
David Lloyd (V for Vendetta/Kickback) vient de lancer son site internet. Il y publie des croquis dont quelques recherches inédites de V pour Vendetta. A découvrir sur: LforLLOYD dot com!

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© Jeffrey Brown
n. – Vous avez débuté l’écriture de Clumsy durant votre relation avec Theresa, trois mois avant votre rupture. Ce besoin d’écriture était-il lié à une détérioration de votre relation ?
jeffrey brown – Non, tout allait bien lorsque j’ai commencé à dessiner. Pour autant que je sache en tout cas. La détérioration était de ces choses intangibles ; j’ignore vraiment quand elle a débuté. Mais au moment de démarrer Clumsy, tout se passait à merveille et j’étais vraiment heureux.
n. – Lorsque vous avez débuté Clumsy, envisagiez-vous que ces planches seraient un jour publiées ?
jeffrey brown – Elles étaient destinées à Theresa et moi. Je les ai montrées à quelques amis. Même après avoir terminé le récit, je n’ai pas envisagé de le publier. Je considérais que l’album original (Clumsy a été entièrement dessiné dans un carnet cartonné) serait l’unique exemplaire et qu’il serait comme une œuvre d’art mais sous la forme d’un livre plutôt que de celle d’une peinture ou d’une sculpture.
n. – Clumsy et Unlikely partagent une même séquence. Dans le premier (page 3) et le second (page 204-205), nous retrouvons la description d’une même nuit mais le personnage féminin porte le prénom d’Allisyn dans l’un, de Kristyn dans l’autre. Qu’est-ce qui vous a poussé à modifier son nom ?
jeffrey brown – Quoi ? C’est bizarre. J’ignore comment cela a pu se produire. Je vais me renseigner auprès de mon éditeur.
n. – Cette erreur tient du lapsus ?
jeffrey brown – En fait, il s’agit bien de la même scène. Ma réponse était sarcastique mais les sarcasmes se traduisent difficilement par e-mails. Je sais quel est le problème mais je préfère éviter d’en parler.
Clumsy chez Ego comme X - © Jeffrey Brown
n. – Y a-t-il une raison particulière à l’utilisation du « gaufrier » (six cases identiques par planche) dans Clumsy et Unlikely ? Est-ce pour éviter l’excès mélodramatique et aller au principal ?
jeffrey brown – Au départ, j’ai essayé de traiter la question autobiographique en quatre cases, ce qui est le format utilisé dans les quotidiens américains, mais très souvent je trouvais qu’il me manquait deux cases pour exprimer ce que je voulais. Le carnet de croquis que je viens de finir de remplir avait pile le format adapté à une page de six cases, aussi je m’y suis habitué. Une des raisons pour laquelle je reste surtout fidèle à ce format relève d’une idée bien précise – la volonté de laisser la participation émotionnelle et intellectuelle des lecteurs déterminer l’importance de certaines parties de l’histoire. Par exemple, utiliser une seule case, c’est utiliser une page entière pour indiquer l’importance de ce qui y est montré. J’aime aussi le rythme des répétitions de cases et la façon dont on peut jouer avec ce rythme sans se perdre dans des trucs trop formels.
n. – Pendant la conférence à Angoulême (5), Igort (6) parlait d’une nouvelle vague qu’il qualifie d’« anti-spectaculaire ». Pensez-vous que l’on puisse définir clairement l’origine de cette nouvelle manière (plus minimaliste) de raconter le quotidien en Amérique du Nord ?
jeffrey brown – C’est une question difficile. Je pense que cela concerne la culture en général mais qu’en bande dessinée, être subtil et sobre est déjà plus commun. Que ce soit dans les shows télévisés, dans les affiches publicitaires, dans les films, dans la musique…, partout il semble qu’il y ait une volonté de baisser les choses d’une tonalité. Pour autant que l’on constate aujourd’hui un intérêt pour la vie de tous les jours, celui-ci remonte probablement déjà à vingt ou trente ans. Comme disait Warhol, « tout le monde sera célèbre quinze minutes ». Les émissions de téléréalité sont actuellement très populaires en Amérique. Celles-ci sont généralement des chroniques du quotidien, vécues par des personnes normales. Plutôt que de vivre par procuration une vie extraordinaire, les gens se réconfortent dans le spectacle d’une vie ordinaire comme la leur : ils ne sont pas seuls. En bande dessinée, c’est tout aussi vrai. Les récits de super-héros sont remplacés ou du moins modifiés pour aller vers plus d’humanité.
n. – J’ai le sentiment que pour beaucoup de dessinateurs nord-américains ce rapport à l’anti-spectaculaire est lié à la redécouverte des classiques de la Bande Dessinée américaine (Peanuts, Gasoline Alley, Little Orphan Annie…). Partagez-vous cet intérêt ?
jeffrey brown – Un peu, mais probablement pas autant que la plupart des autres dessinateurs. Ma tendance à l’anti-spectaculaire est d’une part une réponse aux écoles d’Art en ce, que j’ai voulu faire un travail qui était moins dépendant des concepts du monde artistique et plus apparenté à l’expérience humaine vraie. D’autre part, c’est aussi en réponse aux médias de divertissements qui paraissent trop irréels voire trompeurs dans leur représentation de la vie.

© Jeffrey Brown
n. – Comment avez-vous créé le personnage de Bighead ? Est-ce que ce super-héros sert à contrebalancer vos histoires autobiographiques ?
jeffrey brown – En réalité, je l’ai créé en 1993, lorsque j’étais en secondaire. Au départ, il n’existait que pour distraire mes amis et moi. J’ai décidé de reprendre de nouvelles aventures de Bighead alors que je travaillais sur Unlikely. C’était sans aucun doute afin d’éviter de m’enfermer dans l’autobiographie. C’est d’ailleurs pour cela également que je continue à écrire, à l’occasion, des histoires débiles ou que je forme des projets comme ma parodie des « Transformers », Incredible Change-bots. Evidemment, il arrive que même dans ces travaux-là, des événements autobiographiques viennent se greffer. Mais c’est beaucoup moins sérieux.
n. – Le design de vos albums ne ressemble pas à celui des comics en général ni même à celui des bandes dessinées alternatives américaines. C’est un design plus proche des romans. On retrouve aussi cet aspect dans le choix du titre puisque vous indiquez « Clumsy : A Novel » (Clumsy : un roman) et non pas « Clumsy : A Graphic Novel » (Clumsy : un roman graphique). Pour quelle raison avez-vous opté pour cette approche ?
jeffrey brown – Je ne suis pas sûr de savoir d’où me viennent les idées de design pour mes couvertures. Pour Clumsy, j’ai volontairement tenté d’imiter la maquette des romans américains. Mettre « A Novel » sur la couverture était une plaisanterie. J’ai aussi pensé que cela pourrait faire référence à l’idée de « romance novel » (roman à l’eau de rose) et bien sûr à l’idée de « graphic novel ». Je formulais ainsi mon interrogation quand à savoir ce qui fait un roman graphique – vu que Clumsy n’est ni un simple récit traditionnel ni même une « fiction » comme les romans en général. Ne pas mettre d’image sur la couverture (7) était juste une idée bizarre. Je ne suis pas encore certain de savoir pourquoi je l’ai fait. Dans l’avenir, j’aimerais faire un album qui n’aurait qu’une image en couverture, sans mot inscrit, un peu comme l’édition limitée de AEIOU.
n. – Dans Be a Man, on peut lire que AEIOU : Any Easy Intimacy ne sera jamais réimprimé. Or il vient de l’être par Top Shelf. Pourquoi avez-vous changé d’avis ?
jeffrey brown – En tant que collectionneur, j’aime tenir entre les mains des éditions limitées ou épuisées. D’un autre côté, cela m’agace quand il y a quelque chose que je ne peux pas avoir ou que c’est trop cher. Au départ, Any Easy Intimacy devait avoir une édition « intime » et j’avais pensé qu’avec un petit tirage, seuls les gens qui aimaient vraiment mon travail pourraient en avoir un exemplaire. Du coup, j’avais dessiné chaque couverture à la main et tout ça… C’était vraiment un ouvrage très spécial. Mais quand je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup de personnes qui appréciaient mon travail mais ne pourraient pas en avoir de copie, j’ai compris qu’il serait mieux que cet ouvrage soit plus largement disponible. Il manquera, dans la nouvelle version, les quelques pages en extra qui ne faisaient pas partie de l’histoire. Il n’y aura pas non plus le bout de lettre ou de note qui était à l’intérieur de la première version. Ainsi l’original conservera son caractère unique.
n. – Clumsy racontait une relation amoureuse en cours, Unlikely portait sur une précédente relation. Dans Drawn & Quarterly Showcase book two, nous apprenons que vous travaillez sur un roman autobiographique « plus ambitieux détaillant votre adolescence ». Ces retours dans le passé ont-ils pour but de vous révéler certaines choses ?
jeffrey brown – Une grande partie de mon travail consiste certainement à regarder dans le passé pour mieux comprendre qui je suis grâce aux expériences vécues. Il est intéressant de voir comme j’ai changé et j’aime à penser que j’ai tiré des leçons de mes erreurs passées. Il est parfois utile de disséquer le passé pour pouvoir mettre le doigt sur ce que j’éprouve à l’heure actuelle et pourquoi je le ressens ainsi.

Le Xeroxed #11 - © 2006 Jeffrey Brown/Nicolas Verstappen
n. – Quand vous écrivez ces histoires passées, suivez-vous un journal intime ou faites-vous plutôt confiance à vos souvenirs ? Restez-vous proche des faits ou changez-vous certains aspects afin de mieux servir les émotions ?

© 2007 Shaun Tan/Dargaud
Mon avis: L'auteur australien Shaun Tan nous invite à découvrir le parcours d'un émigrant contraint de quitter son épouse et sa fille afin d'assurer à sa famille un avenir meilleur. Cet album entièrement muet nous plonge progressivement dans la peau de cet homme perdu en terre lointaine. Nous tenterons avec lui de décrypter la langue et les coutumes d'une culture qui nous est inconnue. Nous tenterons de trouver notre place dans cette impressionnante mégapole qui pourrait être l'une des Cités Obscures de François Schuiten et Benoît Peeters. Nous rencontrerons aussi d'autres émigrants qui nous ouvriront leur porte et nous offriront le couvert. Mais ils partageront avant tout avec nous le récit difficile de leur errance qui trouve son origine dans la misère, la guerre et la tyrannie.
Inspiré par les témoignages de ses parents et de nombreux autres émigrants, Shaun Tan a consacré quatre années de sa vie à réaliser ce magnifique ouvrage; quatre années de travail qui lui ont permis de nous offrir un album tout à la fois fluide, riche, profond, touchant et juste.
Récit complet !

© 2006 Davodeau/Kris/Futuropolis