CORRESPONDANCES (I): entretien avec Pauline Martin
Pauline Martin m'a fait le plaisir de répondre à quelques questions pour le site internet de la Bulle d'Or. Ce site se faisant de plus en plus désiré, j'ai décidé de publier l'entretien sur ce blog. Pour ceux qui ne connaissent pas encore le travail de Pauline, elle a publié La Boîte et La Meilleure du Monde chez Ego Comme X et Léonora chez Denoël Graphic. Ce dernier album était l'une des meilleures surprises de l'année 2004. Le scénario de David B m'a très agréablement surpris car on peut ressentir qu'il a été écrit pour correspondre au mieux à l'univers graphique de Pauline Martin sans rien perdre de sa substance.
Un grand merci à Pauline pour ses réponses et à Loïc Néhou pour sa disponibilité. Bonne lecture.
copyright: P. Martin/Denoël
Nicolas – Vous abandonnez des études de Médecine pour suivre celles des Arts Appliqués. Etait-ce déjà avec l'idée de faire de la Bande Dessinée ou étiez-vous intéressée par le graphisme et le dessin en général?
Pauline Martin – Non en fait quand j'ai abandonné la médecine et même au lycée je ne dessinais plus du tout (je dis plus du tout par ce que je dessinais beaucoup quand j'étais petite). Le monde du graphisme et le la BD m'étaient totalement étrangers (à part Agrippine et Reiser). Quand je pense que j'étais au lycée à 2 rues de la librairie "un regard moderne" sans en connaître l'existence j'ai un peu honte, mais c'est ainsi. À l'époque je faisais du modelage d'après modèle vivant et c'est ça qui m'a décidé à faire une école d'art appliqué. Enfin j'ai d'abord fait une classe de "prépa artistique" avant de renter dans mon école de graphisme. Et quand je suis rentrée dans cette école, je voulais faire du "dessin de presse" ou de l'illustration.
N. – Qu 'est-ce qui vous a orienté vers la Bande Dessinée ? Votre rencontre avec Killoffer, Dupuy et Berberian ?
Pauline Martin – Ce qui m'a orienté vers la bande dessinée ce sont les encouragements d'un de mes prof, Toffe, qui est artiste-graphiste, c'était notre prof de "dessin expérimental". Son cours était vraiment intéressant même si je ne comprenais pas tout, par ce que c'était très dense et très conceptuel. C'est grâce à lui que mes premiers strips on été publié dans le journal STRIPS dont le DA était Placid. En fait il m'a fait découvrir le dessin "underground" avec Garry Panter et "Jimbo" entre autre. En découvrant ces dessinateurs, ça a été pour moi comme une "autorisation" de dessiner. Je me suis dit que la BD supportait tous les styles de dessin et donc que c'était possible, et puis j'avais envie de dire des choses, de raconter, je ne sais pas quoi mais l'envie était là. La rencontre avec Dupuy-Berberian et Killoffer l'année suivante m'a permis de continuer à travailler tout ça.
N. – Je n'ai pas réussi à me procurer les revues Strips auxquelles vous avez participé en 1996 et qui contiennent vos premières planches. Quel type de récit y avez-vous abordé? L'autobiographie? La fiction?
Pauline Martin – Ah ah, mes premiers strips c'est quelque chose ! En fait c'était une série de strips donc, qui finissaient tous par les mots "dans le noir" et on voyait un petit personnage dans une case entièrement noire faire différentes choses comme : "anniversaire dans le noir", "recousage de soi dans le noir", "faire un mécano avec des ailes de poulet dans le noir"... c'est un truc assez bizarre en fait, il n'y a pas de récit c'est juste une accumulation d'action "dans le noir" y'en a un quarantaine comme ça.
N. – En 1999, vous dessinez un récit pour le Comix 2000 ainsi que La Boîte (en toute fin d'année). Comment s'est déroulé votre contact avec l'Association et Ego Comme X?
Pauline Martin – Pour le Comix 2000, j'ai envoyé mes planches à l'Asso et ils m'ont dit ok. Pour La Boîte, je leur ai proposé, ça les intéressaient un peu mais ils voulaient que je refasse des planches, que je transforme le récit. Je m'en sentais incapable, je n'avais pas du tout envie de me replonger dans cette histoire et de la transformer. Je ne pouvais qu'en rester à cette forme assez " brute" et spontanée. Puis des rencontres que j'ai faites m'ont permis d'entrer en contact avec Loïc Néhou qui a tout de suite voulu publier La Boîte tel quel, il a juste fallu que je refasse le lettrage pour que ça soit un peu plus lisible.
N. – À la fin de Léonora, on peut lire que vous avez pris conscience « des limites de la fiction narcissique ». La Boîte est une autofiction plus qu'une autobiographie ? Comment vous êtes-vous placée face à la fidélité des faits?
Pauline Martin – En fait La Boîte est vraiment une autobiographie, il y a juste quelques détails que je n'ai pas mis. Mais quand je l'ai dessiné j'essayais de me souvenir le plus exactement possible de ce qui c'était passé, de ce que j'avais ressenti ou rêvé pour le mettre en bande dessinée. Tous ça c'est fait de manière très instinctive. Le terme de "fiction narcissique" m'énerve un peu par ce qu'il est un peu méprisant pour ce "genre". C'est vrai qu'avant le faire Léonora je n'étais plus satisfaite de mes BD en cours, je me "saoulais" moi-même avec ses histoires, les mêmes cadrages, les même situations, je voulais passer à autre choses, dessiner d'autre choses. C'est dans ce sens là que je me sentais limitée.
N. – La Boîte est réalisé en noir & blanc, La Meilleure du Monde introduit la bichromie et Léonora un jeu avec deux verts différents. Comment envisagez-vous ce rapport à l'évolution de la couleur dans vos albums?
Pauline Martin – En fait Léonora c'est aussi de la bichromie, c'est juste qu'il y a plus de nuances. Pour l'instant la bichro ça me convient, j'ai essayé sur Léonora de mettre quelques pages en couleurs quadri, mais ça ne me plaisait pas. Je travaille actuellement sur un projet de BD pour enfant et là je supprime tous les "petits traits", à ce moment là, la mise en couleur quadri passe mieux, mais il faut que je la travaille beaucoup pour que ça soit joli. Enfin je veux dire que le travail de la couleur me prend beaucoup de temps et me fait un peu peur aussi. La couleur pour moi c'est encore un chantier à venir, mais un énorme chantier ! Alors je prends mon temps.
N. – Votre travail sur la couleur est déjà très réussi dans le « Beaux Arts Magazine hors série ». Vous avez profité de ces deux planches comme d'une sorte de terrain d'expérimentation ?
Pauline Martin – Oui en fait j'ai essayé de faire en BD ce que je faisais déjà pour des images uniques (qui sont sur le site d'ego comme x dans la galerie). Mais c'est très long, il faudrait que je trouve une autre méthode qui rende à peu près la même chose, ou que je pratique plus.
N. – Dans un entretien de Didier Pasamonik, vous signalez que vous aviez envie de "désapprendre à dessiner pour créer un style plus carré"(au travers de Léonora). Plus "carré" dans quel sens?
Pauline Martin – À vrai dire je ne me souviens absolument pas avoir dit ça, par contre je reconnais que j'avais envie de progresser en dessin, par ce que je me sentais limitée, et encore maintenant d'ailleurs.
N. – Comment s'est mise en place votre collaboration avec David B.? Est-elle le fruit d'une longue complicité, d'une rencontre inattendue?
Pauline Martin – Je connaissais David depuis quelques temps, mais sans être très intime avec lui. Un soir à un festival d'Angoulême je lui ai demandé de m'écrire une histoire, il m'a demandé quel genre d'histoire j'aimerais et je lui ai dit que je voulais faire un truc à l'opposé de ce que j’avais fait avant, j'avais envie de dessiner une aventure avec des bagarres et tout et tout. On s'est dit que le Moyen-Âge irait bien avec mon style et c'est comme ça que la graine a été plantée. Ensuite ça a mis pas mal de temps à se mettre en place mais quand j'ai eu les premières pages du scénario j'ai trouvé ça génial.Ensuite j'ai beaucoup travaillé, j'ai fais et refais les premières planches pas mal de fois, j'ai appris beaucoup de chose en travaillant avec David.
Il est à la fois très exigeant et très généreux.
(entretien réalisé par courrier électronique entre février 2005 et juin 2005 - copyright Pauline Martin/Nicolas Verstappen)
A bientôt
jeudi, octobre 20, 2005
Correspondances (I): PAULINE MARTIN
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1 commentaire:
Si tu tiens le rythme, mon gars, t'a des risques d'exploser les stats de visite et de devenir un endroit très, très visité...
Super boulot, Nico, comme d'hab.
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