copyright: Anders Nilsen/Actes Sud 2005
Anders Nilsen fait partie de la nouvelle génération d’auteurs alternatifs américains. Avec ses acolytes du groupe The Holy Consumption (Paul Hornschemeier, Jeffrey Brown et John Hankiewicz) et Sammy Harkham, il redéfinit les codes du comix au travers d’une approche qu’Igort qualifie d’« anti-spectaculaire ». Sa série autoéditée The Big Question traduit bien celle-ci par une mise en page épurée (contours de cases tendant à disparaître) et un décor réduit à sa plus simple expression. Anders Nilsen joue avec cet espace libre pour développer des dialogues philosophiques décalés mais aussi de superbes séquences muettes, tantôt surréalistes, tantôt oniriques. Ces éléments se retrouvent dans son album Dogs and Water publié chez Drawn & Quarterly et adapté en français par Actes Sud. Je parle ici d’adaptation et non pas de traduction car la version française a été augmentée de deux chapitres consacrés au personnage de Sisyphe qui encadrent le récit original. Celui-ci peut susciter la perplexité. Un personnage emmitouflé dans un anorak erre dans une contrée inhospitalière et violente avec un ours en peluche pour seul compagnon et interlocuteur. Le reste n’est que supposition. Anders Nilsen veut nous voir perdu comme son personnage. Il nous abandonne dans un univers sauvage et désolé où l'on ne croise que des ruines, des pillards, des chiens errants, des cadavres ou quelques survivants qui ne le resteront probalement pas longtemps. Les diverses rencontres qui ponctuent le récit ne nous éclairent pas plus sur ce qui a poussé notre "héros" en ces lieux. Les dialogues s’effacent au moment où l’on s’attend à une réponse. Seul compte un fil ténu, celui des liens qui se tissent et de ceux qui se brisent. Ce fil, on le retrouve dans le dernier chapitre intitulé Sisyphe et le Minotaure au travers de la furtive apparition d’Ariane. Il nous guide vers la sortie du labyrinthe que l’auteur avait refermé sur nous. En cela, les deux chapitres rajoutés dans la version française nous aident à mieux apprécier le sens de ce récit. Plusieurs éléments se répondent ainsi pour apporter une lumière nouvelle sur le concept d'apprivoisement et le sentiment de fatalité qui sont omniprésents dans l’ouvrage. Ils rendent ainsi ce dernier plus accessible. Version noire et crue du Petit Prince de Saint-Exupéry, Des Chiens, de l’Eau est un nouveau petit joyau de la collection bd des éditions Actes Sud. Il est à classer aux côtés de l'Homme sans Talent de Tsuge qui procure ce même sentiment de langueur une fois la dernière page refermée.
P.S.: Je vous conseille aussi de découvrir chez Actes Sud l'incontournable Notes pour une Histoire de Guerre de Gipi.
P.P.S.: La rédaction de chroniques n'est pas mon fort; je fais de mon mieux pour ne pas vous infliger mon style ampoulé. Merci pour votre indulgence.
3 commentaires:
Ton style ampoulé me semble plutôt très digeste, cher ami. Et cette nouvelle chronique me semble fort meilleure que le premier jet qui était déjà plutôt pas mal du tout, hein.
...Ca me donnerait presqu'envie de me ruer sur ce bouquin, ton truc ! Ca tombe bien... 8)
N'hésite pas à continuer de nous "infliger tes chroniques" et "ton style ampoulé", comme tu dis. Tout cela est très intéressant. Perso, j'en redemande et plutôt deux fois qu'une! Merci
Encore merci pour les différentes informations sur ton blog, courage et continue dans cette voie.
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