mardi, février 28, 2006

JEFFREY BROWN: le video-clip !

1. Jeffrey Brown: le vidéo-clip !

Je viens de lire la dernière newsletter de Top Shelf et Chris Staros y livre une information qui devrait ravir tous les fans de Jeffrey Brown. L'auteur a en effet écrit et dessiné un récit destiné à être adapté en vidéo-clip (par Eliza Chincarini) pour accompagner le morceau Your Heart Is An Empty Room du groupe "Death Cab for Cutie". Le clip est accessible sur le net mais attention: jusqu'au 5 mars seulement! Précipitez-vous donc ICI pour découvrir cette très belle réussite. L'animation est certes sommaire mais elle colle particulièrement à l'univers de Jeffrey Brown. Le récit s'inscrit dans la lignée de sa "trilogie des petites amies" (trilogie à laquelle se rajoute d'ailleurs un épilogue intitulé Every Girl is the End of the World for Me).

Jeffrey à la Bulle d'Or (copyright Jeffrey Brown)


2. Bézian: Donjon Monsters, tirage spécial noir & blanc

Les amateurs de Donjon et les fans de Bézian l'attendaient; Delcourt l'a fait pour vous! Un tirage spécial du Donjon Monsters t.10 (Des Soldats d'Honneur) en noir et blanc est annoncé pour le mois de mai 2006. A cette occasion, l'équipe de la Bulle d'Or a décidé de vous réserver une petite surprise... Patience!

Et à bientôt pour de nouvelles aventures...

EGO COMME X: le Forum

1. Ego comme X: le Forum

Une petite information en coup de vent. Ego Comme X vient de lancer son FORUM. L'éditeur concrétise par là son désir "d'offrir à ses lecteurs un espace d'échanges et de conversations". Voilà un endroit où l'on pourra très probablement trouver de multiples échos concernant les nouveautés et l'ensemble du catalogue. Un bon endroit aussi pour discuter de la nouvelle voie que prend Ego Comme X en nous offrant bientôt une collection littéraire.


2. Correspondances: Frederik Peeters

Et puisqu'on en est aux annonces: le prochain entretien de la section "Correpondances" sera celui de FREDERIK PEETERS. Cet entretien devrait être posté quelques jours après la sortie du quatrième volume de LUPUS (le temps que je le lise, pose mes questions dessus, recoive les réponses et édite le tout)... Mais rassurez-vous, l'entretien ne sera pas uniquement consacré à Lupus 4! Nous parlerons bien entendu de Manckiewicz et du Pr Coppens. Peut-être de ses albums précédents... Qui sait?

Et à bientôt pour de nouvelles aventures...

jeudi, février 23, 2006

WWW.XEROXED.BE

J'aurais donc mieux fait de tout de suite consulter un médecin plutôt que de me dire "c'est pas grave, ça va passer"... Sinusite donc qui me fait perdre quelques jours de plus...
Je tenais juste à signaler trois sorties. La première est bien entendu celle du deuxième volume de la série Baci Dalla Provincia de Gipi (chez Vertige Graphic/Coconino Press dans la collection Ignatz). Les Innocents (titre du premier volume) était déjà une très agréable lecture et ce second récit baptisé Ils ont Retouvé la Voiture s'inscrit dans la même lignée. La superbe jaquette encadre un thriller de facture assez classique mais dont la narration est irréprochable. L'album aurait pu être baptisé Les Coupables puisque le thème abordé est celui du poids de la culpabilité, de la crainte du châtiment divin, qu'éprouve un homme au moment où son passé de malfaiteur le rattrape. Difficile de ne plus se "salir les mains" alors qu'il est contraint de faire grand "nettoyage" parmi ses anciens complices.

Copyright 2006 Gipi/Coconino Press/Vertige Graphic

Les deux autres sorties sont beaucoup plus locales puisqu'il s'agit de fanzines bruxellois. Max nous revient de Dublin avec un récit autobiographique qui retrace son séjour sur place. Son dessin a bien progressé depuis son Morrisson is Alive (que je conseille vivement ainsi que le très émouvant La Mémoire d'Auguste). Le découpage est fluide, la maquette très réussie et pour couronner le tout, l'auteur nous livre quatre planches en couleurs. On peut découvrir des planches de Max sur un site digne d'intérêt www.40075km.net.

Et le duo Marshall Joe & Dampremy Jack nous revient lui aussi de l'Ouest mais de plus loin que Dublin avec un troisième fascicule de Dérapage Comix. Là aussi la maquette est très réussie mais les auteurs nous convient à un tout autre voyage que celui de Max. Bienvenue au Far-West mais un Far-West bien particulier. Ici les répliques sont plus dévastatrices que les balles perdues. Et puis vous y croiserez Cactus. Une sacrée rencontre!

Chroniques de Bublin - copyright 2006 Max de Radiguès

L'Ouest est trop à l'Ouest - copyright 2006 Dérapage Comix


P.S.: Il sera désormais plus facile de transmettre les coordonnées du blog puisque j'ai fait l'acquisition de l'URL www.xeroxed.be qui redirige vers cette page...

samedi, février 18, 2006

Previews (III): XEROXED #12

J'avais pris une semaine de congé afin de parvenir à boucler mes divers projets en cours... Hélas, dès lundi, une bonne grosse crève me tombe dessus et me voilà condamné à faire le légume dans mon divan. Cependant, j'ai réussi à tirer une première épreuve de la linogravure qui servira de couverture au XEROXED #12 : "entretien avec Sammy HARKHAM". J'ai encore du boulot dessus: corriger quelques erreurs (reboucher des lignes et en regraver de plus harmonieuses), nettoyer la plaque au pétrole (beaucoup de poussières prises dans l'encre), reponcer la plaque avec le papier-ponce que mon père vient de me passer (mon papier était pourri, certaines zones ne sont pas nettes) et surtout graver le titre (ce qui m'angoisse car je n'ai jamais gravé un lettrage et que tout doit être gravé en miroir)... Mais bon, comme ça vous avez déjà une première idée du résultat final. L'impression se fera sur du papier "caramel" comme tous les XEROXED mais avec une encre bleue foncée.


Epreuve de la linogravure du XEROXED #12.
Copyright 2006 Nicolas Verstappen (d'après Sammy Harkham - "Poor Sailor")
Pour le reste de mes projets, il va donc falloir patienter. Je suis loin d'être prêt. Je travaille sur deux nouveaux entretiens "Correspondances" (un auteur belge et un auteur suisse), je prépare un entretien "Totem" (lié à la série Donjon) et surtout une exposition-retrospective -la première expo que j'organise- dont je vous parlerai bientôt. Je ne vais pas tout dévoiler dans ce post-ci...
Et à bientôt pour de nouvelles aventures!

samedi, février 11, 2006

LE NOMADE - Coconino Press France

En allant faire ma petite visite hebdomadaire du blog de Gilles Laborderie, j'ai appris une excellente nouvelle que je me devais de propager. La collection "Ignatz" de Vertige Graphic/Coconino Press est désormais dignement représentée par l'intermédiaire d'un blog: LE NOMADE. Ce dernier s'annonce fort intéressant. On y retrouve déjà une présentation de la collection au travers d'un manifeste et de celle des albums parus et à paraître. A suivre...

Et voici les couvertures de deux nouveaux albums de la collection: Babel #2 et Chimère #1.
Le deuxième opus de la série de David B. garde les mêmes qualités que le premier. J'ai l'impression que l'auteur s'est libéré d'un poids en achevant son Ascension du Haut-Mal et que la collection Ignatz lui permet d'expimer son souffle retrouvé. Si j'ai eu le sentiment que son style graphique se figeait il y a quelques années, David B. parvient aujourd'hui à me surprendre par une approche esthétique renouvellée. J'apprécie beaucoup l'aisance qui s'y déploie. Et que dire du premier Chimère de Mattotti? Tout simplement somptueux.


copyright 2006: David B. - Mattotti - Coconino Press/Vertige Graphic


J'en profite d'ailleurs pour vous conseiller le dernier titre paru chez Futuropolis: Lucille de Ludovic Debeurme. J'avais déjà apprécié ses albums précédents mais il atteint un nouveau sommet au travers de cet album. J'y ai retrouvé tout ce que j'apprécie dans le travail de Chester Brown: un rendu de l'intime d'une grande justesse et une épuration graphique qui laisse transparaître la fragilité des personnages. Je vous en reparlerai bientôt; cet album mérite une chronique plus importante.

Copyright 2006 : Ludovic Debeurme - Futuropolis

A bientôt pour de nouvelles aventures...

samedi, février 04, 2006

Xeroxed (VI bis): ADRIAN TOMINE

Quatrième de couverture du Xeroxed #6 - © N. Verstappen

1.1 Biographie d'ADRIAN TOMINE

Adrian Tomine est l’inspirateur principal des carnets d’entretien que je vous propose depuis plus de deux ans. C’est en lisant son album 32 Stories il y a quelques années que je découvris tout le charme qui pouvait émaner de quelques pages photocopiées et assemblées avec patience. Comme de nombreux auteurs alternatifs, Adrian Tomine commença en effet sa carrière de dessinateur en auto-éditant ses mini-comics. Le premier numéro, vendu à 1 dollar/pièce, fut imprimé en 25 exemplaires. Au septième numéro, Adrian Tomine ne pouvait déjà plus suivre le rythme des impressions tant la demande était grande. Mais le plus surprenant n’est pas le succès de ses récits mais bien l’âge auquel cet auteur parvint à une telle reconnaissance. Né à Sacramento en 1974, Adrian Tomine n’a que 16 ans lorsqu’il lance sa série Optic Nerve dont les éditions de luxe sont devenues aujourd’hui les best-sellers de Drawn et Quarterly. C’est en 1995 qu’Adrian Tomine rejoint cette maison d’édition à la demande de son fondateur Chris Oliveros qui perçoit tout le talent de ce jeune prodige. Drawn et Quarterly a publié à ce jour dix numéros de la nouvelle série d’Optic Nerve qui sont repris dans deux albums baptisés Sleepwalk and Other Stories (1997) et Summer Blonde (2002). Composés de vingt histoires courtes, ces deux albums forment pourtant un tout. Les tranches de vie disparates que nous dévoile Adrian Tomine se répondent entre elles pour aboutir à un ensemble organique et cohérent. Cet univers nous révèle les instants apparemment insignifiants de notre quotidien et qui en disent pourtant long sur les failles et les contradictions de notre humanité.
Les récits d’Adrian Tomine ont été édité en français par Delcourt (Les Yeux à Vifs - 1998) et Le Seuil (Blonde Platine - 2003, 32 Histoires - 2004). Son travail d’illustrateur vient d’être mis à l’honneur dans une superbe monographie publiée par Drawn et Quarterly sous le titre de Scrapbook – uncollected work : 1990-2004(2004).
Une petit dédicace d'Adrian Tomine

1.2 Entretien (bien trop court) avec ADRIAN TOMINE

Nicolas – Lorsque vous travaillez sur des récits autobiographiques (Hostage Situation, Sleep = Waste, The donger and Me…) j’ai le sentiment que vous appuyez sur l’aspect humoristique voire caricatural du graphisme et de la narration. Utilisez-vous cette approche par manque de confiance dans l’impact que ces récits pourraient avoir?

Adrian Tomine – Je ne pense pas qu’il s’agisse là d’une question de confiance. Je préfère simplement aborder des sujets sérieux sous une forme fictionnelle afin d’être libéré de mes inhibitions. Je pense qu’il vaut mieux garder les anecdotes humoristiques du quotidien aussi épurées que possible.

N. – Vous ne vous éloignez jamais beaucoup du quotidien. Un récit comme Alter Ego (1) met en scène un auteur en prise avec le processus créatif et évoque clairement votre propre vécu. Cette histoire marque d’ailleurs le début de votre travail sur des récits plus longs (25 pages). Est-ce parce que vous vous sentiez plus en phase avec un sujet directement lié à votre expérience ?

Adrian Tomine – Je me sens toujours plus confiant avec des histoires qui sont intimement liés à ma propre vie. Je ne suis pas un auteur très créatif ! Aussi, je trouve qu’il est plus facile pour moi de rester concentré sur un récit qui aborde des problèmes personnels.

N. – Au moment d’entamer ce récit plus conséquent vous receviez des courriers de lecteurs particulièrement durs. Ces derniers vous affectent-ils ?

Adrian Tomine – Non car j’ai toujours reçu des avis assez partagés concernant mon travail. J’ai appris très jeune à ne pas prendre les critiques ni les louanges avec trop de sérieux.

N. – Le récit White on Rice (2) que vous venez d’entamer met en scène un personnage d’origine japonaise au sein de la communauté asiatique américaine. On y retrouve donc encore plus clairement un lien à votre vécu. Est-ce la raison qui vous pousse à oser la centaine de planches ?

Adrian Tomine – Disons que j’avais beaucoup de matière liée à ce sujet et que je ne voulais pas gâcher cette idée dans une histoire courte.

N. – Un personnage du récit Layover (3) dit à un moment cette phrase : « Je sais que ça ne sert à rien de penser à des choses hypothétiques mais je ne parviens pas à m’en empêcher ». Est-ce ce que vous expérimentez dans votre travail et qui fait passer vos anecdotes au stade de récit ?

Adrian Tomine – Oui. Une grande part du processus d’écriture se déroule entièrement dans ma tête. Je réfléchis et j’imagine beaucoup avant même de poser ma plume sur le papier. Alors même qu’un récit est en cours, je dois souvent prendre des pauses et réfléchir aux nombreux problèmes qui se posent à moi durant la réalisation.

N. – Dans Scrapbook (page 178), on peut lire quelques phrases notées parmi vos croquis. Ce sont des répliques réelles que vous prenez sur le vif pour les réutilisez dans vos albums ?

Adrian Tomine – C’est la fille que j’ai dessiné à côté qui les a prononcées. Je garde toujours mes oreilles et mes yeux ouverts à l’inspiration.

N. – Les études artistiques semblent ne pas vous avoir apporté énormément d’inspiration puisque vous les avez abandonnées pour entreprendre celles de littérature. Qu’est-ce qui motiva ce changement de voie ?

Adrian Tomine – L’intérêt des professeurs et des étudiants se portait principalement à l’Art conceptuel. Ils tenaient la Bande Dessinée et l’Illustration en piètre estime. C’était décourageant.
N. – Dan Clowes vous a fait cette remarque que vous étiez un « colleur » de courtes séquences plus qu’un auteur (4). De votre côté, vous signalez que « White on Rice a l’air ambitieux mais ce n’est en fait qu’un de [vos] récits habituels qui a été ralenti » (5). Ces deux citations sont-elles à lier ensemble ? Pensez-vous que votre approche « ralentie » de White on Rice tient de cette envie de passer du stade de « colleur» à celui d’auteur ?

Adrian Tomine – J’ai toujours admiré des gens comme Chester Brown et Seth qui ralentissent vraiment leur narration et créent une véritable atmosphère. J’ai toujours eu le sentiment que mes récits étaient un peu abrégés et précipités. Il m’a donc été agréable de laisser les conversations s’étendre un peu plus et d’avoir quelques cases muettes de-ci de-là.
Ex-libris de l'édition "hard cover" de Sleepwalk (D&Q) - copyright 1997 Adrian Tomine

N. – Cette utilisation de cases muettes prend plus d’importance à partir de Six Day Cold (6). Etait-ce pour renforcer la « froideur » du récit, pour dépasser le système de monologues intérieurs qui a longtemps été un de vos traits d’écriture ?

Adrian Tomine – J’ai toujours aimé l’usage de cases muettes. Mes récits étant devenus plus longs et plus relâchés, elles furent simplement plus faciles à placer.

N. – Dans ce même récit, on peut observer une longue séquence de rêve. Elle rappelle les anciennes histoires que vous consacriez entièrement à vos rêves. Pourquoi avez-vous arrêté de travailler sur ce type de récits oniriques?

Adrian Tomine – Le rêve dans Six Day Cold avait une sorte de rôle dramatique dans ma tête alors que certains de mes anciens récits sur les rêves n’étaient qu’une excuse pour dessiner. C’est un moyen facile de réunir quelques sujets d’histoires et c’est aussi la raison pour laquelle ces histoires de rêves (et les miennes en particulier) sont parfois inintéressantes.

N. – Le système de monologues intérieurs s’est fait plus rare avec le temps. Lorsque vous ne l’utilisez pas, vos planches se composent généralement de neuf cases égales. Est-ce pour ne pas « verser dans le mélodramatique » comme Chester Brown que vous utilisez ce « gaufrier » ?

Adrian Tomine – Je ne crois pas être aussi strict que vous le pensez. L’histoire sur laquelle je travaille actuellement n’a parfois que huit cases par page, parfois même moins. Mais en général je suis d’accord avec l’idée de Chester… Je tente de faire raconter aux dessins à l’intérieur des cases plus qu’aux cases elles-mêmes. Par ailleurs, je pense que des compositions de cases tape-à-l’oeil ne serviraient pas très bien mon sujet.

N. – Certaines compositions semblent pourtant avoir un lien étroit avec le récit. Dans Echo Ave., vous utilisez un système de douze cases carrées par page. Il fait un « écho » esthétique aux carreaux des fenêtres…

Adrian Tomine – Cela fait très longtemps que j’ai dessiné cette histoire mais je pense que vous avez touché juste. Je me souviens avoir pensé ces planches comme une fenêtre ouverte de manière voyeuriste sur les vies des personnages.

N. – J’ai le sentiment que dans Optic Nerve #3, il y a une véritable volonté de composer quatre récits de manières très différentes et principalement au point de vue graphique. Comment avez-vous abordez ce numéro ?

Adrian Tomine – C’était simplement une tâche que je m’étais assigné. Je voulais essayer d’encrer chaque histoire avec des outils différents. Toutes ces expériences ne furent pas concluantes à mon sens.

N. – Des récits en particulier ?

Adrian Tomine – Je pense que Supermarket ne s’en sort pas si bien. J’ai gagné un nouveau respect pour les artistes capables de maîtriser cette technique de lavis.

N. – Vos encrages varient aussi par la suite. Certains récits sont travaillés en noir et blanc, d’autres avec des variantes de gris créées par un tramage. Est-ce pour créer plus de variété dans vos récits et éviter ainsi de blaser l’œil du lecteur ?

Adrian Tomine – Je prends simplement une décision avant d’entamer une histoire à partir de ce qui me semblera le plus approprié. Pour le moment, je pense que l’approche la plus sobre est la meilleure. La plupart des gens ne se préoccupent pas des techniques d’ombrage ou d’encrage… ils veulent simplement lire une histoire.

N. – Cette volonté d’aller vers la sobriété me semble assez généralisée dans le milieu alternatif nord-américain (7). J’ai le sentiment qu’elle va de pair avec la redécouverte de nombreux classiques tels Harold Gray, Charles Schulz, George Herriman ou encore Frank King.

Adrian Tomine – J’aime tous les dessinateurs que vous mentionnez. Ils sont d’après moi parmi les meilleurs de tous les temps. Je ne sais pas s’ils sont à l’origine de cette tendance vers la simplification mais je suis certain qu’ils y contribuent.

N. – Je suis aussi surpris de découvrir dans de nombreux entretiens qu’Hergé est une influence majeure dans le mouvement alternatif nord-américain (8). Il en est de même pour vous ?

Adrian Tomine – Bien sûr. Je suis un fan d’Hergé depuis que je suis enfant.

N. – Vous travaillez aussi pour le moment sur l’adaptation des œuvres de Tatsumi Yoshihiro (9)en anglais. Il fait aussi partie de vos influences ?

Adrian Tomine – Tatsumi est l’auteur japonais avec lequel j’ai le sentiment de partager le plus d’affinités. Je trouve que ses histoires sont plus proches de la fiction contemporaine et de la bd alternative que la plupart des autres manga que j’ai pu lire. Très jeune, j’ai été profondément inspiré par son travail.

N. – Pour en revenir à cet attrait pour la sobriété, Joe Matt me signalait qu’il s’est mis à dessiner « à échelle comme Spiegelman dans une volonté de simplifier»(10). En êtes-vous venu à la même technique ?

Adrian Tomine – Mes planches actuelles sont bien plus petites que celles que je faisais par le passé. Elles mesurent environ 17,8 cm sur 25,4 cm. Je pensais que cela m’obligerait à simplifier mais c’est un combat permanant !

N. – Vous avez par ailleurs réalisez quelques récits en couleur (7’’, A Rock and Roll Dream, Secret Agent…). Pourquoi y appliquez-vous principalement une technique de bichromie ?

Adrian Tomine – C’était quelque chose que j’expérimentais à l’époque. C’était avant que je ne possède un ordinateur et il m’était plus commode de mettre une seule couche de couleur par-dessus la ligne du dessin.

N. – Aimeriez-vous en concevoir d’autres ?

Adrian Tomine – Oui, j’aime le rendu de ces récits. Le principal problème est une question de temps. La couleur est une étape supplémentaire ; je vais donc plus vite en l’évitant.

N. – Il semble que c’est aussi un problème de temps qui vous empêche de réaliser plus de collaborations. Vous aimeriez en envisager plus ?

Adrian Tomine – Si j’étais capable de travailler sur des collaborations en plus de mes propres histoires, je le ferais. Mais je suis tellement lent que je dois être très sélectif dans mes choix concernant mon travail. Pour le moment, je me concentre donc sur mes récits.

(entretien réalisé en août et septembre 2004 - tiré du Xeroxed #6 publié en septembre 2004 -
traduit de l’anglais - copyright 2006 Adrian Tomine/Nicolas Verstappen).

1.3 Notes

(1) Optic Nerve #5, D&Q, février 1998 - Blonde Platine pour la v.f.
(2) Optic Nerve #9, D&Q, janvier 2004.
(3) Optic Nerve #2, D&Q, novembre 1995, p.22.
(4) Entretien conduit par Jennifer Wade, 1999, ici.
(5) Entretien conduit par Mike Atherton, nov. 2003, ici.
(6) Optic Nerve #4, D&Q, avril 1997.
(7) On retrouve cette tendance chez Joe Matt (voir Xeroxed #1), Seth, Chester Brown, Chris Ware et de nombreux autres auteurs.
(8) On le retrouve cité chez Charles Burns, Julie Doucet et mentionné par Joe Matt, Chester Brown et James Kochalka.
(9) Cet album est paru depuis: The Push Man and Other Stories. Vertige Graphic a publié en français trois recueils d’histoires courtes de cet auteur : Les Larmes de la Bête, Good Bye et Coup d’Eclat.
(10) Xeroxed #1 : entretien avec Joe Matt, janvier 2004, p. 7 (ou voir ici).