mercredi, décembre 09, 2009

Les Albums 2009 de la librairie

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Après La Mémoire dans les Poches en 2006, Là où vont nos Pères en 2007 et Spirou: Le Journal d'un Ingénu en 2008, l'équipe de la librairie Multi BD a le plaisir de vous annoncer que son choix pour l'Album de l'Année 2009 s'est porté sur le troisième tome de Rosalie Blum qui clôt la superbe trilogie de Camille Jourdy!
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LA CHRONIQUE:
Il n'y a rien de moins banal que les personnages "ordinaires" de Camille Jourdy!!!
Prenez par exemple Vincent Chamal, ce jeune trentenaire privé de toute aspiration professionnelle ou sentimentale à cause du chantage affectif d'une mère quelque peu dérangée... Rien ne le prédestine à sortir des clous et pourtant son quotidien deviendra une aventure de tous les instants lorsqu'il décidera de tromper son ennui en se lançant dans la filature d'une mystérieuse inconnue. Pas totalement inconnue en réalité et c'est bien là que réside son mystère... Vincent Chamal la connaît. Il en est certain. Mais d'où? Pourquoi le visage de Rosalie Blum le hante-t-il à ce point? Pourquoi sa mémoire lui joue-t-elle ce mauvais tour qui vire à l'obsession? Combien de temps pourra-t-il suivre cette femme énigmatique sans se trahir? Ce que Vincent Chamal ignore c'est que son étrange attitude a déjà éveillé la curiosité d'une tierce personne qui le surveille étroitement... Camille Jourdy croise ainsi les destins de ses personnages pour nous offrir une trilogie riche en rebondissements et en purs instants de plaisir. Des instants tendres et décalés comme l'équipe de la librairie les aime tant. (Nicolas)
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Présentation sur le site de l'éditeur
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Rosalie Blum tome 3 de Camille Jourdy, Actes Sud BD
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Les autres ouvrages sélectionnés par la librairie pour cette année 2009 sont présentés sur le site de Multi BD


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Il me serait aussi bien difficile de terminer l'année sans évoquer l'album Asterios Polyp paru aux Etats-Unis il y a quelques mois et qui devrait être traduit en français l'an prochain. David Mazzucchelli (Batman: Année Un, Daredevil: Born Again, Big Man) nous offre ici un ouvrage intimiste où il exploite avec génie toutes les subtilités de cette langue qu'est la Bande Dessinée. Il y met en scène le personnage d'Asterios Polyp, un brillant architecte qui ne parvient qu'à sauver trois objets précieux de sa maison en feu. Il devra cependant s'en séparer pour comprendre leur valeur et celle des proches qui leur sont associés... Un magnifique voyage! (Nicolas)
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Présentation sur le site de l'éditeur
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Asterios Polyp de David Mazzucchelli, Pantheon Books


mercredi, décembre 02, 2009

Trois "coups de coeur"

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Irène et les clochards ou l'autre visage de Ruppert & Mulot
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En quatre ans et sept ouvrages, Florent Ruppert & Jérôme Mulot ont bien vite quitté leur statut de jeunes auteurs "révélation" pour celui d'auteurs incontournables. Leur oeuvre, puisque l'on peut déjà parler d'oeuvre, s'est construite autour d'une volonté de renouvellement constant et de recherches graphiques et narratives aussi ludiques que pertinentes. Débordant du cadre strict du livre et de la Bande Dessinée, ils utilisent internet comme espace de rencontre et de duels entre dessinateurs, les séances de dédicaces comme des occasions de "happenings" et vont jusqu'à monter de véritables performances où la participation du public servira de terreau à leurs projets en cours. Avec Irène et les clochards, Ruppert & Mulot marquent une nouvelle étape dans leur parcours créatif puisqu'ils nous proposent de découvrir un drame où leur légendaire humour caustique sera mis entre parenthèse. Les deux auteurs n'en délaissent pas moins tous les thèmes qui leur sont chers. Au contraire. Avec le personnage d'Irène, jeune femme perdue dans notre société et dans son propre corps rongé par la maladie, ils s'offrent la possibilité d'exprimer sans retenue cette violence crue qu'ils représentent depuis leur début mais dans un cadre qui est ici profondément intime (pour ne pas dire viscéral). Irène, au travers de "rêves" éveillés, laissera son imagination prendre le pas sur la réalité pour mieux vaincre toutes les frustrations, les peines et les désillusions de son quotidien. Véritable "coup de poing" comme les albums Jolies Ténèbres de Vehlmann & Kerascoët et Blast de Manu Larcenet parus cette année, Irène et les clochards est le premier volet d'un cycle qui ne laissera pas nos esprits sans ecchymoses.
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Irène et les Clochards de Ruppert & Mulot, L'Association
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Historique : le premier ouvrage d'heroic fantasy à L'Association…
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L'Association clôt l'année 2009 comme elle l'a débuté; elle nous offre un nouvel album du génial auteur sud-africain Joe Daly. Après la traduction de l'halluciné Scrublands en 2007 et de l'hallucinant Red Monkey dans John Wesley Harding en janvier, voici qu'arrive déjà le premier tome de Dungeon Quest où le lecteur se plongera dans une aventure dont Lanfeust ou Thorgal ne pourraient sortir très valeureux. Ici, ca "marave" comme diraient Trondheim & Sfar dans leurs Donjon. Ici, on se latte à coups de pied de biche et de chaînes en attendant de trouver un "shillelag en galet" ou un "arc léger du pic barbu" pour augmenter ses "stats" de combat et infliger des dégâts plus importants. Car Dungeon Quest est une aventure de jeu de rôle qui démarre dans la petite ville résidentielle de Glendale où quatre jeunes déoeuvrés vont prendre leur destin en main pour partir dans une quête aussi extraordinaire qu'improbable. Après s'être faits la main sur quelques délinquants, Millenium Boy (le maître du jeu et "grand poète"), Steve (le maître voleur pas très "vif" pour un maître voleur), Lash Pénis (l'athlète herculéen et artiste torturé à ses heures) et la silencieuse archère Nedgirl affronteront taupards, squelettes pirates et autres créatures fantastiques dans des combats qui ne laissent place à aucune pitié. Ici, c'est la loi du plus fort et c'est bien dans les dialogues que Joe Daly impose la sienne. Chaque planche comporte en effet sa réplique culte, son moment fulgurant et jouissif de grand n'importe quoi, un peu comme si le Pascal Brutal de Riad Sattouf remplaçait Gandalf à la tête de la Communauté de l'Anneau... ou si Jean-Claude Van Damme était choisi pour incarner ce rôle à l'écran…
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Dungeon Quest tome 1 de Joe Daly, L'Association
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The Moo Factory : dix planches par jour, un mois durant…
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On se chagrine souvent que les auteurs franco-belges prennent plus d'un an pour peaufiner de beaux ouvrages… et puis soudain l'on découvre l'anomalie qui vient gripper les rouages de notre patience résignée. La Grenouille Noire (a.k.a. The Black Frog) bouscule nos vieilles habitudes en se posant comme défi de réaliser une série d'albums de trois cents pages dont chaque volume fut conçu en près de 30 jours. On me dira que le niveau des ouvrages doit en pâtir et je répondrai qu'il n'en est rien. Son dessin n'est pas bâclé, il est vif, aussi vif que ses noirs sont profonds. Car La Grenouille Noire est, pour paraphraser le titre du deuxième tome de Broussaille, ce que l'on peut appeler un "sculpteur de lumière". Comme Mike Mignola, Alex Toth, Hugo Pratt et de nombreux auteurs sud-américains tels Breccia, Trillo, Risso ou Munoz, il utilise l'obscurité comme une masse compacte pour modeler ses personnages et ses décors. Ses récits, ses fables, deviennent ainsi de véritables fresques qui nous plongent, comme les frontons du Parthénon, dans des épopées où se mêlent les simples mortels, les êtres fantastiques et toute notre humanité dans ce qu'elle a de plus vile et de plus sublime. Les carnets de la Grenouille Noire sont une Odyssée où l'auteur tient simultanément les rôles d'Homère et d'Ulysse. Il est à la fois le narrateur et le héros d'une quête aussi ancestrale que passionnante, celle d'exceller dans l'art de conter des histoires.
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Moo Factory (Les Carnets de la Grenouille Noire #1) de La Grenouille Noire, Ankama CFSL Ink
Conscient de Vacuité (Les Carnets de la Grenouille Noire #0) de La Grenouille Noire, Ankama CFSL Ink
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A bientôt,
Nicolas

mercredi, novembre 25, 2009

"H27" ou Bruxelles en plein chaos

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Suite à une succession inquiétante de décès causés par le virus H27, la ville de Bruxelles est placée en quarantaine. Plus aucune personne n’est autorisée à pénétrer dans la capitale ou à en sortir… La population vit dans l’angoisse face à l’incapacité du gouvernement et des autorités locales à endiguer une épidémie d’une rare virulence. Victimes des mêmes symptômes terrifiants que ceux du virus Ebola, les malades décèdent dans les deux ou trois jours qui suivent leur infection. Cloîtrés dans leurs maisons, les Bruxellois voient défiler sous leurs fenêtres les équipes médicales mais surtout les camions transportant les corps, chaque jour plus nombreux, de ceux qui contractèrent le H27. Dans leur colocation, quelques amis étudiants tentent de se serrer les coudes et de trouver de quoi se ravitailler lors de brèves expéditions dans cette ville qui ne sera plus jamais familière. Il leur sera pourtant difficile de ne pas sombrer dans la paranoïa qui affecte tout un chacun. Surtout lorsque l’un d’entre eux sera pris d’une fièvre alarmante…
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En octobre 2007, la grippe A/H1N1 est encore loin de devenir un sujet d’actualité dont la diffusion dans les médias se fera de manière « pandémique »… Younn Locard débute pourtant à l’époque l’écriture du récit nommé « H27 » dont le thème résonne aujourd’hui de manière très particulière. Publiée progressivement sur le site GrandPapier, l’histoire de Younn Locard nous dévoile au jour le jour l’évolution des relations qui unissent un groupe dans une situation de crise extrême… Comme dans l’excellent Walking Dead de Kirkman, Moore & Adlard, l’auteur interroge chacun sur ce qu'il serait capable de faire pour assurer sa survie. Mais ici, il nous interroge nous, Belges et Bruxellois…
Un excellent bouquin à découvrir sans attendre (car qui sait ce qui nous arrivera dans 2 ou 3 jours)...
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H27 de Younn Locard paru à l'employé du Moi
Présentation de H27 sur le site de l'employé du Moi
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A bientôt,
Nicolas

vendredi, novembre 20, 2009

Cachet XeroXed pour le "George Sprott" de Seth

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C'est avec beaucoup de plaisir que je vous présente ce beau cachet conçu par SETH, l'un des auteurs majeurs de la Bande Dessinée contemporaine. Après des ouvrages aussi importants que La Vie est belle malgré tout, Wimbledon Green ou Palooka Ville, l'auteur canadien nous revient avec un joyau baptisé George Sprott: 1894-1975. Sous son format hors-norme hérité de sa pré-publication partielle dans le prestigieux New York Times, ce magnifique livre-objet nous propose de partir à la découverte de l'étrange personnalité d'un dénommé George Sprott. Construite sur le modèle de Citizen Kane et influencée par le Jimmy Corrigan de Chris Ware, la narration se développe autour des témoignages variés de ceux qui côtoyèrent de près ou de loin ce présentateur de télévision qui se fît connaître par le récit des explorations arctiques qu'il disait avoir menées. Fiction ou réalité? Ou subtil mélange des deux? George Sprott est l'un des "grands" albums de cette année 2009.
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(Le cachet exclusif pour la librairie Multi BD est limité à 150 exemplaires. Il n'influe en rien sur le prix de vente de l'album - George Sprott est disponible en français chez Delcourt et en anglais chez Drawn & Quarterly)
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A bientôt. Nicolas.

samedi, octobre 24, 2009

Pierre Feuille Ciseaux: première édition...

Dans un post précédent, j'annonçais le laboratoire Pierre Feuille Ciseaux sous le titre "Le Beau Labo". Après y avoir participé, je reviens sur mes mots. Cet événement, ce fut avant tout "un beau cadeau". Alors je commencerai par des remerciements. Merci June de m'avoir convié à co-animer les "causeries" avec Xavier Guilbert (du9.org) et Fabien Texier (plan-neuf.com). Merci à David, à Lionel & Adeline (de la Saline royale) et à tous les volontaires de l'Asso Chifoumi qui ont abattu un travail tout simplement titanesque. Merci à tous ces auteurs qui, animés par leur talent, leur génie et surtout leur disponibilité et leur simplicité, ont placé cette semaine hors du temps. Merci à eux d'avoir accepté de répondre sans détour à nos questions (malgré notre organisation un peu brouillon au démarrage). Merci à Cédric, William, Isabelle, Florent, Emmanuel, Sarah pour leurs mots encourageants après ma conférence. Merci à ceux que j'oublie. Merci à Xavier pour ces longues discussions passionées. Merci à tous, vraiment, pour ces moments précieux et ces merveilleuses rencontres. Chères lectrices, chers lecteurs, je crois que vous l'avez compris, vivement la seconde édition!!!
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Voici un bref aperçu en photos de la première édition de Pierre Feuille Ciseaux... De nombreuses photos sont aussi disponibles sur d'autres sites répertoriés sur l'espace officiel de l'événement.
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1. La Saline royale, c'est avant tout un cadre somptueux où peut de se déployer toute l'énergie de la créativité... un peu comme un grand bol contenant ce qu'il faut de café...

2. L'utilisation du mégaphone était rendue indispensable par les dimensions hors norme du site (je salue ici le vaillant bénévole qui annonça nos "causeries" tout au long du week-end).

3. L'architecte Claude-Nicolas Ledoux a pensé à installer d'étranges oeils-de-boeuf sur tous ses bâtiments afin de permettre au flot créatif des auteurs de s'écouler en dehors de l'enceinte...

4. Installation des sièges des invités aux "causeries". Merci "Dada", merci cher(e)s bénévoles.

5. Mauvaise photo d'un homme de l'ombre: Lionel de la Saline royale. Je n'ai pas de photo d'Adeline (la femme de l'ombre) mais son efficacité ne sera pas oubliée...

6. Un homme face à son destin: June. L'image est emblématique. Je l'ai vu souvent, de loin, parcourant des kilomètres pour relier les points névralgiques de cet événement. PFC rules, my friend!

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1. Le concert dessiné d'Angil accompagné de Guillaume Long pour la partie graphique.

2. JC "Rock & Roll" Menu.

3. Le sommet de ce concert. Guillaume Long dessine 6 cases sur base de contraintes établies par JC Menu en jouant tour à tour avec les ombres chinoises du micro et d'Angil. Le tout sur un morceau de ce dernier (dont j'ai acheté le très très bon 45 tours baptisé Angil was a Cat).

4. Nancy Peña et Flavien Girard dans un nouvel exercice oubapien et oumupien à la fois.

5. Jérôme Mulot (à gauche) et Florent Ruppert (à droite) répètent une dernière fois leur conférence/happening avant la présentation officielle. Ils projettent sur l'écran derrière eux la situation qui se produira trois minutes plus tard (Jérôme buvant dans son verre, Florent saisissant un stylo, etc...). Une fois dans la même position que celle de l'image projetée, les auteurs lancent une nouvelle image annoçant la position qu'ils tiendront plus tard. Bien entendu, le dérapage ne se fait pas attendre... Un très bon moment.
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1. De gauche à droite: Alex Baladi, Andreas Kundig et Benjamin Novello de la Fabrique de Fanzines, vaillants au poste.

2/3. Les éléments essentiels de la Fabrique: une tourne-disque et la "machine".
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1. L'atelier de sérigraphie All-Over. Impression du "Jeu des Sept Familles" dessiné durant la semaine.

2. Les outils de travail. Tous les jeux ont été courageusement découpés au cutter par des auteurs motivés (William Henne et Benoît Preteseille s'alternaient le dimanche pour parvenir à terminer le bel objet avant la clôture de Pierre Feuille Ciseaux).

3. Détail d'une planche au séchage entre deux passages couleur.
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1/2. La Fanzinothèque installée dans le superbe espace d'exposition de la Saline.
3. La librairie (appelée aussi "le frigo" tant la température y était basse).
4. Exposition des planches "sous contraintes" réalisées durant la semaine.
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1/2. L'exposition 10x10 sur Post-It des éditions Atrabile. Les bénévoles se souviendront toute leur vie d'avoir participé au collage des centaines de petits carrés jaunes sur les murs...

3. Je vais reprendre l'expression consacrée: "Florence s'est faite RuppertetMulotisée"...

4. Je ne pense pas que Florence ait réagi de la sorte...

5. La plus belle réalisation à mes yeux: le découpage de Post-It par Loo Hui Phang (la scénariste des superbes Panorama & J'ai tué Géronimo dessinés par Cédric Manche).

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Je sais, il y a peu de photos "people" mais je n'aime pas trop prendre les gens sur le vif... dans leur intimité... car tout cela était intime bien qu'ouvert au public durant le week-end. C'est ça Pierre Feuille Ciseaux: une expérience unique où tous semblent avoir livré leur confiance entre les mains d'une association qui, 20 ans après l'Association, a fait naître un nouvel hydre.

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PS: je vous ai épargné les vidéos dont celle d'Aurélie William Levaux, Isabelle Pralong & Joanna Hellgren formant les choeurs d'Angil sur la reprise de Trick Me de Kelis. Si, si. Un instant mémorable... mais qu'elles veulent sûrement oublier...

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Merci encore à tous et à bientôt. Nicolas.


jeudi, octobre 15, 2009

Modification de l'horaire de la séance de dédicaces "Clones"

La séance de dédicaces de Clones/The Surrogates de ce jeudi 22 octobre débutera à 16h (et non plus à 15h) et se terminera à 19h (et non plus à 18h30).

samedi, octobre 10, 2009

Séance de dédicaces: "Clones" de Venditti & Weldele

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Nous aurons le plaisir d'accueillir les auteurs américains Brett Weldele & Robert Venditti ce jeudi 22 octobre. Avec Clones (The Surrogates en anglais), ils nous offrent l'un des meilleurs titres de la Bande Dessinée d'anticipation (qui vient d'être adapté au cinéma sous le titre éponyme - lien vers la bande d'annonce du film).
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Les deux auteurs dédicaceront de 15h à 18h30. Les inscriptions sont prises à la librairie (Multi BD, 122-124 bd Anspach, B-1000 Bruxelles) ou par courrier électronique (à l'adresse info@multibd.com) mais ne sont pas acceptées par téléphone.
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La chronique de "Clones/The Surrogates"
2054. Afin d'éviter d'être victime d'accidents, de blessures ou de maladies, une grande partie de la population humaine ne quitte plus son domicile mais envoie un "clone" robotique affronter les risques du "monde extérieur". Grâce aux progrès de la technologie, chaque clone est directement guidé par la pensée de son propriétaire qui peut ainsi expérimenter par procuration tous les excès que son corps de chair et de sang ne pourrait supporter. Un jour pourtant, deux clones sont retrouvés inanimés dans la rue suite à un acte de sabotage. Quelqu'un est parvenu à court-circuiter les androïdes de façon à les rendre totalement inopérables. Pour l'inspecteur Harvey Greer, cette affaire qui menace l'équilibre du système sera des plus difficiles à résoudre. L'apparence des androïdes ne reflètent en rien la véritable identité de ceux qui les contrôlent à distance. Pour éviter les discriminations à l'embauche, de nombreuses femmes et personnes d'origine étrangère ont en effet opté pour des clones ayant les traits d'hommes "blancs". Pour se doter d'un physique plus avantageux, d'autres ont choisi des androïdes inspirés par des modèles ou des mannequins... C'est donc toute une société qui s'est plongée dans le jeu des apparences pour le meilleur et pour le pire. Mais la vérité devra être dévoilée et se montrer dans toute sa nudité. Contraint d'abandonner son clone pour ne pas être la prochaine victime d'un homme qui sème la terreur dans la population, l'agent Greer risque d'être le premier à faire les frais d'une réalité qui n'aura de cesse de le malmener.Thriller Noir aux dialogues brillants et caustiques, Clones/The Surrogates s'impose comme un excellent récit d'anticipation. Intelligent, critique, sombre et haletant, Clones est une plongée effrénée dans les dérives futures de la société que nous bâtissons aujourd'hui. Le rapprochement établi par les éditions Delcourt entre cet album et le film Blade Runner de Ridley Scott ou encore le roman Le Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley est donc assez bien vu.
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Nicolas

Nouveaux cachets XeroXed: "Walking Dead" tome 9 & "Berlin" tome 2

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A l'occasion de la parution du neuvième tome de la série-culte Walking Dead, XeroXed édite un cachet exclusif de Charlie Adlard basé sur un dessin inédit. Ce cachet, qui n'influe pas sur le prix de vente de l'album, est limité à 150 exemplaires!
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A l'occasion de la parution du second volet de l'incontournable triptyque de Jason Lutes, j'ai aussi le plaisir de vous proposer un cachet exclusif de l'auteur basé sur un dessin inédit. Ce cachet, qui n'influe pas sur le prix de vente des deux tomes de Berlin, est limité à 200 exemplaires!
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Ces albums avec cachet sont disponibles chez Multi BD (122-124 bd Anspach, B-1000 Bruxelles)
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PS: je sais, je suis très "superlatif" pour le moment... mais bon... j'adore ces deux séries... Nico.

jeudi, octobre 01, 2009

Pierre Feuille Ciseaux: le beau Labo

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Je ne vais pas faire une longue présentation du magnifique projet et des rencontres de Pierre Feuille Ciseaux vu que toutes les informations pratiques sont données sur le site officiel.
La présence d'auteurs comme Emmanuel Guibert, Etienne Davodeau, Ruppert & Mulot, Jean-Christophe Menu, Pascal Rabaté, Marc-Antoine Mathieu, William Henne, Cédric Manche et bien d'autres devrait suffire à vous convaincre de suivre attentivement les différents aspects de cet ambitieux défi. Je tiens d'ailleurs à remercier l'ami June qui a associé XeroXed.be à ce projet et m'a invité à participer aux débats qui seront menés aux Salines et à y présenter une conférence (la pression monte... il faudra que j'assure devant tous ces auteurs dont j'admire tant le travail...).
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Au plaisir de vous croiser là-bas!
A bientôt,
Nicolas

Votez GrandPapier!

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Bonjour à tous,
Le Vif/L'Express organise un grand concours pour élire les meilleurs blogs dans différents domaines (Actualité, Lifestyle et Culture). Le site de GrandPapier est repris dans la sélection culturelle alors n"hésitez pas à défendre cette excellente plate-forme de publication de bandes dessinées alternatives en ligne!
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Le lien pour voter sur le site du Vif: ICI
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A bientôt,
Nicolas.

dimanche, septembre 27, 2009

XeroXed (XVI): JAMES STURM & RICH TOMMASO

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XEROXED XVI: JAMES STURM & RICH TOMMASO
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Depuis ses débuts, James Sturm a toujours montré la volonté d’évoquer les aspects les plus sombres de la société américaine et plus particulièrement de son Histoire au travers de sa trilogie God, Gold and Golems dont seul le dernier volet a été publié au Seuil sous le titre Le Swing du Golem. Cet album est considéré comme l’une de ses œuvres les plus importantes de par l’exigence de sa mise en scène et du traitement du sujet difficile de l’antisémitisme. Il signe aujourd’hui le scénario de Satchel Paige (Black Star chez Delcourt), une biographie de l’un des plus talentueux lanceurs de l’histoire du baseball contraint de jouer dans les ligues noires du fait de sa couleur de peau durant la Ségrégation. Rich Tommaso, jeune dessinateur encore peu connu en Europe, nous livre lui aussi quelques aspects de sa collaboration sur Black Star : la véritable histoire de Satchel Paige.
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Lien vers l'entretien en anglais sur du9.org
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Lien vers le site du Center for Cartoon Studies
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Cet entretien est accompagné de croquis préparatoires de Rich Tommaso pour l'album Black Star, la véritable histoire de Satchel Paige.
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ENTRETIEN AVEC JAMES STURM
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Nicolas Verstappen : Vous vouez une véritable passion pour l’Histoire des États-Unis à laquelle vous avez consacré la plupart de vos œuvres. Peut-on entrevoir dans cette approche de la mémoire un acte politique visant à mieux faire connaître les erreurs commises par le passé et éviter ainsi qu’elles ne soient répétées dans l’avenir ?

James Sturm : Je pense que tout pays, ou même individu, tire parti d’une meilleure connaissance de son histoire. La manière dont une personne ou une nation se perçoit dépend des histoires qu’elle raconte. Les mythes, qui sont souvent des éléments importants de l’Histoire populaire, peuvent transporter un pays mais peuvent aussi être néfastes de par leur portée plus restreinte.

NV : Vos albums The Revival (1996), Hundreds of Feet Below Daylight (1998) et Le Swing du Golem (2000) sont aujourd’hui présentés comme votre « trilogie américaine » sous le titre générique de God, Gold and Golems. Est-ce que l’idée même d’une trilogie était déjà présente en 1996 ?
James Sturm : Après The Revival, j’ai commencé Hundreds of Feet Below Daylight. Durant les premières étapes de la conception de cet ouvrage, je songeais déjà avec impatience au Swing du Golem. L’idée de la trilogie m’est donc venue alors que j’avais accompli près de 40% de cette aventure.

NV : Peut-on envisager votre scénario pour les Quatre Fantastiques (Fantastic Four : Unstable Molecules chez Marvel) comme un quatrième volet de votre « histoire » des États-Unis ? Vous y traitez d’aspects importants de ce pays au travers de son rapport à la culture populaire et à la période du Maccarthysme.

James Sturm : Je n’envisage pas ce scénario comme un quatrième volet même s’il est bien conçu comme une fiction historique et qu’il suit chronologiquement les trois premiers. Il est vrai cependant que ces quatre récits nous donnent à voir une histoire plus « officielle » (que nous soyons face à des faits avérés ou à de super-héros !).

NV : Avant de collaborer avec Guy Davis sur ce projet, vous aviez songé à Craig Thompson pour le dessin. Pourquoi avoir pensé à lui ?

James Sturm : C’est un ami commun qui m’a suggéré Craig. J’avais déjà rencontré ce dernier lors d’un ou deux festivals aux États-Unis et je l’ai contacté. Craig s’est montré intéressé et m’a rejoint sur ce projet. Après avoir travaillé sur quelques planches, nous sommes arrivés à la conclusion que mes petits croquis préparatoires ne laissaient aucune place à l’expression de son style. J’ai été ravi qu’il ait cependant eu l’occasion de réaliser les couvertures de la série. De même que je fus enchanté de ma très agréable collaboration avec Guy Davis (qui me fut recommandé par Marvel).

NV : A la fin de ce volume des Quatre Fantastiques vous annoncez un second volume (The Mad Thinkers) de même qu’un troisième (The Negative Zone). Qu’en est-il de ces chapitres ?
James Sturm : C’était une pure fantaisie de ma part. Je n’ai jamais eu l’intention de les écrire…
NV : Vous avez signalé dans une interview pour le Comics Journal que vous n’aviez pas dessiné vous-même ce récit de super-héros car son public se limiterait à celui qui s’intéresse à ce genre. Pourquoi avez-vous décidé de ne pas dessiner Black Star et avez-vous choisi Rich Tommaso pour cette collaboration ?

James Sturm : Je suis très lent lorsqu’il s’agit de dessiner des planches et Rich était le dessinateur le plus doué disponible à l’époque. Je dessine les œuvres qui me sont les plus personnelles et qu’il m’est impossible d’imaginer entre les mains d’un autre.

NV : Votre style tend avec les années vers une plus grande épuration de la ligne. Comment envisagez-vous cette évolution ?

James Sturm : Je dépense tant d’énergie à me débattre avec mon dessin que je n’ai aucune idée de la manière dont il évolue.
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NV : Ce rapprochement progressif vers une « ligne claire » est-il cependant influencé à vos yeux par des auteurs européens (Hergé, Chaland…) ou des maîtres du comic strip américains (comme dans le cas de Seth) ?

James Sturm : Je ne considère pas le style de la « ligne claire » européenne comme une influence. Par contre, Seth est l’une de mes références. Il est l’un de mes auteurs favoris. J’aime aussi me tourner vers des graveurs ou des artistes des années 30 comme Raphael Soyer, Peggy Bacon, Thomas Hart Benton ou Denys Wortman. Pour être tout à fait honnête concernant mon style, j’ignore si je simplifie mon dessin pour une meilleure lisibilité ou parce que je ne suis pas assez doué pour exécuter un travail plus illustratif. Même si mes croquis préparatoires sont plus détaillés qu’avant, je me sens contraint de tout réduire à des éléments essentiels au moment d’attaquer ma case finale.

NV : L’apparition de la bichromie dans Le Swing du Golem est-elle liée à une crainte du vide laissé par des lignes plus fluides ?

James Sturm : Le baseball est avant tout question d’atmosphère et la touche de couleur m’a aidé à rendre cet aspect. Sans l’utilisation de cet aplat, je serais contraint de faire appel à des ombrages plus importants. Je travaille pour le moment sur un album entièrement en couleurs où les cases sont de petits squelettes conçus pour porter une « chair colorée ».

NV : Quel sera le sujet de ce nouvel album ?

James Sturm : J’y évoque une journée dans la vie d’un tisserand juif de tapis en Europe de l’Est au début des années 1900. Ce livre, baptisé Market Day, sera publié par Drawn & Quarterly.

NV : Il est intéressant de noter que vous décidez d’aborder la couleur sur un album consacré à une période que nous percevons principalement en noir et blanc (de par le cinéma et la photographie). Pourquoi ce choix de la couleur ?

James Sturm : Il était important pour moi que ce monde soit perçu comme étant contemporain. La couleur m’a semblé essentielle à cet égard.

NV : Ce passage des États-Unis à l’Europe est-il un moyen de revenir sur la génération de Juifs qui précède celle des émigrants du Swing du Golem ?

James Sturm : Je n’envisage ici aucun lien avec le Swing du Golem. Le personnage central est mon alter-ego qui se débat avec ses problèmes familiaux, artistiques ou commerciaux. Placer ce récit en terre yiddish me permet de me plonger d’une manière plus profonde dans un contexte particulier et m’évite ainsi de me perdre dans mon propre drame.

NV : Ce concept m’évoque celui utilisé par Sammy Harkham dans son récit Lubavitch, Ukraine 1876 où il se met aussi en scène dans un contexte assez proche. Y a-t-il un lien quelconque entre vos démarches ?

James Sturm : Un lien ? Nous sommes tous deux des dessinateurs juifs américains. Plus sérieusement, il serait présomptueux de ma part de tenter de détailler les intentions de Sammy.

NV : Sammy Harkham ayant donné quelques cours dans votre Center of Cartoon Studies, je me demandais si vous aviez eu l’occasion de confronter vos démarches. Il m’a décrit la sienne comme tenant de l’envie de réaliser une bande dessinée à la fois « historique, expérimentale et autobiographique ».

James Sturm : Sammy est en effet passé à White River Junction lors de la première année du Center for Cartoon Studies mais j’avais déjà débuté mon travail sur Market Day au moment de découvrir son excellent Lubavitch, Ukraine 1876. D’autre part, je ne définirais pas mon approche comme étant expérimentale.

NV : Pour en revenir à Black Star, on peut noter une autre forme d’épuration dans l’absence totale de phylactères. Pourquoi avoir fait ce choix ?

James Sturm : J’ai lu de nombreux ouvrages sur l’histoire « orale » des États-Unis durant la période des lois ségrégationnistes de Jim Crow. Il se dégageait quelque chose de poignant des témoignages directs de ceux qui avaient vécu ces événements. Dans mon esprit, la suppression des phylactères permettait de rendre au mieux la nature de nos sources, de faire résonner la voix des gens qui expérimentèrent une telle oppression. De plus, les histoires orales que j’ai lues condensaient un grand nombre d’informations tout en conservant leurs aspects dramatiques et leur intensité. En travaillant sur un texte narratif, je suis aussi parvenu à développer mon récit au travers d’une pagination réduite.

NV : Vous utilisez aussi un découpage très sobre pour la plupart de vos albums. Que vous apporte le système de trois rangées égales de cases ?

James Sturm : Je n’utilise pas ce système dans tous mes ouvrages mais il est vrai que je m’appuie fermement sur cette structure. Il est bien plus simple de composer son découpage à partir de cette base. J’apprécie cependant des compositions de pages plus organiques et plus élaborées mais je sais que ce n’est pas dans ce domaine que mes quelques talents résident.

NV : Pour de nombreux lecteurs américains, les règles du baseball ne doivent avoir aucun secret. Avez-vous songé au lectorat européen et international lorsque vous avez mis en scène les nombreuses séquences sportives de Black Star ou du Swing du Golem ?

James Sturm : J’ai été surpris par le chaleureux accueil dont a bénéficié le Swing du Golem en Europe. J’ai tenté de rendre les séquences de baseball accessibles aux lecteurs qui ne s’intéressent pas à ce sport tout en étant assez authentique pour que les amateurs les trouvent crédibles.

NV : Depuis de nombreuses années déjà, vous enseignez la bande dessinée. Quels aspects en particulier ?

James Sturm : J’enseigne les procédés de base de la pratique de la bande dessinée et j’en profite pour y glisser un peu d’histoire en citant des artistes dont le travail me semble être une bonne source d’inspiration. Mon objectif en tant qu’enseignant est d’aider les étudiants à trouver une forme d’intimité avec leurs propres processus créatifs. Au Center for Cartoon Studies, nous demandons aux étudiants de passer par tous les stades de l’élaboration d’une œuvre jusqu’à celui de l’impression. J’espère que chacun d’entre eux quitte le Centre avec une compréhension plus approfondie de ce qu’il faut mettre en œuvre pour parvenir à obtenir une bande dessinée de qualité.

NV : Quel sont les auteurs et les œuvres que vous introduisez dans vos cours ?

James Sturm : Nous étudions trop d’auteurs de manière approfondie au Centre pour les citer tous ici. Je n’en mentionnerai que quelques uns : Art Spiegelman, Carl Barks, Jack Kirby, David B., Roy Crane, Chris Ware, Robert Crumb, Harvey Kurtzman.

NV : Qu’avez-vous appris sur la bande dessinée au cours de ces années d’enseignement ? Vos cours ont-ils influencé votre propre travail ?

James Sturm : C’est en travaillant sur des bandes dessinées que j’ai le plus appris sur ce médium. C’est la raison pour laquelle, en tant que professeur, je demande à mes étudiants de fournir un maximum de travaux finalisés. Je peux aider mes étudiants à dessiner une carte mais ils devront voyager seuls dans ces territoires inconnus. Je suis certain par contre que j’ai tiré de nombreux enseignements, souvent positifs, au travers de mes cours comme celui d’atteindre le même niveau d’exigence que celui que j’attends de mes étudiants. Je citerai cependant deux aspects négatifs : je passe moins de temps à dessiner et je suis gêné par certains aspects de la création artistique dont j’ai pris conscience.

NV : J’aimerais conclure cet entretien en évoquant un petit ouvrage méconnu dont vous êtes l’auteur. Lorsque j’ai acheté le livret Return to Normal contenant six illustrations d’aéroport après le 11 septembre, j’ignorais d’ailleurs que vous en étiez l’auteur. Comment avez-vous abordé ces illustrations muettes au style naïf mettant en scène des personnages barbus (juifs ou musulmans) qui s’apprêtent à prendre un avion ?

James Sturm : Je réagis au monde et je l’intègre au travers de récits et il m’a semblé naturel de répondre aux attentats du 11 septembre par une histoire. Return to Normal se base sur des livres sur les avions et les aéroports que je lisais à mes enfants à l’époque des attaques. La lecture de ces ouvrages changea totalement après les attentats. J’ai donc voulu poser quelques images, construire une narration très ouverte et permettre au lecteur (et à moi-même) de se figurer ce monde nouveau et déconcertant qu’est celui du post-11 septembre.
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ENTRETIEN AVEC RICH TOMMASO
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Nicolas Verstappen : Comment est née cette collaboration avec James Sturm et quelles furent vos premières pensées face à un projet historique bien différent de vos œuvres personnelles ?

Rich Tommaso : James et moi tombions régulièrement l’un sur l’autre dans divers festivals et il me parlait à chaque fois de son désir de créer un Centre d’Etude de la Bande Dessinée. Il est finalement parvenu à monter ce projet qui a décollé bien plus rapidement que nous ne pouvions l’imaginer. Il m’a alors demandé si j’acceptais de donner une de mes planches originales au Centre avec un croquis supplémentaire. J’ai accepté et deux semaines plus tard il me recontactait en me demandant : « que dirais-tu de dessiner une bande dessinée biographique historique sur Satchel Paige pour Hyperion Books ? » Je n’accepte généralement pas les collaborations mais sachant que James en écrirait le scénario, j’ai accepté. Ce projet s’annonçait passionnant et je me suis senti prêt à passer une année dessus. D’autant que l’état de mes finances me préoccupait beaucoup à l’époque...

NV : Dans votre liste des meilleurs albums de 2008, trois bandes dessinées sur les sept sont d’origine française (Gus, Hanté et Le Combat Ordinaire). Pouvez-vous nous parler de l’intérêt que vous portez à la production européenne et de son influence sur votre travail ?

Rich Tommaso : Ce qui m’impressionne et me transporte avant tout chez des dessinateurs français comme Sfar, Trondheim et Blain (principalement), c’est qu’ils donnent le sentiment de passer un incroyable moment sur leurs planches, comme s’ils adoraient réellement dessiner des albums. Les Américains donnent le sentiment inverse en se plaignant sans cesse de ce que ce travail peut être pénible, déprimant et solitaire. C’est peut-être la raison pour laquelle ces auteurs français sont plus prolifiques que la plupart de leurs collègues d’Outre-Atlantique. De plus, leur style rend superbement la fluidité du dessin à main levée que certains parviennent à atteindre dans leurs carnets de croquis mais sont incapables de capturer dans un récit destiné à être publié. Je fais partie de ces dessinateurs qui s’asseyent, cogitent trop sur tous les aspects de leur travail et produisent très rarement. C’est une chose que je veux changer à l’avenir. J’aimerais dessiner et écrire des bandes dessinées de manière plus intuitive, comme si j’étais plus jeune, profitant de mon énergie plutôt que de réécrire mes séquences jusqu’à les rendre indigestes...

NV : Quelle expérience avez-vous tirée de cette collaboration avec James Sturm ?

Rich Tommaso : Elle a très clairement aiguisé mes capacités de dessinateur. Je ne serais jamais parvenu à rendre avec autant de précision des poses de baseball sans l’insistance de James qui m’a mené à les retravailler jusqu’à obtenir un résultat convaincant. Elle m’a aussi permis de trouver le courage de m’attaquer à une œuvre historique. C’est une envie que je gardais en moi depuis plusieurs années. J’avais plusieurs idées en tête mais je n’avais jamais osé me lancer... jusqu’à ce jour. La discipline à laquelle je me suis astreint sur ce projet m’a aussi permis de travailler de manière plus efficace. J’étais bien plus concentré car je dessinais chaque jour sans avoir à m’interrompre pour un travail alimentaire harassant.

NV : Avez-vous utilisé le Swing du Golem de James comme référence pour votre approche des séquences de baseball ? Pour capturer l’atmosphère qui lui est propre ?

Rich Tommaso : Dessiner des séquences de baseball était un défi très difficile d’autant que 60 pages du roman graphique présentaient des personnages qui y jouaient ! J’ai dû dessiner les mêmes poses (prises par plusieurs joueurs) encore et encore et encore. James fut d’une grande aide pour capturer des gestes de mains et des positions spécifiques. Il en sait bien plus sur ce sport que moi. Je me suis penché sur le Swing du Golem mais aussi sur des tonnes de photographies, des mangas de baseball et des matchs télévisés. C’est une entreprise difficile lorsque vous n’avez jamais vraiment pratiqué cette discipline. Je travaille actuellement sur une histoire courte liée au tennis et il est bien plus simple pour moi de capturer les mouvements car je joue au tennis et je le regarde régulièrement à la télévision.

NV : Vous mentionnez les mangas de baseball comme référence de documentation mais votre découpage est bien loin de celui des albums japonais consacrés au sport. Le système de trois rangées égales de cases tient d’une volonté d’intensité plus psychologique ? De mieux rendre les faces à faces ?

Rich Tommaso : Non. Je crois que la décision de James d’éviter les plans serrés à des fins dramatiques est avant tout liée au difficile sujet de cet album qui traite du racisme. La ségrégation et l’oppression subies par les Noirs dans le Sud des États-Unis devaient être traitées d’une manière sérieuse et ne devaient donc pas être présentées dans un album qui aurait mis en avant le « divertissement ».

NV : L’absence de phylactères a-t-elle influencé votre travail graphique ? A-t-elle facilité le découpage des séquences ?

Rich Tommaso : Elle n’a pas tellement influencé mon dessin mais elle a facilité mon travail de crayonné et d’encrage. C’est la première fois que je ne devais plus me préoccuper de dessiner autour des phylactères. Nous avons cependant dû retravailler quelques séquences pour une question de fluidité. Certaines d’entre elles ne s’emboîtaient pas de manière harmonieuse.

NV : Vous avez aussi donné quelques cours au Center for Cartoon Studies. De quel type d’enseignement étiez-vous chargé ?

Rich Tommaso : J’ai enseigné au Centre lorsqu’il a ouvert en 2005 jusqu’en 2007, année durant laquelle j’ai déménagé à Atlanta. Je donnais des cours pratiques sur le dessin, les techniques d’encrage et le matériel nécessaire. J’ai aussi donné un cours sur les ombrages du corps humain et du visage (selon la source de lumière ou l’effet de dégradé désiré). J’ai aussi enseigné le lettrage en compagnie de Steve Bissette durant quatre semaines. Nous abordions le lettrage dans le cadre de la conception de logos, de phylactères, de pagination ou d’effets sonores. En dehors de ces cours pratiques, j’ai donné une conférence sur les auteurs de formation et de style classiques de Roy Crane à Jaime Hernandez. Mais au bout du compte, je dirais que je n’ai pas enseigné très régulièrement durant ces deux années. Juste de temps à autre...
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[Entretiens réalisés en mars 2009 via courrier électronique pour le carnet XeroXed #16 offert à l'achat de l'album Black Star, la véritable histoire de Satchel Paige paru aux éditions Delcourt. Copyright 2009 - Nicolas Verstappen, James Sturm & Rich Tommaso]

lundi, septembre 14, 2009

POWERS de Bendis & Oeming

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Avec un premier semestre plutôt pauvre en grosses et belles surprises, j'en suis revenu à mes premières amours. Des bandes dessinées, toujours américaines, mais dont les genres ont été détournés par quelques auteurs dont l'impertinence n'a d'égale que le talent. Avec leur série POWERS, Brian Michael Bendis & Michael Avon Oeming font partie du lot.
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La chronique: Depuis les bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki les 6 et 9 août 1945, notre monde a changé de visage. Nous entrions dans l'Ere de l'Atome pour ne plus jamais en sortir. La démonstration de puissance du gouvernement américain allait engendrer une escalade à l'armement nucléaire qui contaminera l'ex-URSS et les autres grands puissances mondiales jusqu'à tenter la Corée du Nord, le Pakistan ou l'Irak (bien qu'étonnamment les preuves manquent toujours dans ce dernier cas...). Cette technologie de "persuasion massive" modifiera de manière définitive le rapport que nous entretenons avec les notions de "stabilité" et de sécurité" au niveau des états mais sans doute aussi de notre vie de tous les jours. Elle nous interroge également sur la "moralité" de son utilisation. Sous le titre évocateur de POWERS et en revisitant le thème des héros munis de pouvoirs dépassant l'entendement, la série de Brian Michael Bendis et Michael Avon Oeming aborde cette question de front. Les super-héros ont beau défendre la Justice, ils n'en restent pas moins citoyens soumis à la Loi. La création d'une section spéciale au sein de la police afin d'enquêter sur les possibles dérives de ces surhommes va donc de soi. Il se pose cependant un problème: comment de simples représentants de l'ordre pourraient-ils gérer l'arrestation d'un "Justicier" reconnu coupable d'un crime alors que ce dernier vole probablement plus vite que les balles et peut se défaire de tout type de menottes avec une facilité déconcertante. Ces tâches délicates seront pourtant confiées aux agents Christian Walker et Deena Pilgrim. Le brillant scénariste Brian Michael Bendis (Torso et la meilleure saga de Daredevil depuis Frank Miller) nous plongera dès lors au coeur de la relation qui unit ces deux partenaires face à une mission des plus périlleuses. Avec un réalisme cru, l'auteur nous dépeint leur quotidien, leur complicité et puis toutes ces crises de confiance qui peuvent naître au sein des équipes les plus soudées.
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POWERS est donc une passionnante série policière teintée d'une ambiance de Film Noir et rehaussée d'excellents dialogues dont Bendis a fait sa marque de fabrique. POWERS est aussi une série atypique consacrée à un univers de super-héros qui, dans la lignée des WATCHMEN, d'Astro City ou du Batman: The Dark Knight Returns, détourne un genre pour mieux nous interroger sur la manière dont nous usons des "pouvoirs" que nous nous sommes octroyés. POWERS est avant tout un véritable bonheur pour tous ceux qui, comme moi, aiment se laisser emporter dans une histoire construite sur les failles de personnages ordinaires confrontés à un destin qui les dépasse.

dimanche, septembre 13, 2009

Debbie


Un petit post rapide pour vous signaler la création du nouveau site de l'une des personnes que j'estime le plus dans le petit monde du Neuvième Art. Debbie Drechsler, illustratrice de presse et auteur de Daddy's Girl et Summer of Love à l'Association, lance donc sa nouvelle page web (cliquez sur l'image) où l'on peut retrouver un portfolio mais surtout un lien vers son blog qui regroupe ses croquis effectués lors de ballades en forêt.

Pour ceux qui ne connaissent pas encore son oeuvre, voici le lien vers l'entretien XeroXed de Debbie Drechsler en français (aussi disponible en anglais sur du9.org).
Et puis je tiens à remercier encore une fois Debbie d'avoir accepter de signer le logo du site XeroXed.be. Thank you so much!

lundi, juin 29, 2009

BAM! BAM!

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Will Eisner & Charles M. Schulz... Deux géants auxquels je voue une admiration sans borne. Deux génies qui ont participé à élever la Bande Dessinée au statut de Neuvième Art au travers d'oeuvres comme Le Spirit, Un Pacte avec Dieu & les Peanuts. Ce fut donc un honneur pour moi de rédiger deux portraits biographiques les concernant pour le nouveau Hors-Série du Beaux Arts Magazine. Et puis d'écrire aussi quelques (modestes) commentaires de planches originales superbement reproduites dans ce numéro consacré aux "Secrets des Maîtres de la BD". Au mileu des histoires courtes inédites de Moebius (de l' Arzach, mon bon monsieur) et de Dave Cooper, je ne pouvais rêver meilleure compagnie...
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Mes sincères remerciements à Vincent Bernière pour sa confiance renouvelée, à Pascal Matthey et à tous ceux qui m'ont répondu après lui pour me permettre de mettre la main sur un ouvrage nécessaire à l'élobration de l'article sur les Peanuts.
Nicolas.

dimanche, juin 28, 2009

XeroXed (XV): MIRIAM KATIN


Couverture de quinzième carnet d'entretien XeroXed
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XEROXED XV: MIRIAM KATIN
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C’est en 2006 et à l’âge de 63 ans que Miriam Katin conçoit les cent vingt pages de son premier roman graphique baptisé Seules contre Tous. On pourrait tenir cette information sur le début tardif de sa carrière dans la bande dessinée comme anecdotique mais il n’en est rien. Car cela implique qu’elle était âgée de trois ans lors de l’occupation de la Hongrie par les troupes allemandes puis russes durant la Seconde Guerre Mondiale. La jeune enfant juive connut ainsi avec sa mère la clandestinité tout au long d’une errance marquée par la violence, la mort, les délations et, pour seul salut, quelques actes de générosité isolés. Retour sur le parcours atypique d’une dessinatrice qui, comme Debbie Drechsler, ne put que « vomir » le poids de son passé.
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Présentation de Miriam Katin sur le site de Drawn & Quarterly
Présentation de Seules Contre Tous sur le site BulleDair.com
Présentation du collectif Le Tour du Monde en Bande Dessinée volume 1 sur le site de Delcourt
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Couverture de l'album Seules Contre Tous paru aux éditions du Seuil
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ENTRETIEN AVEC MIRIAM KATIN
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Nicolas Verstappen : Vous avez démarré votre carrière dans la bande dessinée à l’âge de 58 ans. Etiez-vous déjà familière avec ce médium ou l’avez-vous découvert tardivement ?

Miriam Katin : Mes deux garçons (âgés aujourd’hui de 36 et 40 ans) ont fait mon éducation au travers des albums de Tintin et d’Astérix lorsque nous vivions en Israël. Aux Etats-Unis, ces séries étaient bien moins populaires et mes enfants ne s’intéressaient que très peu aux super-héros. En 1986, on me commanda une série de bandes dessinées d’après des publicités que nous avions produites en Israël pour le studio d’animation qui m’employait. Je m’y attelai et fus séduite par cette forme de narration. Mon premier travail personnel date cependant de 2000. Je travaillais alors avec de jeunes dessinateurs de Disney et MTV qui avaient entrepris d’éditer une anthologie de leurs travaux. Ils inclurent ma première histoire dans ce recueil baptisé Monkey Suit. Ce récit traitait de ma famille et de mon enfance. Ce sujet occupe mes pensées comme une sorte de flot narratif ininterrompu. Je ne suis pas une écrivain mais, sachant dessiner, j’ai trouvé au travers de la bande dessinée un moyen modeste de l’aborder.

NV : Pour quelles raisons aviez-vous quitté Israël pour les Etats-Unis en 1963 ?

Miriam Katin : Je venais de terminer mon service militaire et j’ai voulu quitter au plus vite cet endroit pour barouder quelques temps à travers le monde comme le font encore aujourd’hui les jeunes Israéliens.

NV : Durant ce service militaire obligatoire, vous avez travaillé comme « artiste graphique ». En quoi consistait ce poste au sein de l’Armée de Défense Israélienne ?

Miriam Katin : Mon service était obligatoire mais je l’ai apprécié de bout en bout. Jeune fille réservée aux parents sur-protecteurs venant d’une Budapest guindée, j’ai accueilli à bras ouverts à l’âge de 18 ans le sentiment de liberté qu’offre la vie de l’Armée. C’est ce que j’appelle la « romance terrible » de la vie militaire (l’odeur de la graisse pour fusil me plonge encore dans un état second où se mêlent mes souvenirs de jeunesse). Mon travail de graphiste est présenté dans la case inférieure gauche du récit Live Broadcast. Nous dessinions et écrivions des instructions militaires sur de grandes feuilles de vinyl noir avec de la peinture à l’huile blanche. Ce travail nous rendait parfois fou mais nous étions déjà un groupe un peu dérangé à la base.

NV : Vous avez principalement travaillé dans le domaine de l’animation. La technique du storyboard vous a-t-elle aidée dans votre travail en bandes dessinées ou avez-vous dû vous en éloigner ?

Miriam Katin : Ma tâche principale dans le domaine de l’animation était liée au design des décors. J’ai réalisé au cours de ces années de nombreux croquis et pour la plupart de personnes en mouvement. Je pense que mes bandes dessinées ont gardé cette dynamique du mouvement « réaliste ». Du moins, c’est ce qui est généralement noté dans les articles concernant mon travail.
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NV : Votre trait se rapproche sensiblement de celui de Raymond Briggs. Fait-il partie de vos influences graphiques ?

Miriam Katin : Le nom de Raymond Briggs est revenu souvent dans des articles traitant de mon travail et j’ai donc fait quelques recherches sur le sien. Je ne connaissais aucune de ses œuvres ni celles des autres grands auteurs de bandes dessinées. J’étais une vraie novice dans cet univers.

NV : Vous travaillez au crayon plutôt qu’à l’encre. Pourquoi avez-vous opté pour cette technique ?

Miriam Katin : Cela s’est produit de manière toute naturelle. En travaillant sur les croquis préparatoires des quatre planches de mon premier récit, je me suis éprise de la qualité de la ligne du crayon. Sa sombre mélancolie et ses gris semblaient exprimer à merveille ce que je désirais partager. Lorsque Chris m’a suggéré de travailler en couleurs, je lui ai répondu que j’avais toujours envisagé ces lieux et cette époque en noir et blanc. Sans doute ai-je été profondément influencée par les photographies de ces années-là et de manière plus intime par les quelques clichés pris par mon père durant la guerre.

NV : Votre récit How the Irish defeated the Hebrews dans le Rosetta #2 s’inscrit dans une tonalité bien différente du reste de votre corpus. Vous y décrivez avec beaucoup d’humour les passions adultérines qui prennent place dans les thermes de la Mer Morte. Pourquoi avez-vous décidé de travailler à l’encre sur ce récit ?

Miriam Katin : J’ai toujours apprécié travailler à l’encre et au pinceau. Je me suis éloignée de cette technique avec le temps et c’est un véritable problème car le trait du crayon se reproduit beaucoup plus difficilement. Au travers de cette histoire, je voulais tout simplement faire un récit plus léger et voir si j’étais toujours capable de manier le pinceau. J’ai passé un très agréable moment sur ce projet. Durant ces années passées près de la Mer Morte (1981-1990), je travaillais souvent dans la guest house et le spa gérés par le kibboutz Ein Geddi. De nombreux anciens guerriers décrépis y venaient et mes collègues me firent remarquer qu’ils partageaient encore des liaisons bien « volages ». A quelques pas de l’ancienne ville de Sodome, l’air transportait une épaisse odeur de sel, de souffre, de passion et d’intrigue amoureuse.

NV : Y a-t-il eu une sorte de déclic qui vous a mené de l’idée d’écrire Seules contre Tous à la mise en chantier de ce récit ?

Miriam Katin : Après plusieurs histoires courtes consacrées à mon enfance, une question restait latente : « Vous êtes née en 1942 en Hongrie. Vous êtes juive. Comment avez-vous survécu ? Il doit y avoir une histoire... » Oui, il y a bien une histoire mais ma mère étant encore en vie (et en bonne santé), il m’avait semblé impossible d’aborder ce sujet. Au bout de quelques temps... et suite à l’insistance de mon éditeur... et après m’être demandée ce que je pouvais bien attendre... j’ai dessiné un découpage préparatoire pour une histoire de 35 pages. Chris Oliveros m’a alors suggéré d’étendre ce récit pour en faire un livre.

NV : La bande dessinée offre la possibilité à l’auteur victime d’un trauma de conjuguer à sa guise les mots, les images (lorsque les mots sont trop douloureux) et les ellipses. Elle lui offre aussi une certaine intimité avec son lecteur. La bande dessinée n’était-elle pas une des formes les plus appropriées à l’expression du drame que vous avez vécu ?

Miriam Katin : Je crois que votre analyse est juste mais c’est une chose dont je n’avais pas conscience à mes débuts. Mon troisième récit, intitulé Parfait et publié dans Viva la Monkeysuit en 2001, traite d’un incident lié à la pédophilie lorsque j’étais enfant à Budapest. Au départ, j’ai pensé que je cherchais simplement une histoire forte et peut-être que c’était le cas à l’époque. Pour Seules contre Tous, ce fut quelque chose de très différent. De nombreuses personnes me parlant de la question de la catharsis, je dû me rendre à l’évidence qu’elles avaient vu juste.
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Croquis à Jérusalem
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NV : Sur votre site, vous écrivez que vous essayez de « trouver la ligne qui relie les événements, les gens, les causes et les effets au travers d’images et de quelques mots ». Dans votre histoire Oh, to Celebrate !, vous voyagez constamment entre vos souvenirs d’enfance et votre table à dessin pour tenter de comprendre comment l’alcool a pris une place aussi importante dans votre vie. L’alcool fut-il un chemin de traverse pour parvenir plus rapidement à l’oubli ?

Miriam Katin : L’alcool a toujours été présent dans ma vie. Dans l’Europe de mon enfance, il n’était pas lié à une interdiction stricte pour les enfants comme c’est le cas aux Etats-Unis. Durant mon service militaire, la consommation d’alcool était devenue coutumière. J’ignore si nous buvions pour « oublier », pour nous « aider à vivre avec ». Mon mari pense que c’était le cas. Une chose est sûre cependant. Lorsque je rends visite à ma mère, nous buvons un apéritif sans attendre et ce quelle que soit l’heure de la journée (à l’exception du petit-déjeuner). Dernièrement, nous nous servons du Scotch. Elle a 90 ans et nous passons un agréable moment. Ce n’est qu’après avoir terminé Seules contre Tous que j’en suis arrivée à la conclusion qu’il s’agissait là à la fois d’un rituel et d’une célébration.

NV : Vincent Bernière m’a signalé que votre première rencontre avec Art Spiegelman fut relativement froide. Quel fut votre sentiment à cet égard ?

Miriam Katin : A la première rencontre, à la seconde, à la troisième... J’étais si impatiente et honorée de le rencontrer que je ne savais pas à quoi m’attendre. Et à quoi aurais-je dû m’attendre ? Si je devais comparer son accueil à celui plus chaleureux des autres auteurs, je dirais que le sien était très différent. Peut-être est-il dérangé par le fait que l’on compare (bien qu’il ne pourra jamais y avoir de comparaison avec son œuvre) ou plutôt mentionne son nom à chaque fois que l’on m’interviewe. Je suis aussi nouvelle dans le métier et je suis donc peut-être considérée comme une dilettante ou une intruse.

NV : Vous avez d’abord été « horrifiée » par l’idée qu’une bande dessinée sur la Shoah comme Maus puisse exister. Vous avez changer d’avis plus tard. Comment définiriez-vous la relation que vous entretenez avec cette œuvre ?
Miriam Katin : On ne parlait que très peu de l’Holocauste (qui est une expression d’ailleurs relativement récente). On n’abordait ce sujet ni dans ma famille ni dans les écoles. Même en Israël. C’était aussi quelque chose de profondément personnel à mes yeux. La perte. La douleur. J’envisageais toutes les œuvre liées à la guerre comme étant intrinsèquement tragiques et sombres même si je ne les lisais ou ne les regardais pas. Lorsque j’ai aperçu Maus dans la vitrine d’une librairie à Tel Aviv, je n’ai songé qu’à deux choses : il semblait s’agir d’une bande dessinée avec des personnages de « cartoon » et la couverture présentait une Swastika. Cela m’a répugné au point de ne pas vouloir prendre le livre en main. Les libraires devaient sans doute éprouver la même chose car il avait été placé dans un coin de la vitrine à même le sol. Un an plus tard, je travaillais aux côtés de Simon Deitch à New York. Kim et lui avaient été publiés dans la revue RAW et j’en ai donc acheté un exemplaire. Un chapitre de Maus était présenté dans ce numéro et je lui ai donc accordé une nouvelle chance. J’ai rapidement acheté les deux livres de Maus et je les considère comme l’expression la plus forte de l’Holocauste qu’il m’ait été donné de découvrir. J’avais enfin « compris ». Les animaux et tout le reste. RAW fut aussi le premier ouvrage de bande dessinée à l’approche aussi sérieuse que j’eus l’occasion de lire. Cela me donna l’envie de produire ma première histoire et Maus me donna une forme d’autorisation à évoquer mes propres souvenirs et ceux liés à ma famille.

NV : Le récit de type autobiographie est au centre de travail. Qu’en est-il de la fiction ?

Miriam Katin : J’ai travaillé sur deux histoires qui n’était pas liées à ma vie dans le deuxième volume de l’anthologie Rosetta. La première était basée sur un scénario de Suat Ng Tong et l’autre évoquait les passions amoureuses au bord de la Mer Morte. Mon reportage sur Obama est plus difficile à définir. Cependant j’ai bien une idée ou deux pour la fiction. Mais il y a cette histoire... Une histoire qu’il m’est pénible de raconter et sur laquelle je dois me pencher avant toute chose... Mon mari pense que je n’y parviendrai jamais. Je dois parler de mon père que j’aimais tant et qui est décédé en 1996. J’étais très proche de lui. Ses quelques apparitions dans Seules contre Tous furent les pages les plus difficiles à rendre sur un plan émotionnel. Mon mari dit que je tente de tout faire pour éviter d’entamer mon prochain livre qui devrait lui être consacré en grande partie. Il a peut-être raison.

NV : En quoi les souvenirs de votre père sont-ils un sujet si difficile à aborder ?

Miriam Katin : Je ne suis pas certaine de la réponse. Les photographies de la guerre que je reproduisais dans Seules contre Tous me plongeaient irrémédiablement dans une profonde tristesse. Je crois que c’est de penser à la grande injustice de sa souffrance qui me met dans un tel état. De plus, même si mon père survécut, les circonstances ne lui permirent jamais de réaliser pleinement ses aspirations professionnelles. Cela m’a toujours attristée.

NV : Vous envisagez aussi de parler dans un prochain récit du choc que provoqua pour vous l’installation de votre fils Ilan à Berlin à cause de votre « système de pensée fondé sur l’Holocauste ». Est-ce là aussi une approche cathartique lié à ce problème ou une façon d’apporter, au travers de ce récit, une conclusion à un cheminement effectué en amont ?
Miriam Katin : Seules contre Tous formait bien un épilogue mais pour mon récit sur Berlin l’approche est différente. Cela se déroule aujourd’hui et Ilan vient de s’y installer. Cela me demande un travail intérieur. Mais que puis-je faire d’autre ? Lorsque Ilan a pris sa décision, la question du droit de résidence et de travail en Allemagne s’est posée. Il s’est aperçu qu’il pouvait bénéficié de la nationalité hongroise car j’étais née en Hongrie. Je ne suis plus de nationalité hongroise mais cela compte malgré tout. Les règles du jeu changent... L’ironie de tout ceci ne lui a pas échappé : je viens de publier un album dans lequel je témoigne des atrocités commises dans ces pays durant la Deuxième Guerre Mondiale et mon fils fait des démarches pour obtenir un passeport hongrois pour partir vivre et travailler en Allemagne...

NV : Comment envisagez-vous votre citoyenneté aujourd’hui. Vous sentez-vous américaine, israélienne, hongroise ?

Miriam Katin : A la fois américaine et israélienne. On ne perd jamais sa nationalité israélienne mais je ne renoncerai jamais non plus à ma nationalité américaine car ce pays fut le pays le plus accueillant de tous.
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[Entretien réalisé en janvier 2009 via courrier électronique pour le carnet XeroXed #15 offert à l'achat du collectif Le Tour du Monde en Bande Dessinée volume 1 paru aux éditions Delcourt.]
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Cet entretien est aussi disponible dans sa version originale (anglaise) sur le site du9.org .
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Mes sincères remerciements à Miriam Katin, Vincent Bernière & Xavier Guilbert. Nicolas.


dimanche, mai 31, 2009

Entre Hergé & Magritte...

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Les inaugurations presque simultanées du Musée Hergé & du Musée Magritte font la une de l'actualité culturelle belge depuis plus d'une semaine. De la Bande Dessinée, du Surréalisme, de la Belgitude, voilà donc l'occasion de parler de trois albums parus récemment chez trois éditeurs alternatifs de notre plat pays.
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L'employé du Moi nous propose Airpussy de la dessinatrice allemande Ulli Lust. Ce joli petit ouvrage muet se définit comme "un rituel printanier contemporain, dessiné à la fin de l'hiver et publié au printemps" et traduit l'éclosion du plaisir féminin au travers de la quête sensuelle de son héroïne. Les préliminaires se succèdent au fil des pages tandis que les chairs se gonflent de désir pour enfin laisser place à l'éruption des sens et à la célébration du renouveau. Le style d'Ulli Lust a la légereté d'un macaron de Pierre Marcolini (pour rester dans les références locales) et se déguste donc comme une véritable friandise.
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A l'annonce de chaque nouveau récit de Gipi , je ne peux plus contenir mon impatience. Comme un lutteur sur son adversaire, je me jettai donc sur l'ouvrage collectif intitulé Match de Catch à Vielsalm pour y lire les planches du maître italien que je chéris tant. Après avoir été moyennement convaincu par Ma Vie mal Dessinée chez Futuropolis, j'ai été ici emballé par la petite trentaine de pages qu'il a conçue avec l'artiste belge Jean-Jacques Oost. Mais au-delà de leur touchante Bataille des Ardennes, c'est l'ensemble de ce collectif qui doit être salué pour la qualité de sa facture. Les six récits graphiques qui la composent sont réalisés par des binômes formé d'un artiste porteur d'handicap et d'un auteur de bande dessinée. Le résultat est parfaitement présenté sur la quatrième de couverture: "dans les éclats de récits composés à quatre mains, vous verrez handicap et non-handicap disparaître sous les coups de Hulk Hogan et Jean-Claude Van Damme, sous le feu de vaillants soldats des Ardennes, sous les scalpels de chirurgiens fantômes, ou tout au fond de petits nids douillets. Littérature graphique brute, bande dessinée outsider, plaisir pur... vous n'aurez pas à choisir!" La rencontre de quelques grands noms du FREMOK (Vincent Fortemps, Dominique Goblet, Olivier Deprez, Thierry Van Hasselt), de Gipi et des artistes du centre d'art CEC LA HESSE donne effectivement à voir tout cela. Et à dépasser tout ce que l'on voit.
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William Henne nous propose une autre forme d'exploration du récit avec Les Songes (Reliefs) paru à la Cinquième Couche. L'auteur y retranscrit dix de ses rêves, chacun bénéficiant d'un traitement graphique particulier. On aurait pu craindre que ce mélange de styles ne nuise à l'ouvrage mais l'hétérogénéité s'accorde parfaitement à la tonalité du recueil. Peinture, crayon, dessin "vectoriel" informatique ou fusain servent avec justesse les ambiances étranges de ces récits oniriques. Le livre révèle, comme le Cheval Blême de David B ou les Hypnagogic Reviews d'Aleksandar Zograf, un univers intime et personnel fait de motifs récurrents et révélateurs de malaises plus ou moins enfouis. Ce travail de William Henne contribue brillament au défrichage de ce vaste continent encore trop peu exploré que celui des songes dont la valeur autobiographique n'est plus à démontrer.

jeudi, mai 28, 2009

A découvrir: la trilogie "Rosalie Blum" de Camille Jourdy

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Il n'y a rien de moins banal que les personnages "ordinaires" de Camille Jourdy!!!
Prenez par exemple Vincent Chamal, ce jeune trentenaire privé de toute aspiration professionnelle ou sentimentale à cause du chantage affectif d'une mère quelque peu dérangée... Rien ne le prédestine à sortir des clous et pourtant son quotidien deviendra une aventure de tous les instants lorsqu'il décidera de tromper son ennui en se lançant dans la filature d'une mystérieuse inconnue. Pas totalement inconnue en réalité et c'est bien là que réside son mystère... Vincent Chamal la connaît. Il en est certain. Mais d'où? Pourquoi le visage de Rosalie Blum le hante-t-il à ce point? Pourquoi sa mémoire lui joue-t-elle ce mauvais tour qui vire à l'obsession? Combien de temps pourra-t-il suivre cette femme énigmatique sans se trahir? Ce que Vincent Chamal ignore c'est que son étrange attitude a déjà éveillé la curiosité d'une tierce personne qui le surveille étroitement... Camille Jourdy croise ainsi les destins de ses personnages pour nous offrir une trilogie riche en rebondissements et en purs instants de plaisir. Des instants tendres et décalés comme l'équipe de notre librairie les aime tant. (Nicolas)
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Présentation sur le site de l'éditeur

dimanche, mai 24, 2009

24 HEURES de GRANDPAPIER: quelques photos

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Voici quelques photographies prises hier lors du lancement des 24 heures Bande Dessinée organisée par GrandPapier.org. Sauf celle en noir et blanc bien entendu qui est signée Martin Parr et qui a servi de base à la contrainte de ces 24 heures. Les auteurs devaient en "isoler un ou plusieurs personnages ou objets et les intégrer comme des éléments clefs dans leur récit". Silence de mort à l'annonce de la contrainte par Philippe Vanderheyden... Comme on peut le voir sur la photographie qui suit celle de Martin Parr, Bert se prend la tête entre les mains et David Libens plonge son regard dans le vide... L'angoisse de la page blanche pointe le bout de son nez... Angoisse pour les organisateurs aussi qui tentent de régler les quelques soucis techniques liés à l'informatique. Max de Radiguès, Sacha Goerg & Philippe Vanderheyden interrompent la transmission de la webcam pour soulager le réseau. Après quelques heures, tout se met enfin en place. Les idées prennent forme. David Libens a déjà terminé quelques planches (et quelles planches!). Les interviews successives des auteurs par Radio Campus Bruxelles trouvent leur rythme de croisière...
Sur les photos ci-dessus, vous pourrez reconnaître Max de Radiguès, William Henne, Pascal Matthey, Christophe Poot, Joanna Lorho, Noémie Marsily, David Libens ou encore Renaud De Heyn...
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De nombreuses planches des 24 Heures sont déjà présentées sur GrandPapier.org.
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L'univers de Martin Parr est également à découvrir sur la page Artsy's Martin Parr.
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dimanche, mai 17, 2009

24 HOUR COMICS de GRANDPAPIER

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Voici donc bientôt venu l'événement des 24 Heures de GRANDPAPIER auquel je participe (modestement) avec Philippe Vanderheyden en élaborant la contrainte imposée aux dessinateurs. Un joli défi en perspective...
"Il s’agit pour les participants de dessiner 24 planches en 24 heures, en respectant une contrainte (au niveau du fond ou de la forme) révélée au début de l’épreuve. En direct depuis Bruxelles, Montréal, Beyrouth, White River Junction, Poitiers, Paris, San Antonio et même Papette !! En tout, plus de 70 dessinateurs relèveront le défi !
Le site GRANDPAPIER.org va devenir durant 24 heures le centre névralgique de l'événement. Vous pourrez y lire les pages postées en temps réel de la totalité des auteurs participants. Des webcams placées dans presque tous les différents lieux vous permettront de vivre ces 24 heures avec les auteurs, où qu'ils soient. Un blog sera entretenu où vous pourrez voir chaque heure des photos de la station bruxelloise et de ses activités. Enfin Radio Campus Bruxelles retransmis en streaming depuis le site vous donnera le son avec des émissions/interviews d'auteurs pendant toute la durée de l'événement!
Á Bruxelles, ça se passe à l'ULB (université libre de Bruxelles), dans le foyer culturel sur l'avenue Paul Héger à 1050 Bruxelles. Non loin de radio Campus qui suivra l'événement en direct. Á Montréal, ça se passe CHEZ ORANGETANGO, 88 rue Queen, Montreal, QC ...
Ça se passe du samedi 23 mai au dimanche 24 mai. De midi à midi (GMT), donc de 8 heures à 8 heures pour Montréal, de 14 heures à 14 heures pour Bruxelles, etc......
Voir la liste des participants en fin de cet email.
GRANDPAPIER.org
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--english--
Only six days left before the 24 hour comics of grandpapier.org starts!
Comic artists taking part in this event will have to draw 24 pages in 24 hour. And to get things nastier, just before starting they will receive a special constrain. Live from Brussels, Montreal, Beirut, White River Junction, Poitiers, Paris, San Antonio and even Papette! All together over 70 comics artist are ready to take up this challenge!
Grandpapier.org will become for 24 hour the HQ of the event. You'll be able to read pages posted in real time from all the participants. Webcams in every places will let you see the comic artists as they work. A blog dedicated to the Brussels station will give you hourly pictures and summary of what's happening. Finally the local radio (radio campus Brussels) streamed through the website will give you fresh interviews and discussion on comics all 24 hour long.
The event will be held in Brussels at the university: ULB (université libre de Bruxelles), Paul Héger av. 1050 Brussels.
In Montreal at CHEZ ORANGETANGO, 88 Queen st. Montreal, QC
Wherever you are save the date, from Saturday May 23 @ 2PM Brussels time (GMT+2, thats 8AM on America's east coast) to Sunday May 24, same time...
Participants list at the end of this email.
GRANDPAPIER.org
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-- participants--
--de/from Beyrouth : Fadi ’the fdz’, Ghassan Halwani, Hatem Imam, Omar Khouri, Lena Merhej, Jana Traboulsi
--de/from Bruxelles : Bapton, Etienne Beck, Bert, Olive Booger, Abdel Bouzbiba, Claude Cadi, carl, Renaud De Heyn, Alexandre De Moté, Max de Radiguès, Brice Dumas, Rémi Lucas, Frédéric George, Sacha Goerg, Florent Grouazel, Benoît Guillaume, William Henne, Hero, Carl Johanson, Zoé Jusseret, Christophe Poot, David Libens, Roxane Lumeret, Joanna Lorho, Joseph Falzon, Cédric Manche, Noémie Marsily, Thomas Mathieu, Pascal Matthey, Alain Munoz, Stephane Noël, Morgan Navarro, Monsieur Pimpant, Pieriv', Bastien Quignon, Natacha Sicaud, Younn Locard, Thierry van Hasselt, Louis Vanardois, Zviane
--de/from Montréal : Mélanie Baillairgé, Jimmy Beaulieu, Pascal Blanchet, Pierre Bouchard, Julie Delporte, Ariane Denommé, Francis Desharnais, Catherine Genest, Pascal Girard, Vincent Giard, Elise Gravel, Michel Hellman, Laurence Lemieux, Catherine Lepage, Sébastien Trahan, David Turgeon
--de/from Papeete : Bulu
--de/from Paris : Aleksi Cavaillez, Damien Roudeau
--de/from Poitiers : Juhyun Choi, Otto T
--de/from San Antonio : Cole Johnson
--de/from White River Junction : Robyn Chapman, Jen Vaughn, Liza Petruzzo
L’employé du Moi "

mardi, mai 05, 2009

"100 Bullets": chef d'oeuvre du thriller noir & cachet XeroXed

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Je suis tombé amoureux du style d'Eduardo Risso à la fin des années '90, quelques années avant de débuter ma carrière de librairie. Je conserve encore un vif souvenir de ma découverte des cinq tomes de Fulù signés par Carlos Trillo et le dessinateur argentin chez Glénat. Risso y alliait déjà, et de manière surprenante, un trait épais et une ligne élégante, des applats d'un noir intense et un découpage lumineux. Au travers de séries comme Je suis un Vampire ou 100 Bullets, on ne peut que s'émerveiller devant la fluidité de sa mise en scène qui tient du tour de force narratif. Eduardo Risso ose les plans improbables et les intègre avec brio dans un flot énergique et continu. L'oeil ne se lasse jamais mais ne se fatigue pas non plus. Risso garde en alerte tous les sens de son lecteur et le force à faire corps avec le récit. Vous pourrez donc imaginer mon bonheur lorsque ce dessinateur que j'apprécie tant accepta de participer à la série des cachets XeroXed. Un bonheur que j'espère vous faire partager au travers de la lecture de la série 100 Bullets dont voici ma chronique:

"Certains crimes restent impunis. L'assassin, camouflant son meurtre en accident ou ne laissant derrière lui aucun indice, poursuit ainsi sa vie sans être nullement inquiété. Un homme pourtant pourrait bien entrer dans votre vie pour vous dévoiler toute la vérité sur le décès d'un de vos proches. Il vous confiera un dossier indiquant l'identité du meurtrier et les preuves irréfutables de sa culpabilité. L'homme, qui se présente comme l'agent Graves, vous tendra alors une malette contenant un revolver et 100 balles intraçables en vous signalant que vous échapperez à toute enquête judiciaire si vous éliminez le criminel impuni. Votre vengeance, crue et froide, sera à portée de main et votre cible à bout pourtant. A moins que certaines questions ne viennent tempérer votre esprit échauffé et étouffer l'appel du sang... Qui est l'agent Graves? Comment peut-il apporter autant d'informations sur des affaires non-classées? D'où proviennent ces munitions qui vous permettent d'exécuter un homme sans être poursuivi? Pourquoi flotte-t-il comme une odeur de complot autour des douilles éparpillées au sol? Pourquoi éprouvez-vous le sentiment de n'être qu'un pion dans un échiquier qui vous dépasse? Les réponses vous seront peut-être salutaires... ou fatales... Surtout si vous parvenez à trouver la réponse à cette question: de qui l'agent Graves veut-il se venger en jouant avec votre propre désir de vengeance?
100 Bullets est un petit bijou du thriller noir. Ce récit haletant (qui vient de se conclure aux Etats-Unis) vous plongera au coeur d'une machination dont les ressorts sans faille ne cesseront de vous surprendre. A ne pas manquer!" (Nicolas)
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Le sixième cachet de la XeroXed Collection est limité à 200 exemplaires et orne le premier tome de la série 100 Bullets de même que le huitième (à paraître en juin). Comme pour les cachets précédents, il n'influe en rien sur le prix de vente des albums.