dimanche, janvier 30, 2011

"L'Île aux cent mille morts" de Fabien Vehlmann et Jason

---
Du latin infans, "qui ne parle pas"
---
"On revêt une forme animale lorsqu'on est exclu de la parole des hommes. Soit parce qu'on ne vous écoute pas. Soit parce qu'on n'accorde pas à votre parole la qualité d'une parole adulte". Cette réflexion de Joann Sfar exprime parfaitement combien l'utilisation de personnages animaliers est porteur d'un sens tout particulier. Victime ou témoin de violence, confiné dans le secret, l'enfant est privé de parole et trouve dans le règne animal des compagnons d'infortune qui partagent son mutisme. Dans L'Île aux cent mille morts, la jeune Gweny porte bien des traits animaliers mais, pour le coup, n'a pas sa langue dans sa poche! Quittant sa mère atteinte de démence pour retrouver son père disparu en cherchant un trésor, la fillette convainc de cruels pirates de l'emmener avec eux dans la quête du magot. Gweny doit se montrer des plus ingénieuses pour retrouver cette fameuse île légendaire sans se faire doubler par ces corsaires sanguinaires qui n'en veulent qu'aux pièces d'or. Pour assurer sa protection, elle fait donc preuve d'une incroyable témérité en faisant chanter un flibustier qui dissimule un vil secret. C'est là un bien joli coup d'esbroufe car la jeune fille ne sait rien de ce qu'il cache à ses acolytes... Elle sait par contre une chose pour sûr; une embuscade les attend sur l'Île aux cent mille morts. Une mystérieuse organisation y a installé un pensionnat où de jeunes élèves sont formés à un métier qui demande sang-froid, rigueur et minutie. Commis de cuisine? Chirurgien? Inspecteur des Impôts? Non, vous n'y êtes pas. Fabien Vehlmann et Jason ont songé au pire: BOURREAU! Cette profession méconnue et bien mal jugée -je vous l'assure- nécessite un savoir-faire exemplaire qui ne s'acquiert qu'au travers de nombreux travaux pratiques. Toute personne capturée sur l'île sera donc soumise à la question par de petits pensionnaires appliqués. A moins de tomber sur le mauvais élève de la classe...
 
Avec L'Île aux cent mille morts, Vehlmann et Jason nous offrent une aventure trépidante à l'humour "féroce". Féroce comme le sont les animaux sauvages, féroce surtout comme le sont les Hommes. L'utilisation de personnages animaliers permet, aussi, d'affronter la cruauté de ce monde, et la nôtre, tout en conservant une saine distanciation pour les plus jeunes lecteurs. La ligne claire de Jason, son découpage systématique en gaufrier, ses yeux dessinés en ovale où l'on injecte ses propres émotions autant qu'on cherche à en percer le mystère, permettent de contenir les frissons que l'on sent poindre au bas de notre dos et de laisser place au rire. La rencontre entre les univers si pénétrants et si singuliers de FABIEN VEHLMANN (Seuls , Les derniers jours d'un Immortel, Les cinq conteurs de Bagdad, Jolies Ténèbres...) et JASON (Attends..., Je vais te montrer quelque chose, J'ai tué Adolf Hitler...) donne lieu à un ouvrage "tous publics" remarquable et à un remarquable ouvrage "tout court". Je suis donc ravi de pouvoir vous annoncer, non sans quelque émoi, que nous lui consacrerons une exposition dans quelques mois!
Nicolas
---
L'Île aux cent mille morts de Fabien Vehlmann et Jason, éditions Glénat
---
---
- Les premières planches en ligne sur le site 8comix.com
- Nos deux entretiens exclusifs avec JASON sont en ligne ICI et LA.

Pour vous inscrire à la newsletter de notre librairie et découvrir régulièrement de nouvelles chroniques de notre équipe, cliquez sur ce lien.

Séances de dédicaces: Piero Macola, Manuele Fior & Max de Radiguès

---
Nous aurons le plaisir d'accueillir trois auteurs qui nous ont récemment gratifiés de trois excellents récits. PIERO MACOLA , l'auteur de Dérives chez Atrabile, MANUELE FIOR , l'auteur de Cinq mille kilomètres par seconde aussi chez Atrabile, et MAX DE RADIGUES , l'auteur de l'Âge dur à l'employé du Moi, seront présents à la librairie le jeudi 10 février 2011 de 15h00 à 18h30.
---
Les inscriptions se font à la librairie ou par mail en nous écrivant à l'adresse info@multibd.com. Librairie Multi BD, bld Anspach 122-124, B-1000 Bruxelles.
---
Manuele Fior et Piero Macola seront aussi présents à la librairie Tropismes (bd@tropismes.com) le lendemain à partir de 16h00.

mercredi, janvier 26, 2011

XeroXed XX: Avant la Catastrophe

---
Je sais... J'ai pris un peu d'avance sur le planning... Les pinailleurs me feront remarquer que je publie le vingtième carnet XeroXed alors que trois numéros sont encore en attente (à savoir les XeroXed #12, 18 et 19 consacrés respectivement aux entretiens de Sammy Harkham, Anders Nilsen et Sarah Glidden). Leurs nouveaux ouvrages tardent à paraître en français et 2010 est arrivé avec son lot d'événements à célébrer! Alors rien de tel qu'un vingtième carnet pour marquer les 20 ans de la librairie, mes 10 ans dans le métier et les 10 ans de la maison d'édition de l'employé du Moi! Le XeroXed XX est donc un petit feu d'artifice pour fêter tout cela à la fois et le fêter dignement avec des auteurs de notre terroir ou venus des quatre coins du monde, connus ou méritants de l'être, toutes et tous des plus talentueux. C'est un honneur pour moi -et je les en remercie encore ici- d'avoir pu les réunir dans ce collectif. Leurs oeuvres font partie de celles qui ravivent continuellement ma passion pour le Neuvième Art...
---
Je ne pourrais parler de ce vingtième carnet sans remercier Max de Radiguès qui m'a laissé jouer avec son concept d'illustrations Avant la Catastrophe. Cette série de dessins "d'après nature" évoque des lieux ou des paysages, souvent sereins et lumineux, qu'une légende assombrit en figeant cet instant quelques heures, quelques mois ou quelques années "avant la Catastrophe". De la "Catastrophe", on ne sait rien. Elle semble seulement inéluctable. Son spectre menaçant confère à chaque dessin un sentiment de mélancolie car chaque instant semble déjà appartenir au passé, à une époque d'insouciance que l'on sait révolue. Le XeroXed XX nous apporte une nouvelle donnée sur cette Catastrophe; elle sera planétaire. Au Japon, aux Etats-Unis, en France, en Belgique ou en Angleterre, 24 auteurs (et demi) ont entraperçu cet événement à venir. Ils nous livrent dans ce carnet des illustrations inédites d'instants fragiles et précieux qui risquent, peut-être, de disparaître. Ils se nomment (par ordre d'apparition dans le XeroXed XX):

Debbie DRECHSLER (Daddy's Girl à l'Association)
Sarah GLIDDEN (How to understand Israel in 60 days or less chez DC/Vertigo)
Sacha GOERG (Rubiah à l'employé du Moi)
Jeffrey BROWN (Clumsy chez Ego comme X)
Anders NILSEN (Des chiens, de l'eau chez Actes Sud BD)
RUPPERT et MULOT (Irène et les clochards à l'Association)
Liz PRINCE (Tu m'aimeras encore si je fais pipi au lit? chez Cà et Là) 
Miriam KATIN (Seules contre tous au Seuil)
Sébastien LUMINEAU (Une vingtaine aux Requins Marteaux) 
Gabby SCHULZ (sous le nom de Ken DAHL, Monsters à l'employé du Moi)
Arnaud QUERE (Mon copain Anne chez Des Ronds dans l'O)
James STURM (Le jour du marché chez Delcourt)
David LLOYD (V pour Vendetta & Kickback)
Kan TAKAHAMA (L'eau amère chez Casterman) 
Cédric MANCHE (Panorama chez Atrabile)
Sammy HARKHAM (Poor Sailor chez Gingko Press)
Alec LONGSTRETH (Phase 7 à l'employé du Moi)
Esteban ZOUGGARI (première publication à l'âge de 3 ans) 
Lewis TRONDHEIM (Les Petits Riens chez Delcourt)
BERT (Ploum Ploum à l'employé du Moi)
Jonathan LARABIE (Jonathan Larabie en Bulgarie aux Taupes de l'Espace)
Max DE RADIGUES (L'âge dur à l'employé du Moi)
Morgan NAVARRO (Flipper le Flippé aux Requins Marteaux)
Pierre MAUREL (3 déclinaisons à l'employé du Moi)
---
Que rajouter? Que c'est gratuit! Le XeroXed XX est offert à l'achat d'un album du catalogue de l'employé du Moi à la librairie Multi BD (122-124 boulevard Anspach B-1000 Bruxelles). Je tenais ainsi à mettre en avant et à soutenir cette maison d'édition alternative bruxelloise qui nous propose, depuis dix ans, des livres d'une grande qualité "où le récit demeure essentiel". Les récents L'âge dur de Max de Radiguès, Monsters de Ken Dahl, Robin Hood de Simon Roussin et le prochain album de Pierre Maurel (Blackbird à paraître en mars) sont là pour vous en convaincre... s'il le fallait encore! Je vous invite aussi à lire l'article de La Libre Belgique intitulé L'édition en mode d'employé du Moi où la structure est présentée en détail à l'occasion de leur collaboration avec le quotidien ce mercredi 26 janvier.  
Le tirage du XeroXed XX est de 150 exemplaires. Ne tardez pas trop...

Nicolas Verstappen

Pour celles et ceux qui voudraient suivre l'actualité de la librairie (prochaines parutions de livrets, chroniques, rencontres...), il suffit simplement de s'inscrire à notre newsletter en cliquant sur ce lien.

samedi, janvier 22, 2011

"Lucille" et "Renée" de Ludovic Debeurme

---
Comme une lame de fond
---
"Un homme ne doit jamais oublier d'où il vient". Mais qu'en est-il lorsqu'on est né dans un village de pêcheurs pris dans le filet du désoeuvrement? On s'effrite lentement, on disparaît un peu chaque jour. Et puis l'on rencontre plus vulnérable que soi... Lorsque le jeune Arthur découvre Lucille, une jeune adolescente rongée par l'anorexie, il en oublie jusqu'à ses propres troubles compulsifs. Lorsque Lucille se voit comme elle ne s'est jamais vue dans le regard d'Arthur, elle songe à ne plus s'imposer le corps d'une "autre". Leur Destin est désormais lié, pour le meilleur et pour le pire, dans une fuite éperdue. Leur fugue vers l'Italie sera le lieu d'instants aussi fragiles que ne le sont Lucille et Arthur, fragiles comme la coque d'un bâteau qui frôle le récif. Hélas, lorsque la houle se lève, la Mer nous met à nu. Tout marin expérimenté que l'on soit, on ne peut lui mentir.

Une grande part du talent de Ludovic Debeurme réside justement là; l'auteur ne s'encombre d'aucun artifice. Dans Lucille, il se passe de couleurs et d'ombrages qui ne feraient que peser sur les frêles silhouettes qu'il tire de son trait épuré. Il renonce aussi aux cases et à leurs bordures pour laisser ses personnages évoluer sur la planche comme s'ils étaient plongés au coeur d'un océan. Loin de la côte. Sans fard.

Dans Renée, le second volet du diptyque, les traits et les hachures surgissent soudain comme pour incarner la marque du temps qui s'est déposée sur les visages. Les années se sont écoulées, les âmes se sont chargées de souvenirs, de songes et de fantômes. Chaque trait est une ride. Chaque ride est un barreau. Comme ses codétenus, le jeune Arthur ne le sait que trop bien. Dans sa cellule, il a tout le temps de repenser aux mots de son père. "Un homme ne doit jamais oublier d'où il vient". Arthur voudrait seulement oublier où il est. Lucille et Renée aussi.

Comme pour la publication du Je ne t'ai jamais aimé de Chester Brown en 1994 ou celle du Black Hole de Charles Burns en 2005, la parution du diptyque formé par Lucille et Renée est à marquer d'une pierre blanche. Ou plutôt de deux...

Nicolas
---
Renée et Lucille de Ludovic Debeurme, éditions Futuropolis
---
---
- Lien vers un reportage d'Arte intitulé Renée, la violence selon Ludovic Debeurme.
- Une présentation de Renée sur le site des éditions Futuropolis.

Séances de dédicaces: des passages et des murs...

---
Nous aurons le plaisir d'accueillir Goum et David Boriau, les auteurs de Passages Secrets chez KSTR, et les soeurs Anaële et Delphine Hermans, les auteurs des Amandes Vertes chez Warum, le vendredi 04 février 2011 de 17h30 à 19h00.
Les soeurs Hermans dédicaceront aussi leur album à la librairie Tropismes (bd@tropismes.com) le samedi 05 février de 16h00 à 18h00.
Les inscriptions se font à la librairie ou par mail en nous écrivant à l'adresse info@multibd.com.
---
---
- Une présentation de Passages Secrets sur le site de Casterman.
- Une bande-annonce animée de Passages Secrets.
- Une présentation de Les Amandes Vertes sur le site de Warum.

VEHLMANN/JASON

---
Dans une prochaine newsletter, nous vous parlerons de L'Ile aux cent mille morts, l'album né de la collaboration entre Fabien VEHLMANN (Seuls, Jolies Ténèbres, Green Manor, Les Derniers Jours d'un Immortel, Les Cinq Conteurs de Bagdad, Samedi et Dimanche...) et JASON (Attends..., J'ai tué Adolf Hitler, Chhht!,...). C'est donc une rencontre au sommet pour nous donner à lire un album "tous publics" aussi noir que drôle, aussi décalé que réussi. Les premières planches sont en ligne sur le site 8comix.com, un espace collectif réunissant des auteurs décidés à promouvoir par eux-mêmes leurs oeuvres sur la toile. On y retrouvera ainsi les nouveaux projets de Cyril Pedrosa (Trois Ombres) et Jérôme Jouvray (Lincoln) pour ne citer qu'eux. Bonne découverte!

Les neuf vies du Neuvième Art: "Des chiens, de l'eau"

---
Un nouvel "espace" a vu le jour il y a quelques mois dans le rayon consacré aux bandes dessinées alternatives de la librairie Multi BD. Philippe vous y propose une sélection personnelle de six ou sept ouvrages publiés chez divers éditeurs indépendants. Vous retrouverez dans ces deux étagères des titres singuliers et de qualité qui seront mis en lumière par des chroniques et cèderont ponctuellement leur place à de nouveaux venus. Cet espace vous permettra de (re)découvrir quelques joyaux (injustement) méconnus et de leur offrir une nouvelle vie! Nous vous proposons dès à présent de vous immerger dans le magnifique Des chiens, de l'eau d'Anders Nilsen, l'un des six ouvrages présentés actuellement.
---
La chronique de Philippe: Ce récit atypique nous emmène dans un voyage sans but, l'errance d'un homme et de son ours en peluche (!) au travers de paysages sans fin, irréels. Un parcours burlesque entre épreuves, solitude, désespoir et notre perpétuelle quête de réconfort et de chaleur humaine. Des chiens, de l'eau est une fable sur l'absurdité de la condition humaine et sur cette route de l'Existence que l'on suit obstinément, sans jamais trop la comprendre ni savoir où elle va nous mener. Anders Nilsen livre une oeuvre remarquable, métaphorique et hors norme; une sorte de rêve éveillé et intemporel.
---
Des chiens, de l'eau d'Anders Nilsen, Actes Sud BD
---
---
- Lien vers une chronique de Des chiens de l'eau par Nicolas.

samedi, janvier 15, 2011

Dans les plaines dorées du Kantô

---
Je souhaitais placer avant cette chronique un texte intitulé Gekiga mon amour: des "faux mangas" de Jirô Taniguchi aux "innombrables images" d'Ishinomori où je défends un courant encore trop peu connu de la Bande Dessinée japonaise. J'ai préféré le publier comme un sujet indépendant sur notre site internet (il est accessible via ce lien: Gekiga mon amour). L'ouvrage La Plaine du Kantô me semble être une porte d'entrée parfaite pour celles et ceux qui voudraient découvrir ce qui fait la force du "gekiga" et explorer la forêt cachée derrière l'arbre Taniguchi...
---
Il existe de nombreux récits initiatiques mais rares sont ceux qui évoquent en parallèle et avec autant de sensibilité le passage d'un enfant à l'âge adulte et celui de toute une nation à une ère nouvelle de son hisoire. Avec le premier volume de sa trilogie La Plaine du Kantô, Kazuo Kamimura nous livre le témoignage intime de ce à quoi ressembla sa jeunesse au lendemain de la reddition du Japon en août 1945. Au travers du regard de Kinta, un jeune orphelin de sept ans, il nous donne à voir l'effondrement d'un Empire qui s'isola plusieurs siècles avant d'être pris par une fièvre expansionniste violente et aveugle. Une fois passée la période d'incrédulité liée à l'inconcevable défaite, la population japonaise voit son sol foulé par l'occupant américain. Le soleil levant dessine un nouvel horizon sur les vastes pleines dorées du Kantô, un horizon qui s'ouvre sur des territoires inconnus et autrefois interdits. Auprès de son grand-père romancier et des amis libertaires qui lui rendent visite, le jeune Kinta sera initié à des valeurs et des idées bannies par l'ancien régime totalitaire. Le Désir, si longtemps réprimé, inonde alors les plaines comme un torrent impétueux libéré par la rupture d'un barrage. Hommes et femmes sont possédés par l'envie de vivre plutôt que survivre; ils s'enflamment jusqu'à se consumer parfois. Alors que des drames cruels et passionnels se jouent autour de lui, Kinta plonge à son tour dans les eaux troubles d'un nouvel âge. Sa jeune voisine Ginko lui fera connaître ses premiers émois. Elle lui fera découvrir ces émotions complexes et équivoques que le trait élégant et épuré de Kazuo Kamimura retient ou libère au fil d'un récit habité.

Avec La Plaine du Kantô, les éditions Kana nous offrent l'une des oeuvres les plus remarquables du regretté auteur de Lady Snowblood et de Lorsque nous vivions ensemble. Comme dans le premier tome de Persepolis de Marjane Satrapi, Kazuo Kamimura saisit combien "un seul individu est très universel". Il isole la voix du jeune Kinta pour évoquer les bouleversements d'un lieu et d'une époque et la faire résonner au-delà de ce contexte pour toucher à ce qui tient de l'essence de la condition humaine.
---
La Plaine du Kantô, volume 01 de Kazuo Kamimura, Kana (Sensei)
---

---
- Une présentation audio de la mythique revue GARO (et du "gekiga") par l'historien Erwin Dejasse est disponible sur cette page.
- Une présentation des ouvrages de Kazuo Kamimura sur le site des éditions Kana.

jeudi, janvier 06, 2011

"BODY WORLD" de Dash SHAW


---
BODY WORLD: un BLACK HOLE sous acide
---
L'expérience ultra-sensorielle dans laquelle BODY WORLD nous embarque commence par l'objet en soi. Une brique toute en verticalité, véritable feu d'artifice de couleurs dégoulinantes et d'un graphisme détonnant qui explose dans tous les sens...

BODY WORLD se déroule en 2060 sur le campus universitaire de Boney Borough (Etats-Unis). Le professeur Paulie Panther vient y faire des recherches sur une étrange plante aux vertus hallucinatoires. Ce personnage, une sorte de grand romantique provocateur et excentrique, est à l'image de l'univers déjanté et hors-norme que DASH SHAW a créé pour ce livre. Paulie Panther n'est pas un rat de laboratoire mais plutôt un homme de terrain et lorsqu'il découvre cette nouvelle plante, il s'agit de la tester immédiatement, en plein campus, sur lui d'abord puis sur son entourage direct. C'est ainsi que plusieurs quidams vont se livrer à d'étranges expériences hallucinatoires qui les projettent dans le corps et l'âme d'un autre, dans ses souvenirs, ses émotions, ses angoisses, ses désirs... Des hallucinations qui risquent de contaminer le reste de la population et de devenir une réelle menace pour l'équilibre mental et l'ordre public de toute la communauté...

Par l'utilisation de personnages adolescents, les thèmes abordés (l'entrée dans l'âge adulte, les relations homme-femme) ou l'univers mi-réaliste/mi-fantastique, BODY WORLD nous rappelle parfois le BLACK HOLE de CHARLES BURNS, version "sous acide" dans ce cas-ci.

A l'instar de son personnage principal, DASH SHAW semble vouloir repousser les limites du champ de l'expérimentation (en bande dessinée), démarche qu'il avait déjà entamé dans ses deux précédents livres, VIRGINIA (Cà et Là, 2009) et surtout le démesuré BOTTOMLESS BELLY BUTTON (Cà et Là, 2008). Plus que jamais, on ressent dans BODY WORLD le plaisir et la jouissance de l'auteur à nous surprendre, nous balader et nous amener en des contrées inconnues.

Délires graphiques et narratifs s'interpénètrent dans BODY WORLD pour créer un récit complexe et décompléxé, déjanté et maîtrisé qui atteint une adéquation parfaite entre fond et forme. DAVID MAZZUCCHELLI, l'auteur d'ASTERIOS POLYP, écrira d'ailleurs: "J'ai lu l'avenir de la Bande Dessinée, il a pour nom DASH SHAW".

Philippe
---
BODY WORLD de Dash Shaw chez Dargaud
---
---
- Notre entretien exclusif avec DASH SHAW à l'occasion de la sortie de BOTTOMLESS BELLY BUTTON est disponible sur notre blog XeroXed.be.

- La version originale de cet entretien (en anglais) est disponible sur cette page de du9.

- Notre chronique de BOTTOMLESS BELLY BUTTON sur cette page.

- Une chronique de BOTTOMLESS BELLY BUTTON par Xavier Guilbert sur cette page de du9.

- La version en ligne de BODY WORLD est accessible sur le site BODYWORLD des éditions Dargaud (avec un court teaser en animation).

Radio GrandPapier: les trois podcasts de fin d'année!

---
Les trois émissions radio d'octobre, novembre et décembre sont disponibles en podcast sur le site de Radio GrandPapier. On y discute Neuvième Art avec les invités Dominique A., Max de Radiguès, William Henne et Erwin Dejasse. Bonne écoute!