleurs hommage dans le Self Service de Fréon. Son travail est-il une source d'inspiration pour toi?
Cédric Manche - Oui, je crois qu'il est assez incontournable. C'est une des dessinateurs que j'estime contemporain dans son utilisation de ce que je considère être le fondement de la bande dessinée: le raccord des images entre elles (sans texte). Il y a de magnifiques moments muets dans ses planches.
Je crois que la force de ses récits vient également d'une grande justesse de rythme. J'apprécie aussi énormément son travail de la couleur et des lumières qui sont elles aussi au service de l'histoire et de l'émotion. (Je parle ici des aventures de Jimmy Corrigan)...
N. - Comment s'est déroulé ta rencontre avec Loo Hui Phang et la genèse de Panorama?
Cédric Manche - Loo Hui Phang m'a appelé après avoir découvert mon récit (autoroute) dans le collectif Abruxellation. Nous nous sommes rencontrés à Bruxelles ou elle m'a raconté le scénario dans les grandes lignes. J'ai été interpellé par l'idée de dessiner un personnage photographe, le Japon et les années 20.
Il m'a fallu du temps pour trouver mes marques. J'ai commencé à dessiner au stylo pinceau sur un format a3 mais je ne me sentais pas vraiment à l'aise. J'ai opté pour la plume et un format a4 sur lequel je travaille directement ma double page presque au format final du bouquin. J'aime dessiner petit.
Je me suis beaucoup amusé sur le découpage mais l'encrage à la plume m'a donné bien du fil à retordre.
Finalement, ce premier album m'a demandé près de 3 ans et demi de travail.
N. - Dans Panorama, tu travailles principalement sur un découpage en gauffrier (9 cases/planche). Qu'est ce qui t'intéresse dans cette approche?
Cédric Manche - Le rythme de Panorama est assez constant, il y a peu d'envolées dans l'action, les relations qui unissent les personnages se révèlent petit à petit, de manière ténue, par un regard, un mot, sans coup d'éclat.
Il m'a semblé juste d'utiliser le gaufrier pour ne pas mettre plus en avant un élément qu'un autre et laisser ainsi place au lecteur dans sa perception et son interprétation du récit.
N. - Tu modifies ton approche graphique sur le deuxième album de la trilogie. Qu'est ce qui t'a poussé à travailler avec un trait plus fin?
Cédric Manche - Ce léger changement graphique est venu assez naturellement. Je ne me suis pas réellement dit je vais affiner mon trait. Le scénario demandait plus d'attention sur les expressions de visage et le personnage principale de J'ai tué Geronimo étant une femme, j'ai eu envie de mettre la barre un peu plus haut dans la précision tout en restant dans un graphisme aussi épuré que possible.
La couverture et une planche de Panorama (© 2004 Cédric Manche, Loo Hui Phang & Atrabile)
N. - As-tu participé à l'adaptation de Panorama en moyen-métrage? Peux-tu nous en dire plus sur ce film?
Cédric Manche - Non, pas vraiment. J'ai juste fourni les dessins qui ont servi pour les tatouages d'un des personnages. Le film Panorama est une adaptation assez libre du livre car elle se déroule à l'époque contemporaine dans le quartier chinois de Paris et non plus dans le Japon des années vingt. Ce changement de contexte implique des changements dans les moteurs du scénario mais les thématiques abordées restent les mêmes. On peut d'ailleurs retrouver certaines de ces thématiques dans d'autres livres écrits par Loo Hui Phang.
Loo Hui Phang va probablement adapté les deux autres parties du triptyque...
N. - Avant d'attaquer le troisième volet de la trilogie entamée par Panorama, tu travailles sur un projet d'album avec Philippe de Pierpont au scénario. Peux-tu déjà nous en parler?
Cédric Manche - Nous y raconterons la dérive de 2 adolescents, l'histoire est l'adaptation très libre d'un fait-divers d' il y a quelques années. Le scénario est presque bouclé. Je suis en train de réfléchir à la technique que je voudrais employer, si la couleur n'aurait pas un rôle à jouer...Je crois que le bouquin devrait compter près d'une centaine de pages.
N. - Il semble que le travail sur les silences y sera primordial. Qu'est-ce qui a motivé cette approche?
Cédric Manche - Il est un peu tôt pour en parler, finalement les dialogues pourraient y avoir une place plus importante que prévue, tout dépendra des choix narratifs que nous adopterons...mais l'album sera ponctué de moments muets...
N. - Tu as aussi participé récemment au 10x10 des éditions Atrabile. Apprécies-tu ce genre de travail sous contraintes?
Cédric Manche - Oui, mais j'aurai aimé pouvoir y consacré plus de temps. Ceci dit, les contraintes étaient uniquement formelles donc la liberté restait grande. Je me suis donc imposé mes propres contraintes en décidant de suivre un canevas basé sur un principe musical (la polymétrie), l'histoire est naturellement apparue en dessinant. Une histoire de musiciens, muette.
N. - Ton rapport à la musique est donc récurrent. As-tu le sentiment que ton travail de création musical est proche de celui de ton travail graphique? Les abordes-tu dans le même état d'esprit, d'inspiration? Où as-tu le sentiment d'être dans des "états" différents?
Cédric Manche - Oui, je pense les aborder de la même manière: avec beaucoup de réflexion, trop peut-être, et surtout avec la même nécessité.
J'aime le coté direct de la musique, le rapport à l'instant présent. On joue et on provoque des émotions, le retour du public est direct. C'est très fort.
Dans l'un comme dans l'autre, j'essaie d'aller à l'essentiel (garder des silences), de ne pas utiliser d'artifice. Les 2 disciplines se complètent et s'influencent mutuellement. Je pars parfois d'une idée musicale pour dessiner et inversément...
Je ne pourrais me passer ni de l'un ni de l'autre (et inversément!) .
Entretien réalisé via courrier électronique entre juin et septembre 2007 (© Xeroxed.be & Cédric Manche)
mercredi, octobre 17, 2007
Een beetje van alles (IV): Donjon
Et voici le projet de couverture du Donjon Monsters dessiné par Keramidas. Et le lien vers le site des Murmures du Donjon où les amateurs de la série trouveront certainement leur bonheur!
dimanche, octobre 14, 2007
Previews Reviews (I): décembre 2007
Voici quelques titres qui ont attiré mon attention pour le mois de décembre 2007.
© Fantagraphics, Drawn & Quarterly, DC Comics, Marvel & Scholastic
Chez DC Comics:
- All Star Superman #10 de Grant Morrion, Frank Quitely & Jamie Grant.
Je ne suis pas un fan de Superman (plutôt de Batman et Daredevil) mais je voue une admiration sans borne au duo Morrison/Quitely. Leur travail sur New X-Men et WE3 était déjà remarquable (sans compter que Grant Morrison est aussi le scénariste d'Animal Man, d'Arkham Asylum et de Doom Patrol). Les auteurs en sont toujours au stade de réappropriation de l'univers. J'attends maintenant qu'ils y apportent leur "British Touch".
Chez Drawn & Quarterly:
- Berlin #14 de Jason Lutes.
Le numéro 13 étant sorti il y a peu, je suis ravi de constater que Lutes avance enfin sur le deuxième volet tant attendu de sa trilogie. Berlin: La Cité de Pierres était un petit chef d'oeuvre dans lequel l'auteur analyse la montée du National-Socialisme dans toutes les couches sociales de l'Allemagne d'avant-guerre.
- Crickets #2 de Sammy Harkham
Joie et félicité! La seule sortie de ce titre aurait déjà suffi à rendre mon mois de décembre festif! J'ai écrit à Vertige Graphic pour connaître la date de publication du premier Crickets annoncé depuis longtemps mais je n'ai reçu aucune réponse. J'ai l'impression qu'il faudra prendre son mal en patience pour obtenir une version française...
Chez Fantagraphics:
- MOME #10, collectif
Avec Jim Woodring, Sophie Crumb, Tom Kaczynski, Robert Goodin, Dash Shaw, Ray Fenwick, John Hankiewicz, Tim Hensley & Jonathan Bennett...
- The Last Musketeer de Jason
Pour ceux qui préfèreraient la présentation de Fantagraphics.
Chez Pantheon Books:
- Black Hole (soft cover) de Charles Burns
17.95 $ pour ce petit bijou en version souple, c'est une nouvelle bonne raison de se jetter dessus!
Chez Scholastic (Arthur A. Levine Books):
- The Arrival de Shaun Tan
J'en ai déjà beaucoup parlé lors de sa sortie chez Dargaud sous le titre de Là où vont nos Pères. L'entretien avec l'auteur est toujours disponible ici. Je rajouterai simplement ces deux phrases parues sur la publicité publiée par l'éditeur: "Schockingly imaginative... One of the best graphic novels of the year" (Jeff Smith, author of Bone) et "An absolute wonder" (Marjane Satrapi, author of Persepolis). Et puis aussi que la couverture de l'édition américaine est vraiment superbe!
Chez Marvel:
- Omega: The Unknown #3 (of 10) de Jonathan Lethem, Farel Dalrymple & Paul Hornschemeier
De l'Hornschemeier chez Marvel... J'ai hâte de voir ça! Surtout que l'auteur de Trois Paradoxes (paru chez Actes Sud) participe à la reprise d'un héros Marvel qui fut créé en 1976 et disparu en 1977 après seulement 10 épisodes. J'espère que ce personnage atypique inspirera une aventure aussi décalée que celle qu'inspirèrent les anti-héros de Doom Patrol à Grant Morrison.
- Powers: The Definitive Collection volume 2 (hard cover) de Brian Michael Bendis & Mike Avon Oeming
Des entretiens, des scripts, des croquis et plein d'autres choses en bonus! Si le second recueil de luxe est aussi riche que le premier, il devrait combler tous les amateurs de la série. Powers, c'est du Bendis "bonne période" alors n'hésitez pas!
A+
vendredi, octobre 12, 2007
Fanzine (I): "Labozine" #1&2
Un nouveau fanzine vient de voir le jour! Plus d'infos sur les blogs des auteurs de ce collectif dynamique: Blog du Labo Zie
Blog d'Issara
Blog de Dardelet
Blog de Samaël
jeudi, octobre 11, 2007
Een beetje van alles (III): "Constantine"
Een beetje van alles (II): Nouvelle affaire Moulinsart
"Monsieur Rodwell, administrateur-délégué de la SA Moulinsart a, en effet, obtenu une ordonnance du président du tribunal de première instance de Bruxelles rendue ce 10 octobre sans avoir entendu les arguments de la RTBF. Cette ordonnance interdit à la chaîne publique la diffusion de certaines séquences du reportage jusqu'à ce qu'un juge de fond ait pu se prononcer sur les griefs faits au programme.
Nick Rodwell, qui gère le patrimoine Tintin, reproche à l'équipe de « Questions à la Une », une caméra cachée et la communication d'un échange de courriels. La caméra cachée mettait en évidence l'existence d'une liste noire de spécialistes d'Hergé que la société Moulinsart refusait de voir figurer dans le reportage.
En conséquence, la RTBF a décidé de ne pas diffuser le reportage tout en protestant vivement contre ce qui constitue une censure préalable contraire à la liberté d'informer garantie par la Constitution.
La RTBF introduira, sans délai, les recours nécessaires pour faire prévaloir la liberté d'expression et d'information et permettre à ses téléspectateurs de voir cette émission dans son intégralité."
Pour de plus amples informations: le blog de "Questions à la Une".
mardi, octobre 09, 2007
Een beetje van alles (I): Le Chat du Rabbin
Vous n'êtes pas sans ignorer que Joann Sfar travaille sur l'adaptation de sa série Le Chat du Rabbin en long métrage d'animation. J'ai cependant appris, de source fiable, qu'il avait fait appel à un dessinateur de bandes dessinées dont le style est radicalement différent du sien pour l'épauler dans l'élaboration du design des personnages. Je ne trahirai pas ici l'identité de cet auteur (pour un certain nombre de bonnes raisons, je vous assure) mais je peux néanmoins vous dire qu'il est à mes yeux l'un des dessinateurs les plus doués de sa génération. Joann Sfar désire par là donner une autre portée à son oeuvre et ne pas voir du "Sfar" à l'écran. Le résultat devrait donc être assez éloigné de l'adaptation télévisée de son "Petit Vampire". Je vous en dévoilerai plus dès que les circonstances me le permettront.
lundi, octobre 08, 2007
Wikipédia
mardi, octobre 02, 2007
Je suis un grand frère avant d'être un libraire
Pour voir le sujet sur Télé Bruxelles et la remise du prix (présenté par Christophe Deborsu)!
Bravo, frangin! Tu le mérites!
PS: Notre nom de famille s'écrit "Verstappen" et non pas "Verstrappen"!
vendredi, septembre 21, 2007
Après "40075 km", voici "Grand Papier"
samedi, septembre 01, 2007
Conférence (I): "Représentations de l'abus sexuel sur mineurs dans la Bande Dessinée autobiographique"
Suite à la publication du carnet Totem et des carnets Xeroxed, j'ai été contacté par le Centre de Ressources Interrégional pour le Suivi des Auteurs de Violence Sexuelle (CRISAVS) qui désirait obtenir des informations sur les ouvrages de bande dessinée consacrés aux abus sexuels. Après plusieurs échanges constructifs avec l'un des responsables de ce centre, il m'a été proposé de présenter une conférence sur le sujet. J'ai donc sauter sur l'occasion pour approfondir mon étude des oeuvres de Debbie Drechsler, Dave Cooper et Craig Thompson ainsi que de l'album Pourquoi j'ai tué Pierre d'Olivier Ka et Alfred. J'ai donné une première conférence ce vendredi au CHRU de Lille auprès d'une audience composé de spécialistes dans ce domaine difficile. Je tiendrai à nouveau cette conférence le vendredi 14 septembre au Palais des Congrès de Paris dans le cadre du CIFAS 2007 (Congrès International Francophone sur L'Agression Sexuelle). Le prix d'entrée de 150 € devrait convaincre la majorité d'entre vous de ne pas vous presser dans l'auditoire. J'espère cependant pouvoir présenter cet exposé lors d'autres événements (je vous tiens bien entendu au courant).
J'espère avoir l'occasion de poursuivre mes recherches dans ce domaine. Le débat et les discussions qui ont suivi la conférence furent très enrichissants. De nombreuses questions ont été soulevées et j'aimerais pouvoir y apporter des réponses. Quel impact un témoignage dessiné peut avoir sur d'autres victimes, sur l'empathie des agresseurs? Peut-il servir d'outil pédagogique? Une planche vierge ne serait-elle pas plus abordable, moins "effrayante" qu'une page blanche aux yeux d'un enfant abusé qui doit illustrer son trauma? Quelles conclusions tirer des représentations fréquentes de personnages à visage animalier dans ces oeuvres? Bref, il y a du travail. Surtout que je suis convaincu que la Bande Dessinée, souvent liée à l'enfance (réduite malheureusement à l'infantilisme) et à la nostalgie, crée une résonnance d'autant plus forte lorsqu'elle s'attache à représenter l'enfance bafouée.
Je tiens à remercier aussi Olivier Vanderstukken (du CRISAVS) et son équipe pour leur acceuil ainsi que toutes les personnes présentes ce vendredi 31 août.
Voici la bibliographie des titres que j'ai cités ou présentés durant mon exposé pour ceux qui n'ont pas eu l'occasion d'en avoir une copie à la conférence.
Bibliographie de la conférence « Représentations de l’abus sexuel sur mineurs dans la Bande Dessinée autobiographique »
Ouvrages cités lors de l’introduction
- Understanding Comics : The Invisible Art de Scott McCloud, Paradox Press
(L’Art Invisible : réimpression en français prévue chez Delcourt)
- Un Objet Culturel non identifié de Thierry Groensteen, L’An 2 (coll. Essais)
Albums sur la représentation du traumatisme ou de l’intime :
- Maus d’Art Spiegelman, Flammarion
- Attends... de Jason, Atrabile (coll. Flegme)
- Journal III (décembre 1993 - août 1995) de Fabrice Neaud, Ego comme X
- Le Playboy de Chester Brown, Le Seuil (The Playboy est paru en anglais chez Drawn & Quarterly)
Albums analysés au cours de la conférence
- Dan & Larry in Don’t do That ! de Dave Cooper, Le Seuil
(Dan & Larry est paru en anglais chez Fantagraphics)
- Suckle : the Status of Basil de Dave Cooper, Fantagraphics (en anglais)
- Crumple: the Status of Knuckle de Dave Cooper, Fantagraphics (en anglais)
- Daddy’s Girl de Debbie Drechsler, L’Association (coll. Ciboulette)
(Daddy’s Girl est paru en anglais chez Fantagraphics - épuisé)
- Blankets, Manteau de Neige de Craig Thompson, Casterman (coll. Ecritures)
(Blankets est paru en anglais chez Top Shelf)
- Barnyard Animals de Craig Thompson in: Happy Endings, Dark Horse Maverick (en anglais)
- Pourquoi j’ai tué Pierre d’Olivier Ka & Alfred, Delcourt (coll. Mirages)
Autres albums à découvrir de ces auteurs
- The Summer of Love de Debbie Drechsler, L’Association (coll. Ciboulette)
(The Summer of Love est paru en anglais chez Drawn & Quarterly)
- Ripple : a Predilection for Tina de Dave Cooper, Le Seuil
(Ripple est paru en anglais chez Fantagraphics)
Autres albums sur le thème de l’abus sexuel (non exhaustif)
- Return of the Elephant de Paul Hornschemeier, AdHouse Books (an anglais)
(Le récit Le Retour de l’Eléphant est repris dans l’album éponyme paru en français chez Actes Sud)
- The Maxx de Sam Kieth, Image (en anglais)
- Elle ne pleure pas, elle chante d’Eric Corbeyran, Amélie Sarn & Thierry Murat, Delcourt (coll. Mirages)
PS: Daddy's Girl est une oeuvre autobiographique à l'origine que Debbie Drechsler a modifiée plus tard en fiction. Dan and Larry est un mélange de souvenirs de Dave Cooper et de rêves (ou plutôt de cauchemars).
A+
samedi, août 11, 2007
"Vilebrequin": l'album de l'été!
Pour plus d'informations:
vendredi, juin 22, 2007
XeroXed (XIII): LIZ PRINCE
dimanche, juin 10, 2007
Chroniques: juin 2007
© 2007 Employé du Moi - Cà et Là
Max de Frankenstein
Je connais un savant fou dont l'apparence ne laisse aucunement présager qu'il le soit. Son cerveau est pourtant capable de réaliser le plus incroyable des défis de la science: donner la vie à des corps faits d'encre et de papier. Max de Frankenstein est capable d'insuffler une étincelle d'humanité au coeur de ses créatures. Mais qu'on ne se méprenne pas ici non plus; ces dernières n'ont rien en commun avec l'effrayante créature de Mary Shelley. Elles sont en tout point semblables à nous. Le secret de cet achèvement tient de ce que Max de Frankenstein ne vit pas retiré dans un laboratoire obscur. Il observe tout simplement ses contemporains depuis la terrasse d'un café.
Sa créature la plus aboutie à ce jour se nomme Antti. Ce dernier est un jeune finlandais en stage à Bruxelles qui découvrira les divers visages de la Capitale dont l'un occupera bientôt le centre de toutes ses pensées. Ce visage est celui d'une jeune femme nommée Juliette. A défaut d'être un Roméo, Antti tentera de déceler chez elle les signes d'un sentiment amoureux envers lui. Ces instants de doute sont le signe que Max de Frankenstein a parfaitement accompli son oeuvre. Car c'est le but de tous les savants fous de voir leurs créatures s'interroger sur elles-mêmes. Et rarement personnage n'aura semblé si vivant! "
Antti Brysselissä de Max de Radiguès à l'Employé du Moi
Depuis le Massachusetts, Liz Prince parle d’elle mais elle parle à chacun. Ses strips ne consistent souvent qu’en une réplique, un trait d’esprit ou un détail apparemment insignifiant mais leur succession invite au dialogue. Une conversation s’installe progressivement entre elle et le lecteur. On rajoute nos anecdotes aux siennes et bientôt on se retrouve à parler de soi. On se livre à une inconnue qui sera devenue une amie avant d’avoir tourné la dernière page.
En réunissant Karlien de Villiers et Liz Prince au sein de leur jeune catalogue, les éditions Cà et Là nous proposent de découvrir trois très beaux ouvrages où chaque planche se lit avant tout comme une carte du monde.
Ma mère était une très belle femme de Karlien de Villiers - Tu m'aimeras encore si je fais pipi au lit et Delayed Replays de Liz Prince aux éditions Cà et Là
mercredi, juin 06, 2007
Madhappys !
mercredi, mai 23, 2007
Séance de dédicaces: 02 juin 2007
Marshall Joe, Dampremy Jack ("Dérapage Comix #1" chez Warum), Max de Radiguès ("Antti Brysselissä" à L'employé du Moi), David Libens & Philippe Vanderheyden ("Les Dunes" à l'employé du Moi) seront présents à la Bulle d'Or ce samedi 02 juin pour une séance de dédicaces (124 bd Anspach, B-1000 Bruxelles).
Antti Brysselissä: "Antti, un jeune Finlandais, débarque à Bruxelles pour effectuer un stage dans une boîte de pub. Il doit trouver ses marques dans cette ville étrange, se faire une place parmi ses colocataires et ses deux jolies voisines. Entre les soirées arrosées et sa découverte de la ville, une intrigue amoureuse se tisse. Mia tourne autour du nouvel arrivant alors que la fascinante Juliette apparaît bien inaccessible, apparemment..." Un superbe récit sur le trouble amoureux rendu avec justesse et subtilité!
Site: Max de Radiguès
Dérapage Comix #1: "Premier opus de ce fabuleux magazine entièrement rempli par les deux plus fameux bédéistes de l’ouest sauvage, le vrai, DERAPAGE COMIX donne la quintessence du rêve américain : violence, argent, réflexion philosophique et bonnes gonzesses parsème ce chef d’œuvre du 9ème Art tout en proposant des jeux, des petites annonces et des conseils pratiques à l’usage de la ménagère de moins de cinquante ans". Un must de l'humour décalé!
Site: Dérapage Comix
Les Dunes: "Depuis le décès de sa mère, Eric s’est replié sur lui-même et a volontairement coupé les ponts avec ses proches. Sa vie, rythmée par un boulot alimentaire, est figée dans le passé. Son entourage s’inquiète de son mutisme et essaye de renouer le contact. Eric prend alors conscience qu’il est temps de vivre au présent et de retrouver le goût des autres".
Site: Employé du Moi
samedi, mai 19, 2007
Paroles de libraire (II) : Responsable?
Je lis malheureusement trop peu d’ouvrages consacrés à l’analyse de la Bande Dessinée. J’ai cependant trouvé le temps, à l’occasion d’un congé, de me plonger dans un livre paru en début d’année et qui tente de répondre à de nombreuses questions sur la place du Neuvième Art dans le paysage culturel actuel. Cet essai de Thierry Groensteen est d’un grand intérêt et je conseille vivement sa lecture à tous ceux qui aimeraient comprendre comment cette forme d’expression a été considérée (ou déconsidérée) pendant plus d’un siècle d’existence. L’auteur aborde de manière claire de nombreux aspects de ce parcours « fait d’anomalies ». Il y dévoile les raisons pour lesquelles la Bande Dessinée peine encore à porter son titre de « Neuvième Art ». Qu’il s’agisse de la responsabilité des éditeurs, de l’Etat ou des « handicaps » supposés du médium, Thierry Groensteen développe à chaque fois un argumentaire pertinent et éclairé sur la pénible légitimation de cet art. Son livre apporte une lumière neuve sur la manière d’envisager l’avenir (relativement sombre) de ce secteur culturel encore « non-identifié ».
J’ai cependant tenu à réagir sur certains points de cet ouvrage. Je considère en effet que le rôle des libraires a été négligé dans le constat dressé par l'auteur et que le « péril manga » ne me semble pas aussi imminent qu’annoncé (en Belgique du moins).
J’aurais voulu développer de manière plus approfondie mon argumentaire mais je manque, hélas, de temps. Je vous livre donc ici quelques unes de mes remarques comme elles me sont venues. J’espère que vous serez nombreux à réagir, que vous soyez libraires, éditeurs, auteurs ou lecteurs. Vos réactions peuvent être postées ici : goldenchronicles@yahoo.fr.
1. LE RÔLE DES LIBRAIRES
1.1 Curiosité & diversité
Ce qui m'a surpris avant tout dans l'ouvrage de Thierry Groensteen, c'est de découvrir qu'il ne consacre aucun chapitre à l'impact négatif ou positif que les librairies « spécialisées » en bande dessinée peuvent avoir sur l'acceptation de ce médium en tant que forme d'expression artistique. L'auteur centre sa réflexion sur les éditeurs, les créateurs et les critiques de bandes dessinées. Il me semble pourtant (et je manque peut-être de recul étant libraire) que les librairies spécialisées restent des vitrines majeures de ce médium. Bien entendu, et comme le signale Thierry Groensteen, le Festival d’Angoulême, certaines expositions et quelques revues sont aussi des espaces importants pour la représentation du Neuvième Art. Je les définirais cependant comme étant « ponctuels ». Je pense que les librairies réalisent un travail plus proche de la course de fonds, moins « spectaculaire » que de grands événements couverts médiatiquement. Après l’annonce du palmarès d’Angoulême, ce sont les libraires qui prennent le relais. A la mi-avril, soit trois mois après la clôture du Festival, la librairie où je travaille présentait toujours l’ensemble des lauréats. Trois mois durant lesquels les clients peuvent découvrir les albums primés, feuilleter les ouvrages, y avoir tout simplement accès. Trois mois aussi durant lesquels le libraire répondra aux questions, donnera son avis, défendra (ou non) certains choix du jury. Cette édition du Festival aura d’ailleurs été emblématique à cet égard. J’ai pu observer dans ma librairie que de nombreux clients étaient sceptiques quant aux choix du jury présidé par Lewis Trondheim – qui couronnait un manga en meilleur album ainsi que des ouvrages publiés par des éditeurs alternatifs. Il est vrai qu’une partie de notre clientèle a des goûts relativement « classiques » ou « grand public » (et loin de moi l’idée d’utiliser ces termes de manière péjorative) et j’ai le sentiment qu’elle ne se retrouvait pas dans cette sélection. Le rôle du libraire devient primordial à cet instant où sa voix comptera peut-être autant que celle d’un jury. Un libraire « spécialisé », c’est aussi quelqu’un qui a su tisser une relation de proximité et de confiance avec ses clients. Certains de ceux-ci passent en effet tous les mois, tous les quinze jours voire toutes les semaines. Le libraire se fera progressivement une idée des goûts de la plupart d’entre eux et pourra les aiguiller en fonction. Mais même si quelques clients font confiance à certains de mes jugements, ils ne se jetteront pas pour autant sur l’album révélation du Festival (à savoir le Panier de Singe de Ruppert & Mulot). Pour emmener les lecteurs sur des territoires différents et des sentiers « alternatifs », il faut beaucoup de temps et ce temps ne se développe qu’au sein d’une relation du libraire avec le client. Bien sûr, il existe des événements ponctuels comme le phénomène « Libé ». Si le journal « Libération » publie du Riad Sattouf ou parle du Chat du Rabbin ou de Persepolis, on peut être certain que de nombreux Parisiens en vacances à Bruxelles se jetteront sur les albums de ces auteurs dans la semaine qui suit (les ventes passent du simple au double). Mais ce phénomène tient plus de l’effet de mode que du développement d’une forme de curiosité. Et défendre la culture, c’est avant tout se battre pour cette curiosité et proposer la diversité, seules échappatoires à l’asphyxie du médium. Dans ce domaine, le libraire peut (et doit) se battre sur le front. Pour expliciter mon propos, je parlerai ici du dernier album que j’ai tenté de défendre de mon mieux. Là où vont nos pères de Shaun Tan est certes publié chez Dargaud, il fut pourtant loin d’attirer l’attention de nos clients. Un album « muet », aux aspects poétiques et d’un auteur de surcroît inconnu démarre avec de nombreux « handicaps ». Prouver que l’absence de texte ne signifie pas que cet album sera « vite lu » mais qu’il s’agit d’une approche narrative totalement maîtrisée et ouverte à l’interprétation, à l’émotion et à l’universalité ne fut pas une mince affaire. Une fois présenté comme un « coup de cœur » de l’équipe, défendu par chacun des employés de la librairie, chroniqué dans la newsletter et accompagné d’un entretien avec l’auteur, cet album obtient enfin le succès qu’il mérite. Le libraire peut participer au développement d’une acceptation du médium comme une forme d’expression artistique en invitant ses clients vers ce genre d’ouvrage, vers des œuvres différentes et exigeantes. Bien entendu cela implique que le libraire ait le temps de mettre en place une telle « campagne promotionnelle » et la surproduction actuelle lui en laisse peu. Mais je reviendrai sur ce point plus tard car je rajouterai encore une chose sur la notion d’œuvres « exigeantes ». On peut se battre pour des ouvrages « muets », des livres alternatifs comme Attends… de Jason ou Daddy’s Girl de Debbie Drechsler, des albums expérimentaux comme Entre-Deux de Vincent Perriot ou les 676 apparitions de Killoffer, mais il ne faudrait pas oublier des bandes dessinées publiées par les « gros » éditeurs et qui sont dignes d’être défendues de la même manière. Je défends aussi des séries comme Le Feul de Gaudin et Peynet chez Soleil. Il me semble en effet important de présenter aux lecteurs d’Heroïc Fantasy des albums qui dépassent, détournent ou maîtrisent parfaitement les codes du genre. C’est au sein de tous les types de public qu’il faut éveiller cette curiosité, qu’il faut donner envie de découvrir ce qui se fait de mieux dans chaque genre sans s’arrêter sur des questions de bandes dessinées « grand public » ou « alternatives ». Il faut profiter de la sortie d’une adaptation de V pour Vendetta pour placer ce chef d’œuvre du Neuvième Art entre les mains d’un lectorat qui n’y aurait jamais prêté attention. Il faut montrer par là toute la richesse et la profondeur qu’on peut atteindre dans les « thrillers » dessinés. Et espérer qu’au travers de cette œuvre, les lecteurs désireront découvrir les autres créations d’Alan Moore et de David Lloyd (même si les chefs d’œuvre de ce dernier ne sont toujours pas réédités ou traduits en français).
C’est à des libraires que je dois certaines de mes plus belles rencontres avec des œuvres majeures du Neuvième Art. Thierry Joor proposait dans sa librairie « Sans Titre » (avant de travailler pour Delcourt) un rayon « coup de cœur » très impressionnant qui m’a permis de découvrir La Guerre des Tranchées de Tardi. Hassan de la librairie « Utopia » m’a convaincu d’acheter V pour Vendetta. Bernard (pour qui je travaille aujourd’hui) a placé La Révolte d’Hop-Frog entre les mains et je suis depuis avec attention tous les travaux de Christophe Blain.
1.2 Mais il y a le temps et l’espace
Mais on manque de temps. Il y a de plus en plus de sorties et à peine est-on parvenu à placer toutes les nouveautés sur la table qu’il faut déjà renvoyer à l’éditeur celles qu’on a retirées. Le libraire n’a presque plus l’occasion de défendre des albums, d’écrire des chroniques. Et ses clients n’ont pourtant jamais eu autant besoin d’être conseillé face à cette masse de sorties. Le nombre de demandes d’informations augmente d’ailleurs régulièrement.
L’espace manque lui aussi. L’augmentation des sorties demande au libraire une réorganisation constante de ses tables de nouveautés et de son fond. Les choix sont complexes et l’on est vite tenté de supprimer des collections qui tournent moins. Thierry Groensteen écrit d’ailleurs à ce propos : « [La bande dessinée alternative] est,[…], fort peu défendue par la majorité des quelque 175 librairies françaises dites " spécialisées", lesquelles (confrontées au phénomène de la surproduction, qui entraîne un manque de place, une réduction du fonds et une rotation des nouveautés de plus en plus rapide) privilégient outrageusement les gros éditeurs et les séries supposées les plus faciles à vendre » (p.94-95). Mais j’ose croire que de nombreux libraires conservent les titres qu’ils apprécient. Car être libraire est avant tout une passion. C’est un métier physiquement lourd (que ceux qui ne me croient pas viennent porter nos caisses d’albums chaque semaine) et duquel on ne peut pas attendre des profits exceptionnels. Nous avons cette passion et parfois nous sommes à deux doigts de la perdre. Certains abandonnent face au profond changement que subit cette profession, les autres entrent « en résistance ». Le libraire se doit d’être plus « spécialisé » que jamais. Il doit être un filtre, il doit se fixer une « ligne éditoriale » plus stricte. Car il est possible aujourd’hui de pousser des ouvrages de qualité et de les placer autant que des « séries supposées faciles à vendre ». Comme je l’ai signalé plus haut, les lecteurs attendent de nous qu’on leur rende ce service aujourd’hui plus que jamais.
2. LE PERIL MANGA
Thierry Groensteen fait remarquer que « […] le public peu averti porte un jugement indifférencié et, partant, injuste sur les mangas quand il les méprise ou les condamne en bloc […]» (p.95). C’est au libraire aussi de savoir convaincre ses clients que le manga n’a pas à être jugé de la sorte. Et pourtant, je me souviens très bien de ce commentaire qui était apposé sur la couverture du dernier tome (de l’ancienne édition) du Journal de mon Père de Taniguchi chez un collègue il y a sept ans. La chronique débutait par « Ceci n’est pas un manga […] » et concluait par «[…]on est bien loin des "japoniaiseries " ». Ce terme de "japoniaiserie " m’aura profondément marqué car le manga représentait pour moi un incroyable espace d’évasion avec lequel la bande dessinée franco-belge ne parvenait pas souvent à rivaliser. Ce terme était d’autant plus injuste que l’on publiait déjà à l’époque des albums tels qu’ Akira et Rêves d’Enfants de Katsuhiro Otomo,L’Histoire des Trois Adolf d’Osamu Tezuka, Dispersion d’Oda, Dragon Head de Minetaro Mochizuki, Stratège d’Hideki Mori et Kenichi Sakemi, Blame de Tsutumu Nihei, Amer Béton de Taiyo Matsumoto, Hiroshima de Tatsumi ou même les premiers tomes de la série Dragon Ball qui avait à ses débuts de nombreuses qualités.
Les libraires ont un rôle important à jouer sur ce terrain. Ils ont le pouvoir de pousser Taniguchi, de dire aussi que tous les Taniguchi ne sont pas des chefs d’œuvre (comme de nombreux éditeurs tentent de nous le faire croire), de montrer qu’il n’y a pas que Taniguchi et que la collection Ecritures n’est pas le seul fief de le bande dessinée japonaise de qualité.
2.1 Observations
Thierry Groensteen s’inquiète de « […] l’absence de retenue avec laquelle les éditeurs multiplient les achats au Japon et développent leurs collections spécialisées, sans paraître prendre garde au risque qu’ils prennent de mettre en péril la bande dessinée de création française – laquelle commence à présenter des signes inquiétants de désaffection » (p. 92).
Je suis d’accord avec lui sur un point. Il y a « absence de retenue ». On publie aujourd’hui tout et n’importe quoi (mais encore trop peu de classiques nippons). A mon sens, cette situation de production indifférenciée ne va pas jouer longtemps en faveur de la bande dessinée japonaise. Car si de nombreux lecteurs sont déçus par l’offre actuelle de titres franco-belges, un grand nombre aussi n’en peut déjà plus des séries nippones qui semblent sans fin. 20th Century Boy est l’exemple même de la série qui a surfé sur le succès de Monster (du même auteur) et que de nombreux clients abandonnent en cours de route tant la conclusion de cette saga semble sans cesse reportée. Mais je dois ici faire un aparté car je distingue trois types de clients dans ceux qui achètent des mangas. Il y a les clients de plus de 30 ans qui ont généralement découvert le manga sur le tard (avec Taniguchi), ceux qui ont entre 20 et 30 ans et qui connaissent le manga grâce à Akira ou par le Club Dorothée et ceux qui ont moins de 20 ans et qui n’achètent quasi que des mangas (c’est la « génération Naruto »). Je vais développer et me permettre quelques généralités. Je vais donc vous faire part ici de quelques-unes des observations que j’ai faite au sein de la librairie où je travaille.
a) La génération « Taniguchi »
Si il y a « désistement » pour les lecteurs de plus de trente ans de la bande dessinée franco-belge, ce n’est pas pour passer au manga mais pour des raisons économiques et qualitatives. Face au niveau relativement moyen de la bande dessinée franco-belge et au peu de critiques qui se donnent la peine d’aiguiller les lecteurs vers des œuvres de qualité, ils préfèrent ne plus acheter de nouveaux titres. Ils se tournent par contre de plus en plus vers les classiques des années soixante, septante et quatre-vingt. Les ventes de Franquin, Macherot, Tillieux, Will sont en effet en augmentation. Ces lecteurs ont la certitude que ces rééditions ne les décevront pas, en plus de satisfaire leur nostalgie.
La bande dessinée franco-belge est par ailleurs relativement coûteuse ; elle devient en fait un véritable produit de luxe. Le coût de la vie ne cessant de croître, les clients diminuent tout simplement leur quantité d’achats de bandes dessinées.
b) La génération « Akira »
Si il y a « désistement », c’est dû à nouveau en grande partie à des facteurs économiques et à la médiocrité de nombreux titres franco-belges. La perte de qualité sur des séries à rallonge tant européennes que japonaises pousse ces lecteurs à prendre leur distance face au médium.
c) La génération « Naruto »
C’est elle qui achète le plus de mangas et ce de manière quasi exclusive. Sa grande particularité est d’être composée d’un très grand nombre de lectrices (ce qui n’était pas le cas des générations précédentes). Le formidable pouvoir d’achat de cette génération attire tous les secteurs du divertissement, celui de la bande dessinée en tête. Tout ce que l’on peut trouver comme « shônen » ou « shôjo manga » au Japon est presque immédiatement traduit par les éditeurs français. Mais ces adolescents et ces adolescentes seront bientôt adultes. La question est alors de savoir si leur intérêt pour les mangas survivra à ce passage à la maturité. Ou bien cette génération sera-t-elle comme la mienne ? Aura-t-elle besoin comme nous de découvrir autre chose? Se tournera-t-elle vers la bande dessinée franco-belge ?
2.2 On en reviendra si…
Pour tenter de répondre à cette question, je dois donc répondre à une autre. Pourquoi ma génération est-elle revenue vers la production « nationale » ? La réponse est en fait relativement simple. Notre dénominateur est d’avoir tous lu de la bande dessinée franco-belge ou américaine avant notre adolescence. En discutant du projet de ce texte avec des amis, ceux-ci m’ont confirmé que c’est en voulant retrouver la saveur si particulière de l’école belge et américaine qu’ils avaient découverte enfants dans les pages du Journal de Spirou, du Journal de Tintin et des Strange que leur intérêt s’est à nouveau porté vers cette production. Il faudrait alors savoir si les jeunes de moins de douze ans lisent des albums franco-belges, s’ils sont toujours en contact avec cette production au travers de revues et d’albums.
Je tiens à le dire ici : je n’ai pas de chiffres. Une étude sur ce sujet serait donc la bienvenue. A nouveau, je vais me baser sur mes observations. J’ai travaillé cette année sur le stand des éditions Dupuis à la Foire du Livre de Bruxelles. Les ventes des titres « grand public » étaient en nette croissance par rapport aux années précédentes. Nous avons assisté à un véritable engouement des jeunes lecteurs pour des titres comme Zarla, Les Nombrils, Nelson ou encore Parker et Badger (grâce aux parutions dans le Journal de Spirou). Ces séries de la collection « Tous Publics » étaient au centre de toutes les conversations des groupes de jeunes (filles et garçons) qui défilaient dans le stand. Certains jeunes adolescents montraient une grande connaissance des titres de la collection Repérages. L’un d’eux (qui devait avoir treize ans) corrigeait d’ailleurs l’erreur d’un de ses amis en lui expliquant la différence entre L’Epervier (paru chez Dupuis) et Les Sept Vies de l’Epervier (parus chez Glénat). Ces quelques jours passés à la Foire du Livre m’auront rassuré sur l’avenir de la bande dessinée franco-belge. Il existe encore bel et bien un intérêt pour cette production auprès des plus jeunes. Je dois ici saluer l’excellent travail de Dupuis qui poursuit une politique éditoriale relativement « saine ». En publiant des séries comme Seuls de Vehlmann et Gazzotti ou Zarla de Guilhem et Janssens, cet éditeur offre une alternative aux mangas pour ces jeunes lecteurs. Ces œuvres sont loin d’être niaises et marqueront leur lectorat. Ce travail éditorial se poursuit dans la création des collections « Puceron » (pour des lecteurs à partir de trois ans) et « Punaise » (pour des lecteurs à partir de six et sept ans). Les éditions Delcourt proposent elles aussi une riche collection jeunesse (avec notamment Petit Vampire et Le Vent dans les Saules) sans oublier les Epatantes Aventures de Jules parues chez Dargaud. Et l’on peut toujours critiquer Lanfeust de Troy, ce titre aura été néanmoins d’une grande importance pour l’entrée de jeunes adolescents dans l’univers du franco-belge.
Je me sens donc relativement optimiste mais à condition que les éditeurs poursuivent ce travail de publication pour les enfants et que les libraires poussent ces titres dans leurs boutiques. Initier les moins de douze ans à la bande dessinée franco-belge est pour moi le défi majeur de nos éditeurs aujourd’hui si l’on veut que le spectre du « péril manga » ne se matérialise pas.
2.3 Remarques diverses
2.3.1 Le constat que je viens de dresser s'applique à la Belgique. J'ignore s'il s'applique à la France car notre rapport à la bande dessinée me semble quelque peu différent.
2.3.2 Je tenais à signaler aussi que cette « absence de retenue » dans la production des mangas aura apporté au moins deux effets positifs.Sans cette incroyable explosion des ventes de mangas, les éditeurs alternatifs n’auraient probablement pas osé la traduction d’œuvres comme celles de Shigeru Mizuki ou Shin’ichi Abe. Nous n’aurions sans doute pas non plus découvert aussi tôt des chefs d’œuvre de la Bande Dessinée coréenne. Le second aspect tient de la nouvelle approche narrative qu’offrent les mangas. David Lloyd me confiait sa crainte de voir les mangas anéantir progressivement les « styles » américains et franco-belges pour les remplacer par les codes graphiques de la bande dessinée japonaise. Bien entendu, de plus en plus d’auteurs qui ont grandi avec les mangas s’en inspirent dans leurs albums. Cette « insémination » de style est parfois malheureuse mais elle devrait, à plus ou moins long terme, enrichir le vocabulaire de la Bande Dessinée. Shaun Tan et Kevin Huizenga sont par exemple deux auteurs qui reconnaissent avoir découvert une nouvelle approche de la temporalité dans la bande dessinée nippone (voir à ce propos le chapitre trois de l’Understanding Comics de Scott McCloud).
2.3.3 Thierry Groensteen signale que « si nombre d’éditions françaises conservent le sens de lecture original, inverse du nôtre, c’est bien pour que le livre apparaisse comme un objet "encore plus cryptique, pour initiés"» (p.94). Je considère que si certains éditeurs ont peut-être cette idée en tête, les mangas n’ont pas à être inversés pour satisfaire nos habitudes de lecture. Je ne pense pas non plus que les éditions Cornélius conservent le sens de lecture original pour faire plaisir aux initiés. Il s’agit pour moi d’un respect de l’œuvre et de la manière dont l’auteur l’a conçue. Nous ne devons pas plier les œuvres étrangères à nos attentes d’Occidentaux mais plutôt faire de chaque lecteur un « initié », ouvrir notre regard à une autre forme de lecture.
2.3.4 Thierry Groensteen signale aussi que l’un des facteurs de développement du manga tient de ce que « le coût des mangas est moins élevé que celui des albums classiques, ce qui les met plus à la portée des jeunes ne disposant que d’un pouvoir d’achat limité » (p.91). Je suis bien d’accord avec lui mais j’ignore si ce phénomène sera encore vrai bien longtemps. Il y a quinze ans, j’achetais mes mangas au prix de 120 francs belges (soit 3 euros) et les prix ont depuis doublés voire triplés. Si cette tendance se confirme, le manga ne sera bientôt plus aussi abordable.
2.3.5 Les lectrices font preuve d'une plus grande ouverture. Elles ne se cantonnent à aucun style, aucun genre, aucun type de production. Elles s'attachent avant tout à la sensibilité des récits et ne s'arrêtent pas à l'origine de ces derniers. Il n'y a pas chez elles de forme d'exclusivité qui les pousserait à ne lire que des mangas. Elles envisagent les bandes dessinées nippones et franco-belges comme étant complémentaires. Il est regrettable qu'elles soient encore si peu nombreuses à acheter des bandes dessinées (comme le faisait si bien remarquer Thierry Groensteen dans son ouvrage).
3. LE PERIL INTERNET
Ce qui me semble plus inquiétant aujourd’hui n’est pas la progression du manga mais bien de la lecture de bandes dessinées sur internet. Je ne pouvais croire il y a quelques années que des séries entières se liraient un jour sur la toile. De nombreux clients de moins de vingt ans nous ont en effet signalé qu’ils n’achetaient pas le manga « phénomène » du moment (à savoir DeathNote chez Kana) car ils avaient déjà eu l’occasion de lire les douze tomes traduits en français sur internet (alors que Kana n’en a sorti que trois jusqu’à présent). Il est à craindre qu’il y ait progressivement une « désaffection » de la lecture sur papier. Il faut en effet envisager que la nouvelle génération d’internautes ait plus de familiarité avec leur écran qu’avec le livre. Là aussi il serait intéressant de s’attarder sur l’avenir du « livre » et du « livre-objet » si l’on veut pouvoir réagir face à ce phénomène.
4. POUR INFORMATION
Thierry Groensteen évoque l’émission de télévision diffusée en avril 2005 sur France 2 du « plus grand Français de tous les temps ». Il écrit : « on se permettra d’observer que si, dans ce palmarès imbécile, les chanteurs font jeu égal avec les écrivains, et même un peu mieux (…), on y chercherait vainement, en revanche, le nom d’un auteur de science-fiction, de polar ou… de bande dessinée » (p.9).
Si le palmarès n’était pas forcément moins imbécile en Belgique, l’émission « Les Plus Grands des Belges » de la chaîne publique (RTBF) a donné les résultats suivants : Hergé arrive en huitième position, André Franquin à la dix-huitième place, Philippe Geluck à la vingt-deuxième, Peyo à la trente-troisième, Morris à la septante-neuvième, Pierre Kroll (dessinateur de presse) à la nonante-quatrième et Jean Roba à la centième. Jacques Brel était à la première place.
Du côté flamand (émission « De Grootste Belg » sur la VRT), Hergé est en vingt-quatrième position, Willy Vandersteen (Bob et Bobette) à la vingt-neuvième et Marc Sleen (Néron) à la quarante-huitième. Le Père Damien était à la première place.
La Belgique a en effet un autre rapport à la bande dessinée puisqu’elle y reste une institution (dans le cœur de la population en tout cas, sans doute moins dans celui de nos politiques).
5. REACTIONS
1. Réponse de Thierry Groensteen (par mail)
Merci de m’avoir lu aussi attentivement et d’avoir pris le temps de coucher vos réflexions par écrit. Vous avez sans doute raison, il manque à mon O.C.N.I. un développement sur les librairies. Le problème est que, pour le faire convenablement, il faudrait mener une enquête de terrain dont je n’ai pas les moyens. Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu’il y a de bons (vous en faites partie) et de mauvais libraires, qu’ils n’ont pas tous la même superficie, la même politique commerciale, la même clientèle, etc. Les généralités me semblent sans intérêt, et je ne disposais pas de données suffisamment précises pour dresser un état des lieux de la librairie spécialisée. J’ajoute que, tant qu’à faire, il aurait aussi fallu parler de la place de la bande dessinée dans les bibliothèques publiques, autre sujet que j’ai négligé, un peu pour les mêmes raisons. C’est une question importante, qui reste à étudier, que celle des médiateurs entre les livres et le public, et de leur rôle prescripteur. Mais je me permettrai de rappeler que mon sujet n’était pas le marché de la bande dessinée, ses structures, ses réseaux et fonctionnements, mais bien le statut culturel de cet art qui nous est cher. J’ai été très intéressé d’apprendre les résultats de l’émission sur les “Grands Belges”, dont j’ignorais qu’elle avait eu lieu. En effet, les différences avec la France sont très significatives.
2. Réaction de Redwane (par mail)
Très bon article mais juste un ou deux petits commentaires :
1. "Cette « insémination » de style est parfois malheureuse mais elle devrait, à plus ou moins long terme, enrichir le vocabulaire de la Bande Dessinée". Comme discuté j’aurais rappelé la grande époque de Métal Hurlant et donc de Moebius qui s’inspirait de certains codes graphiques japonais => et tout le monde sait quelle carrière ce monsieur a fait. :)
2. "Je dois ici saluer l’excellent travail de Dupuis qui poursuit une politique éditoriale relativement « saine »". A l’exception de Spirou et Fantasio, où ce gentil éditeur n’a pas voulu donner la chance à Tome et Janry de changer ce qui aurait pu créer un renouveau…. Le problème se situe aussi à ce niveau dans le sens que les gros éditeurs sont parfois assez frileux pour se « dénoter » du reste de la production (à la différence du manga qui nous a apporté un vent de fraicheur…).
Je suis d’accord que ces deux remarques n’ont aucune valeur ajoutée à l’article mais bon :)
3. Réaction de Herbv (sur le forum de BulleDair)
Texte très intéressant à lire, Nicolas, merci. Il est toujours intéressant de lire le point de vue d'un professionnel et on entend trop rarement les libraires s'exprimer. Et je conseille aussi à tout le monde de lire OCBI de TG, c'est un excellent ouvrage. Je dois dire que je n'ai jamais trop cru au péril manga en France ou en Belgique, du moins, tel qu'il a pu être annoncé ici ou là. Certes, il est difficile de prévoir comment va pouvoir évoluer le monde de l'édition de la bande dessinée franco-belge, mais je ne pense pas qu'il disparaîtra de sitôt, balayé par son homologue nippon. En effet, le manga francophone a de gros soucis de rentabilité actuellement : la multiplication des éditeurs qui se font une concurrence féroce sur les achats de droits, l'explosion du nombre des sorties alors que le CA global ne progresse pas dans la même proportion, ont conduit à une baisse notable de la rentabilité moyenne. Depuis quelques mois, les problèmes se multiplient à commencer par les arrêts de séries (officiels ou non car certains n'osent pas le dire) suivi de l'augmentation continuelle du prix de vente des mangas. Les titres se vendant biens ne sont pas nombreux, ceux faisant un bide commercial sont légions. Je partage aussi le même point de vue concernant les dernières sorties "grand public" que je trouve de moins en moins enthousiasmantes. Mais peut-être est-ce tout simplement le fait qu'on peut me rattacher à la génération des trentenaires et que je commence à être un "vieux con" :)
PS : Par contre, mon budget BD n'a jamais été aussi important, même s'il s'est déplacé en grande partie du FB 48CC sur le Manga puis de plus en plus sur l'Indé.
4. Réaction de Thyuig (sur le forum de BulleDair)
Excellent article qui a du te demander un temps fou à écrire. Je partage vraiment tes opinions sur la desaffection des trentenaires (ou pré-) quant à la qualité qui baisse sérieusement en ce moment. Personnellement, je n'achète plus que 5 ou 6 titres par mois depuis janvier, chose inconsevable il y a un ou deux ans.
5. Réaction d'Arzak (libraire) (sur le forum de BDTheque)
J 'ai lu cet article avec interêt et je suis globalement d'accord avec ce que dit Nicolas...
La profusion inutile de titres rend le métier de plus en plus difficile... le plus ennuyeux, c'est ce paradoxe :
- d'un côté, la profusion de mauvais titres fait, que même en écartant la question du temps qu'il faudrait pour lire ces albums, il est impossible pour un libraire de tout lire au risque d'être dégouté... en tant qu'amateur de bd, il faut se préserver... le risque est de perdre goût au métier... lire des bons albums, donne envie de lire plus de bd, lire des albums médiocres, vous en dégoûte...
- d'un autre côté, il y a les clients, qui demandent, à la vue d'une couverture si "c'est bien?" et qui attendent de vous d'avoir tout lu...
Comme Nicolas, je pense la surproduction en manga est particulièrement criante... et j'en lis tout simplement de moins en moins... je crois même que j'en lis moins qu'à l'époque ou je n'étais pas libraire... un comble... mes coups de coeur manga, je les ai eu il y a quelques années et je lis toujours les mêmes auteurs depuis des années : Tezuka, Adachi, Tanigushi, Urasawa... pas de découverte majeure pour moi depuis longtemps... c'est assez afligeant quand on voit le nombre de mangas publiés chaque année... il y a des éditeurs dont le catalogue entier est au ras des paquerettes : les Kami, Saphira, Tokebi...
6. Réaction de Thierry Martin (dessinateur) (par e-mail)
je ferai court.
"Le libraire, c'est la colonne vertebrale de la bande dessinée", il faut que cela se sache.