Ce n'est pas encore l'automne et pourtant les feuilles tombent par reliures entières. A peine le temps de préparer cette deuxième série qu'arrivent déjà les nouveautés Futuropolis: La Marie en plastique #1 de Prudhommme & Rabaté (très bon), La Volupté de Blutch (superbe) et Le Jardin Armé et autres histoires de David B.. Sans compter Un Ciel Radieux de Taniguchi (Casterman/Ecritures), Wizz et Buzz #1 de Winshluss et Cizo (Delcourt/Shampooing) et Guilty de Karl Stevens chez Ego comme X. Je vous en parle dans le prochain post. Voici déjà les huit nouvelles notes. J'ai été à l'essentiel. Comme vous l'aurez constaté, j'ai mis un lien vers le site Bulle d'Air pour chaque titre, histoire d'avoir quelques avis supplémentaires...
J'ai déjà évoqué cet album lors d'une présentation de Kevin Huizenga sur ce site (cf. entretien Xeroxed). Il s'agit d'une compilation de cinq histoires courtes parues précédement dans diverses anthologies américaines (Kramers Ergot, Drawn & Quarterly Showcase...). Si chacun de ces récits peut être classé dans un genre bien particulier (récit d'horreur victorien, conte fantastique, débat théologique ou récit du quotidien), tous partagent le même personnage central. Glenn Ganges vit en effet d'étranges aventures. Confronté à l'apparition fantomatique d'un chien tenant une main dans sa gueule ou lancé à la poursuite d'un ogre qui pourrait mettre fin à la stérilité de son couple, il fait pourtant preuve d'un grand pragmatisme. Car toutes les théories, cartésiennes ou non, semblent coéxister dans son univers. Ce dernier, ouvert à tous les possibles, est rendu dans un style graphique qui lui correspond à merveille; celui de la ligne claire. Kevin Huizenga me donne envie de croire à l'incroyable. Un vrai coup de maître et un vrai coup de coeur.
P.S.: cet album est plus convaincant à mes yeux que le Ganges #1 paru chez Vertige Graphic/Coconino Press (même si ce dernier avait déjà de nombreuses qualités).
P.P.S.: Le carnet d'entretien Xeroxed consacré à Kevin Huizenga est offert à l'achat d'un des albums de ce dernier à la Bulle d'Or (Bruxelles).
A l'annonce de chaque nouveau Mardon, je trépigne d'impatience. J'avais été séduit par son Cycloman (chez Cornélius avec Charles Berberian) et son Vagues à l'âme (Humanoïdes Associées/Tohu-Bohu) . J'avais été ravi par Ingognito #1 et Corps à Corps chez Dupuis. Je me jette donc sur la Leçon de Choses. Mardon me surprend par une mise-en-page plus aérée qui correspond bien au regard que porte Jean-Pierre, un préadolescent attachant, sur le monde rural dans lequel il vit. Le jeune garçon nous livre son quotidien sur un ton enfantin qui m'a d'abord dérangé mais auquel on se fait rapidement. Sa naïveté va progressivement se heurter à la réalité des choses. Au travers d'une série d'expériences anecdotiques et de rencontres déterminantes, Jean-Pierre va découvrir la complexité des rapports humains. La relation difficile qu'entretiennent ses parents le poussera à chercher refuge, un temps, dans la nature qui l'entoure et l'imagination qui l'habite. Mais on ne peut fuir bien longtemps et la vie lui donnera une leçon à laquelle il ne pourra échapper. Cette impossibililté pour Jean-Pierre d'être un "acteur" du drame m'a dérangé dans la seconde partie de l'album. J'expérimentais une frustration de voir ce récit échapper à son narrateur. J'ai d'abord eu le sentiment que c'était Grégory Mardon qui perdait le fil de son histoire alors qu'il rendait en réalité, et avec beaucoup de justesse, le sentiment d'impuissance de son personnage. Un album très réussi si on est prêt à perdre pied.
Je me souviens encore du jour où j'ai acheté le premier fascicule de Geisha, une série dessinée par un auteur dont je n'avais jamais entendu parler. J'avais été attiré par le style graphique épuré d'Andi Watson. J'achetai les numéros suivants pour finir par me procurer toute sa production. Mais au fil des années, je me suis de moins en moins retrouvé dans ses récits. Slow News Day, Ruptures et Breakfast Afternoon ne sont pas lectures désagréables mais elles ne m'auront pas laissé de souvenirs impérissables. C'est donc avec un peu d'appréhension que je me plongeai dans Little Star. Je trouvai l'installation du récit particulièrement lente. Je ne parvenais pas à entrer en empathie avec Simon Adams, le personnage principal de l'album. Père d'une petite fille capricieuse et assez insupportable, ce dernier semble accepter l'existence morne dans laquelle il est figé. Il subit sans broncher. Ses états d'âme m'agacent vite. J'allais abandonner la lecture de l'album en cours de route mais le récit prit peu à peu une nouvelle tournure. Simon Adams dévoile progressivement des instants marquants de sa vie de père. Enfin on découvre, par touches subtiles, les décisions qu'il a prises, les actes qu'il a posés. Il se dégage une forme d'évidence dans la seconde moitié de l'album. On expérimente une émotion intime et profonde pour un personnage qui semblait jusque-là si fade. Une fois l'ouvrage refermé, on ne peut que féliciter l'artiste. Un de ses meilleurs albums.
Les mots "magique" et "tragique" s'accordent bien lorsqu'on parle de Joseph. Joseph, c'est un petit garçon aux mains immenses. Des mains qui le privent de l'affection de ses parents. Des mains qui provoquent le rire de ses camarades. Seuls ses jouets ne se moquent pas de lui. Seuls ses jouets sont doués d'humanité. Mais ils ne pourront rien face au drame qui s'abattra sur l'enfant... et sur moi. Car Nicolas Robel, au moyen d'une parfaite maîtrise du cadrage, a réussi à me placer au coeur même de la tragédie. Un geste bien cruel envers ses lecteurs qui ne lui en voudront pas longtemps.
Sclérose en Plaques de Mattt Konture (L'Association/Mimolette) (sur Bulle d'air)
Autant le dire tout de suite, je n'ai jamais été un grand fan de Mattt Konture. Sans raison particulière. Ca ne prenait pas, c'est tout. Mais avec Sclérose en Plaques, je dois bien avouer que j'ai revu ma position. Mattt Konture y dévoile la maladie qui le ronge avec une émotion juste. Il ne s'apitoie pas sur son sort, au contraire. Il se livre avec une simplicité et une rigueur qui lui font honneur. L'auteur tente de découvrir depuis combien de temps il est habité par ce mal en revenant sur les douleurs physiques inexpliquées qui l'accompagnent depuis de nombreuses et qui pourraient être autant de symptômes de la maladie. Il assemble des cases reprises de ses albums précédents pour illustrer son propos et nous découvrons ainsi l'évolution de sa maladie en même temps que celle de son oeuvre. Un des meilleurs albums de la collection Mimolette.
El Don Guillermo nous propose un ensemble d'histoires courtes à l'Association après une série d'albums autoédités chez Misma. L'ouvrage est difficile à classer tant les récits sont décalés. J'ai été décontenancé par le côté parfois un peu "survolté" (ou confus) de la narration. J'attends de voir les prochains travaux de ce jeune dessinateur dont le ton pourrait s'avérer intéressant.
Panier de Singe de Florent Ruppert & Jerome Mulot (L'Association/Ciboulette) (sur Bulle d'air)
Voilà un album que j'attendais avec une folle impatience. Je m'étais mangé une bonne grosse claque en découvrant les quelques histoires courtes de Ruppert et Mulot publiées dans la revue Ferraille. Le ton était aussi corrosif que novateur; il était tout simplement unique. Ces deux auteurs semblent ne pas avoir de limites. Ils osent tout, tant dans l'approche de la mise-en-page que celle des dialogues. Ils sont passés maître dans l'art d'enchaîner à un rythme effréné de courtes répliques au contenu totalement amoral (et je dis bien "amoral" tant les personnages de Ruppert et Mulot semblent en dehors de tout rapport à la notion de moralité). Brian Michael Bendis, si tu me lis, je suis désolé mais j'ai trouvé plus fort que toi... Soit. Panier de Singe reprend les histoires courtes parues dans Ferraille et de nombreux inédits (et de très chouettes jeux visuels à bricoler chez soi). Un album à découvrir absolument (tout comme leur Safari Monseigneur lui aussi paru à L'Association).
P.S.: "on peut rire de tout mais pas avec n'importe qui" alors si tu es "n'importe qui", ne lis pas cet album.
Les éditions de la Pastèque ont eu une excellente idée en rééditant le premier album d'Emile Bravo, l'auteur des géniales aventures de Jules. On y retrouve tout le mordant d'un Yann des débuts. En effet, si les personnages de Ruppert et Mulot sont amoraux, ceux de Regnaud et Bravo sont immoraux. Joost Vanlabecke, dont nous suivons les "tribulations" durant l'époque coloniale, a tout d'une vraie crapule. Sa méchanceté, ou plutôt sa cruauté, n'a d'égal que sa cupidité. Il est prêt à tout pour s'enrichir, même à massacrer tous les éléphants d'une de ses connaissances (et ses propres "boys" par la même occasion) afin de récupérer leurs défenses. En une petite trentaine de planches, nous découvrons donc un recensement des pires penchants de la nature humaine, le tout servi sur un ton et un rythme implacables. Une fort agréable lecture.
A+
2 commentaires:
100% d'accord avec la remarque sur Andi Watson. Il cesse enfin d'être une "belle promesse" et fait un livre qui tient très bien la route.
Merci pour ces chouettes chroniques !
(je vais dès demain acheter "panier de singe").
Enregistrer un commentaire