lundi, novembre 05, 2007

Een beetje van alles (VII): la projection de "Panorama"

L'affiche du film pour le Festival Pink Screens et la réalisatrice Loo Hui Phang lors du débat (© Loo Hui Phang & Xeroxed.be).

Je me suis donc rendu à la projection de Panorama, l'adaptation cinématographique de l'album éponyme de Cédric Manche & Loo Hui Phang. Cette dernière, qui signe aussi la réalisation du film, était présente avec Cédric Manche lors de l'événement qui se tenait dans le cadre du Festival Pink Screens.

Le mensuel #99 du cinéma Nova présentait le film comme suit: "Panorama raconte l'étrange histoire du photographe Pu Dchié et de son voisin Liu, étudiant solitaire et discret. Entre eux s'est nouée une relation ambigue, faite de confidences et de non-dits. Le mystère qui entoure le comportement de Pu Dchié intrigue Liu jusqu'à l'obsession: il va l'espionner et découvrir peu à peu la face cachée de son ami. Loo Hui Phang réalise ici un premier film fascinant et rigoureux, adapté de sa bande dessinée éponyme".

Ceux d'entre vous qui ont lu l'album constateront déjà ici quelques différences notables malgré une intrigue relativement similaire entre les deux oeuvres (et ceux qui n'ont pas lu l'album devraient se l'acheter!). De fait, pour réaliser l'adaptation dans les limites du budget imposé, Loo Hui Phang a transposé son récit au coeur de la communauté chinoise de France et non pas au Japon. De même, l'intrigue se déroule de nos jours et non plus dans les années 1920. En dehors de ces changements majeurs, le fond de l'histoire et son ambiance étrange sont conservés.

J'ai trouvé à ce film tous les défauts et toutes les qualités d'une première réalisation. Loo Hui Phang s'en sort donc bien. Je trouve son travail remarquable sur de nombreux points comme ceux du rythme, du découpage et des plans. Mes seuls regrets résident dans la qualité parfois pauvre de la photographie et des prises de son ainsi que du jeu de certains acteurs.

Le débat qui a suivi la projection était très intéressant car Loo Hui Phang a répondu de manière très profonde aux quelques questions pertinentes qui furent posées.
Elle a évoqué la difficulté de trouver des acteurs pour ce film car la communauté asiatique est très peu représentée sur les écrans français (tant à la télévision qu'au cinéma). C'est au théâtre qu'elle a découvert les acteurs et actrices de son film. Ces derniers étaient ravis de jouer d'autres rôles que ceux qui leur sont habituellement proposés pour le grand écran (à savoir ceux de "voyous" pour les hommes et de "femmes soumises" pour les actrices). Cette situation explique peut-être en partie le problème que j'ai rencontré avec le jeu de certains d'entre eux. Une certaine "théâtralité" ne passe pas forcément bien sur la toile. Quoi qu'il en soit, Loo Hui Phang signala aussi que ce film lui avait donné envie de réaliser un documentaire sur cette communauté souvent négligée et que de travailler au sein de la communauté qui était la sienne lui avait permis de mieux comprendre une partie des éléments personnels abordés dans sa bande dessinée.
Elle s'est expliquée sur une autre modification de son récit qui tient en l'absence de représentation de "bondage" dans son film. Si cet élément est présent dans l'album, il a été remplacé par des photographies d'hommes et de femmes sans pilosité (ni cheveux, ni sourcils, ni poils pubiens). Elle justifiait son choix par le fait que si le "bondage" pouvait apparaître comme étant dérangeant dans le Japon des années 1920, ce n'était plus autant le cas aujourd'hui. Les photographies présentées dans le film me semblent en effet plus appropriées à l'effet recherché.
Elle n'a, par contre, pas tenu à s'expliquer sur d'autres points plus obscurs de son récit. Elle désire en effet que chacun en retire sa propre interprétation. "Il n'y a pas une vérité unique. J'ai la mienne, je tiens à ce que vous conserviez la vôtre" a-t-elle conclu à cette question.
Il a aussi été intéressant d'écouter le développement de sa réflexion sur les ressorts dramatiques ou comiques de son film. Elle cherche à créer une émotion nouvelle pour le spectateur, une émotion qui la touche elle-même en tant que spectatrice. Elle se refuse à présenter des scènes qui seraient dramatiques dans le seul but d'être dramatiques ou drôles dans celui d'être drôles. Une des scènes de son film présente une repas dans la famille du photographe dont le frère, totalement fou, se prend pour Elvis Presley. La scène fait sourire mais elle met en avant le drame que vit Pu Dchié qui est méprisé par ses parents car il fait un travail indigne (celui de "capteur d'images") alors que ceux-ci vénèrent leur fils dément. Loo Hui Phang mélange ainsi tragédie et humour (sans être vraiment dans l'oxymore) pour créer une émotion décalée et inattendue. J'ai cependant ressenti pleinement cette émotion bien plus au travers de sa bande dessinée que de son film. Il faut dire que le travail de Cédric Manche reste en tout point remarquable. Son dessin et son découpage sont tout simplement parfaits en ce qu'ils perdent totalement le lecteur dans des sensations étranges qui le laissent perplexe tant ce dernier ne parvient à les définir (comme dans Des Chiens, de l'Eau et The End #1 d'Anders Nilsen ou l'Homme sans Talent de Tsuge Yoshiharu).

J'ai cependant bon espoir, au vu de ce premier film, que Loo Hui Phang nous offre bientôt de très belles oeuvres cinématographiques car il est indéniable qu'elle dispose d'un talent certain et d'une approche aussi "fascinante que rigoureuse".

Panorama de Loo Hui Phang, moyen-métrage de 59 minutes, projeté le 1er novembre 2007 dans le cadre du Festival Pink Screens au cinéma Nova (Bruxelles).

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