jeudi, novembre 30, 2006

Notes de lecture (V): fin novembre 2006

Voici trois chroniques que j'ai écrites pour la newsletter de la Bulle d'Or. Ce n'est pas ma meilleure prose mais j'espère néanmoins qu'elles vous donneront envie de découvrir certains de ces albums.

Voyages dans le Temps

Après avoir choisi trois albums qui m'avaient particulièrement plu dernièrement, je me suis aperçu qu'ils partageaient tous un thème commun; celui du retour dans le passé. Mais ce n'est pas le seul lien qui unit ces ouvrages aux esthétiques fort différentes. Ils sont tous trois emprunts d'une sensibilité rare. Julien Neel, Jason et Gipi possèdent cette qualité qui fait la marque des grands auteurs: ils ne racontent pas des histoires mais des personnages. Ils nous donnent à voir la route qu'ils ont parcourue et qui les a menés au bout de leurs crayons.

© 2006 Gallimard Jeunesse/Carabas/Vertige Graphic & auteurs respectifs

"Chaque Chose" de Julien Neel chez Gallimard Jeunesse (Bayou)

Julien Neel n'est pas un inconnu pour tous ceux qui ont été séduits par "Lou",
la série qu'il dessine chez Glénat. Pour ce nouvel album, l'auteur nous offre un récit dans une tonalité toute différente. Il l'évoque avec justesse dans ces quelques lignes de présentation: « Un petit garçon a une mamie qui crie tout le temps et qui habite une maison en crépit noir. Et puis il part en vacances avec son papa, qui est magicien. Des années plus tard, la mamie est morte, le papa magicien est extrêmement malade et le petit garçon n’en est plus un. Une nuit, il part part à vélo et retrouve la maison, maintenant peinte en blanc, de la mamie. Ensuite, il va voir le papa à l’hôpital, parle au médecin, rentre chez lui, parle à sa femme et regarde sa petite fille dormir. C’est un livre puzzle. Avec des pièces manquantes. C’est la vie. Ce sont des saynètes. Des petites histoires cruelles, qui souvent font rire ». Dans "Chaque Chose", l'auteur parvient à faire coexister la sensibilité de l'enfant qu'il a été et celle de l'homme qu'il est devenu. Avec une simplicité qui rend ce récit d'autant plus fort.

"J'ai tué Adolf Hitler" de Jason chez Carabas

Pour les habitués de la Bulle d'Or, Jason est un nom désormais familier. L'auteur norvégien nous a rendu plusieurs fois visites à l'occasion de la sortie de ses albums "Attends", "Chhht!" (Atrabile) et "Je vais te montrer quelque chose" (Carabas). Avec "J'ai tué Adolf Hitler", il nous offre à nouveau un récit des plus surprenants. Il nous emmène sur les traces d'un tueur à gages à qui l'on propose un contrat inattendu: celui de remonter dans le temps et d'abattre Adolf Hitler. Le professionnel accepte mais divers imprévus rendront sa tâche particulièrement ardue. Cette chasse à l'homme bouleversera sa vie et celle de l'être cher qu'il a dû impliquer avec lui dans cette aventure. Jason maîtrise à la perfection l'enchaînement des rebondissements qui rythme son nouvel album. Il nous fait passer de surprise en surprise pour conclure par un final aussi génial qu'émouvant. Et c'est ce dernier aspect qui me touche le plus dans son travail: il parvient à me faire vivre des aventures incroyables dans lesquelles chaque émotion, chaque sentiment est à la fois complexe, juste et vrai.

"S." de Gipi chez Vertige/Coconino (Moby Duck)

Gipi est un auteur dont je vous ai souvent fait l'éloge. La chronique que j'ai écrite sur son album "Notes pour une histoire de Guerre" (qui a remporté le prix du meilleur album à Angoulême) est toujours disponible dans notre section alternative (ICI). La lecture de "S." m'a confirmé que cet auteur italien fait partie des maîtres de la Bande Dessinée européenne. Comme pour "Chaque Chose", Gipi nous propose de voyager dans les souvenirs, de sauter d'avant en arrière dans le temps. Il parvient ainsi à rendre toute la complexité d'une mémoire (qui n'est jamais linéaire). Cette mémoire, c'est celle d'un fils
qui raconte son père. Ce dernier a vécu l'occupation allemande. Il s'est caché et a caché des déserteurs. Il a vu l'horreur mais il a survécu. Son fils nous livre les souvenirs difficiles et touchants que son père conservait de cette période sombre. Mais il partage aussi avec nous le regard qu'il portait enfant sur cet homme simple et attachant. Gipi nous offre donc un album d'une grande profondeur que la luminosité de ses aquarelles contraste à la perfection. Je conseille vivement cet album à tous ceux qui ont été touchés comme moi par le "Journal de mon Père" de Jirô Taniguchi (Casterman).

A+

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci pour tes conseils Nico.

Les libraires, ça existent encore. C'est fragile, faut faire attention de ne pas les perdre...