mercredi, septembre 27, 2006

Notes de lecture (IV): fin septembre 2006


© 2006 auteurs & éditeurs respectifs

Voici trois de mes coups de coeur pour la fin septembre (désolé du retard). Trois ouvrages sensibles, trois récits de l'intime mais trois approches différentes. Que demander de plus? Ah oui... des chroniques...


All My Darling Daughters de Fumi Yoshinaga, Casterman/Sakka (sur Bulle d'Air)

Comme ça avait la couverture d'un shôjo ("manga pour jeune fille") et que ça avait l'odeur d'un shôjo, j'ai fait l'impasse. J'ai beau apprécier de nombreux comics (et comix) américains, des mangas, des manhwas et des ouvrages "grand public" ou "alternatifs" européens, parfois j'ai quand même quelques a priori (en fait, j'en ai souvent)... Il aura fallu que j'observe Sandra en train de lire All My Darling Daughters à côté de moi pour être tenté par l'ouvrage. Il fallait la voir passer alternativement du rire à l'émotion. Elle était entièrement absorbée par ce récit. Il fallait surtout l'entendre me dire: "Quoi?! Tu lis plein d'albums écrits par des gens qui croient leur quotidien intéressant et tu ne comptes pas lire All My Darling Daughters qui sonne plus juste que beaucoup d'autobiographies dessinées?!" Bon. Ok. Let's go! Après lecture, je ne pouvais faire qu'une chose: lui donner raison. Je me suis retrouvé plongé dans le même état qu'elle. C'est drôle, c'est touchant et ça sonne juste. Ca sonne juste parce qu'il y a une parfaite maîtrise du ton et du rythme tout au long de ces 200 pages. Je ne suis pas un grand fan des albums qui ont pour thème la remise en questions des trentenaires et All My Darling Daughters parvient à ne pas tomber dans l'apitoiement facile. Chez Fumi Yoshinaga, la situation de constat n'est qu'un prétexte. L'auteur préfère nous dévoiler tout le parcours, complexe et difficile, qui mène à la prise de conscience. Mais avec tendresse et beaucoup de dérision car si l'on ressent bien une chose dans cet ouvrage, c'est l'amour profond qu'éprouve Fumi Yoshinaga envers ses personnages. Et elle nous donne envie de les aimer aussi. Alors oui, ça a le goût du shôjo. Oui, certains parlerons de "sensiblerie". Mais au diable mes a priori d'intello snobinard! Cet album m'a touché et c'est bien l'important!

Histoire Couleur Terre #1 (sur 3) de Kim Dong-Hwa, Casterman/Ecritures (sur Bulle d'Air)

Ca avait la couverture d'un shôjo (cfr. plus haut) et ça avait l'odeur d'un shôjo, mais je n'ai pas fait l'impasse. Pourquoi? Parce que c'était dans la collection Ecritures. Ca aussi c'est lié à un priori... Kim Dong-Hwa m'avait déjà séduit au travers des trois albums de La Bicyclette Rouge (parus chez Paquet) où l'auteur nous dépeint une superbe galerie de portraits de villageois. Dans Histoire Couleur Terre, l'auteur s'attache à deux personnages: une jeune veuve et sa fille. Cette dernière se nomme Ihwa et elle n'est encore qu'une enfant lorsque débute le récit. Mais plus pour longtemps. Car la puberté approche et elle sent poindre en elle de nombreuses émotions jusque-là inconnues. Sa mère est attendrie par ses questions parfois embarrassantes. Mais la veuve Namwon va bientôt se poser autant de questions que son enfant à l'arrivée d'un écrivain public. Elle va redécouvrir le sentiment amoureux auprès de cet homme qui ne passe par leur village que très rarement. Au fil des saisons, la jeune Ihwa va ainsi observer les comportements mystérieux de sa mère et apprendre les rituels, les gestes et les regards qui naissent entre un homme et une femme. Une complicité, superbement dépeinte par l'auteur, se noue entre la mère qui oublie son veuvage et l'enfant qui s'éprend d'un jeune moine bouddhiste de son âge.
Kim Dong-Hwa nous convie, au travers du premier tome de cette trilogie, à un magnifique voyage au coeur de la Corée rurale où chaque plante, chaque fleur, compose une nature riche et complexe; celle de la féminité.

World Trade Angels de Fabrice Colin & Laurent Cilluffo, Denoël Graphic (sur Bulle d'Air)

Merci Denoël Graphic pour ce superbe livre-objet! Sous la magnifique maquette de cet album se cache un récit tout aussi intéressant. Depuis A l'Ombre des Tours Mortes, j'avais un peu peur des sujets sur le 11 septembre. Mais World Trade Angels nous offre tout autre chose. Stanley, un jeune cadre new-yorkais, a été témoin de l'attentat. Depuis, comme de nombreux habitants de cette ville plongée dans un état post-traumatique, il semble perdre pied. Tout lui échappe et il ne lutte pas. Il fait le choix de ne pas faire de choix. Sa compagne le quitte, il ne travaille plus et son père, imposante figure, l'écrase de son poids plutôt que de le relever. Il perd le fil jusqu'à perdre celui de la narration. Car quelque chose cloche dans le récit de Stanley. Le lecteur, intrigué, poursuivra sa lecture jusqu'à comprendre enfin ce qui a poussé cet homme à lentement sortir du monde. World Trade Angels est une oeuvre forte et intelligente autant dans sa forme que dans son propos. C'est aussi une oeuvre atypique dont la tonalité s'accorde parfaitement au caractère unique de l'événement historique.

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