mercredi, novembre 26, 2008

The XeroXed Factory presents: Dash SHAW

Le quatorzième carnet d'entretien XeroXed est consacré à Dash Shaw, le talentueux auteur de Bottomless Belly Button paru chez Fantagraphics Books et en français chez cà et là. Le carnet contient un entretien exclusif avec Dash Shaw qui nous dévoile une partie de son travail sur Bottomless Belly Button (choix esthétiques et narratifs, structure, personnages, influences du jeu de rôles et des bandes dessinées nippones...) et BodyWorld. Le carnet est limité à 100 exemplaires et offert à l'achat du Bottomless Belly Button (en VO ou VF) à la librairie Multi BD (122-124 bd Anspach, B-1000 Bruxelles).
Cet ouvrage est aussi accompagné du second cachet de la XeroXed collection (le premier était signé Adrian Tomine). Le motif de ce cachet a été conçu par Dash Shaw pour l'occasion et est lui aussi limité pour 100 exemplaires (et sans majoration de prix, s'il vous plaît madame).
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Comme je le signalais dans un post précédent, Bottomless Belly Button fait partie de mes incontournables de l'année (avec Loin d'être Parfait d'Adrian Tomine, Tamara Drewe de Posy Simmonds, American Elf de James Kochalka, Spirou: le Journal d'un Ingénu d'Emile Bravo ou encore le second tome du Roi des Mouches de Mezzo & Pirus). Dash Shaw parvient à rendre passionnante une histoire qui démarre sur un élément déclencheur somme toute assez anecdotique. Patrick et Maggie Loony annonçent en effet à leur trois enfants qu'ils divorçent après 40 ans de mariage lors d'une réunion de famille. Les réactions divergent allant de l'incompréhension à l'indifférence totale. Dash Shaw nous propose alors d'assister aux quelques jours que les membres de cette famille passeront ensemble dans leur étrange demeure labyrinthique à la suite de cette soirée. Le jeune auteur américain compose ainsi une oeuvre chorale dont l'une des grandes originalités tient de ce concept: chaque personnage de Bottomless Belly Button se livre au travers de sa propre bande dessinée autobiographique. Dash Shaw tisse un récit à partir de séquences "dessinées" par ses protagonistes. Et l'on pénètre dans une forme d'intimité rarement égalée car les Loony nous dévoileront non seulement leur propre vision des événements mais surtout l'image qu'ils ont d'eux-mêmes (comme Peter par exemple qui se représente avec un visage de grenouille). Cet album, où se cachent encore de nombreux mystères, énigmes et autres portes dérobées, est sans nul doute l'une des plus belles réussites de ces dernières années grâce au talent d'un auteur qui est parvenu à faire jaillir des émotions simples et touchantes dans un chantier narratif des plus audacieux.
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Je vous conseille aussi de jeter un oeil aux réactions de la Presse et à la très bonne chronique de Xavier Guilbert sur du9.
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Et puis voici un "animated trailer" (muet) de Bottomless Belly Button réalisé par l'auteur.
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PS: Les planches de la première et quatrième de couverture du livret sont signées par votre serviteur en réponse au concept imaginé par Dash Shaw dans Bottomless Belly Button. Je vous demande donc un minimum d'indulgence puisque ce sont mes premiers strips publiés.

Qu'est-ce que XeroXed aujourd'hui?

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XeroXed.be a fêté ses trois ans il y a peu. Trois ans d'irrégularité, pour sûr, mais trois ans de belles rencontres. Avec l'ami June, Xavier de du9, Jason, David Lloyd, Debbie Drechsler, Jeffrey Brown, Serge de ça et là, Linda Medley, Nathalie des Enfants Rouges , Shaun Tan et tous les autres. Et puis vous, chers amies et amis patients, chères lectrices et lecteurs fidèles. Un grand merci. Et puis aussi merci à Vincent de m'avoir fait confiance pour les trois "portraits/analyses" du nouveau hors-série de Beaux Arts magazine Qu'est-ce que la Bande Dessinée aujourd'hui ? J'y ai signé les papiers consacrés à Winsor McCay, Miriam Katin & Marjane Satrapi et c'est un beau cadeau pour fêter ces trois ans que de figurer dans ce collectif (et d'avoir son nom écrit juste à côté de celui de Chris Ware dans la liste des collaborateurs ;). Mais ces articles furent avant tout l'occasion d'entrer en contact avec Miriam Katin, l'auteur injustement méconnue de nombreuses et magnifiques histoires courtes et de Seules contre tous. Une nouvelle belle rencontre. Une nouvelle bonne raison de poursuivre, avec probablement toujours autant d'irrégularité, cette aventure passionnante.

mercredi, novembre 19, 2008

"Loin d'être Parfait": coup de coeur et cachet XeroXed

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Lorsque j’ai lu le nouvel album d’Adrian Tomine dans sa version originale l’an passé, j’ai immédiatement songé qu’il ferait partie des prétendants au titre de « bande dessinée de l’année 2008 » à l’occasion de sa sortie française chez Delcourt. Avec le Spirou d’Emile Bravo, le second tome du Roi des Mouches de Mezzo & Pirus, le Bottomless Belly Button de Dash Shaw et le Tamara Drewe de Posy Simmonds parus depuis, il fait toujours bien partie de mes cinq « incontournables » de l’année écoulée. Bien entendu, il m’a fallu interroger la partialité de mon jugement tant je porte aux nues le talent du jeune auteur américain. Depuis ma rencontre avec ses personnages si brillamment dépeints dans 32 Histoires , Les Yeux à Vif et le magnifique Blonde Platine, je tiens en effet Adrian Tomine comme l’un des nouveaux maîtres de la Bande Dessinée contemporaine. Son génie réside pour moi dans sa capacité à donner vie en quelques planches à des hommes et des femmes que certains romanciers auraient eu du mal à faire exister en une centaine de pages. Chaque dialogue sonne avec une justesse qui ferait passer une grande partie de la production dite de la « chronique du quotidien » pour une vaste fumisterie. Un échange de regard furtif entre ses personnages en dit plus long sur la solitude et l’infirmité sociale dont souffrent ses contemporains occidentaux qu’une lourde étude sociologique ne serait parvenue à le faire. En observant le monde qui l’entoure avec un oeil aiguisé et en le retranscrivant avec une simplicité qui touche à la notion d’évidence, Adrian Tomine nous trace un portrait sans complaisance de notre époque tout évitant de se perdre dans la satyre ou le récit moralisateur. Avec Loin d’être Parfait , il nous confronte à la question de la conformité sociale et du problème identitaire rencontré par des personnages issus de l’immigration asiatique aux Etats-Unis. A 30 ans, Ben Tanaka cultive en effet un sarcasme digne de Woody Allen face à une communauté qui se complait, selon lui, dans une différence qui n’a plus aucune raison d’être. Lorsque sa compagne d’origine japonaise met leur relation entre parenthèses pour partir étudier à New York, il se laissera submerger par un désir enfoui en lui depuis toujours; celui de fréquenter des jeunes femmes « blanches » qui gravitent dans son entourage. Sa meilleure amie tentera de lui faire admettre que ce désir irrépressible trouve sa source dans le trouble identitaire qu’il méprise pourtant chez les autres membres de sa communauté. Mais Ben Tanaka n’est pas prêt à accepter cette vérité ni toutes celles qu’il découvrira à New York en tentant de retrouver la trace de son ancienne compagne.
Loin d’être Parfait est un ouvrage magnifique, drôle, subtil et poignant. Il mérite largement sa place parmi les meilleures œuvres de l’année et nous sommes donc très heureux de pouvoir vous le présenter avec un cachet réservé exclusivement pour notre librairie. Ce cachet d'Adrian Tomine est limité à 200 exemplaires pour les versions françaises et américaines de Loin d'être Parfait (Shortcomings).
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Notre prochain cachet XeroXed accompagnera le Bottomless Belly Button de Dash Shaw qui paraît la semaine prochaine chez ça et là (voir interview ci-dessous).

lundi, novembre 10, 2008

Publisher's Cut (II): Cà et Là

Serge Ewenczyk lance les éditions ça et là en octobre 2005 avec la parution deux titres issus du domaine étranger. Depuis, il n’a cessé de poursuivre l’adaptation en français d’ouvrages et d’auteurs peu connus dans nos contrées et venant principalement des Etats-Unis mais aussi d’Afrique du Sud, d’Israël ou encore de Finlande. En se consacrant à des auteurs qui n’étaient pas signés chez d’autres éditeurs, ça et là nous a offert en trois ans de très belles découvertes comme Château l’Attente de Linda Medley, Tu m'aimeras encore si je fais pipi au lit? de Liz Prince , Little Star d'Andi Watson, Ma Mère était une très belle femme de Karlien de Villiers, Ferme 54 de Galit et Gilad Seliktar et bientôt Bottomless Belly Button de Dash Shaw .
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Nicolas Verstappen : Comment gérez-vous votre positionnement dans un marché où les éditions Rackham, Vertige Graphic, Delcourt (collection Contrebandes et récemment Outsider), Casterman (Collection Ecritures), Ego comme X ou encore Dargaud (avec American Born Chinese, Paul Pope...) s'affrontent dans une lutte de récupération des droits étrangers? Je suppose qu'il n'est pas évident de faire entendre sa voix dans un pareil contexte...

Serge Ewenczyk : Tout d'abord, nous sommes les seuls à publier exclusivement de la bande dessinée étrangère, ce qui nous donne déjà une particularité. Ensuite, nous construisons petit à petit un catalogue qui commence à prendre forme et qui met en évidence des choix éditoriaux relativement précis: chroniques intimistes, autobio, autofiction, fictions ancrées dans la réalité... Même si de nombreux ouvrages que nous avons publiés auraient pu se retrouver dans les catalogues d'autres éditeurs, la somme de ces choix construit notre différence.
Je ne suis pas confronté avec d'autres éditeurs pour récupérer les droits. La scène internationale est suffisamment riche pour "satisfaire" les envies de nombreux éditeurs français. De très nombreux auteurs anglo-saxons sont encore inconnus en France, il y a beaucoup de travail, sans parler des Scandinaves et autres régions encore mal connues. Le seuls auteurs pour lesquels il doit y avoir des bagarres, ce sont les "stars", les Tomine, Ware et autres Spiegelman, mais d'une part nous n'avons pas les moyens de nous "payer" ces auteurs, d'autre part j'ai comme principe de ne jamais démarcher un auteur dès lors qu'il est déjà publié par un autre éditeur français.
En fait, à une exception près, j'ai toujours réussi à récupérer les droits des titres que je souhaitais publier. Il suffit juste d'être attentif à ce qui se passe à l'étranger et de réagir rapidement...

NV : Quels sont les romans graphiques que vous auriez rêvé éditer en français si vous en aviez eu la possibilité?

Serge Ewenczyk : Maus , Un contrat avec Dieu , Concrete, Fun Home, La Perdida, De Mal en Pis, Ice Haven, Ghost World... la liste est longue....
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NV : Lorsque vous signalez sur ActuaBD que vous avez été "ébloui par le Lucille de Ludovic Debeurme", n'avez-vous pas parfois l'envie de vous lancer dans l'édition de titres francophones?
Serge Ewenczyk : Non jamais. Nous sommes souvent sollicités par des auteurs français, mais nous les envoyons sur nos collègues éditeurs. Je tiens absolument à préserver cette spécificité, d'autant plus qu'il s'agit d'un choix éditorial qui correspond à mes goûts, et pas un simple choix de positionnement marketing. J'ai toujours lu beaucoup plus de littérature étrangère (dont la bd) que de livres français. Je trouve un dynamisme vivifiant dans ces territoires étrangers et la travail d'adaptation me passionne.

NV : Vous portez aussi la casquette de directeur de la collection PEPS chez Albin Michel Jeunesse. Est-ce l'occasion pour vous de compléter votre travail d'adaptation en français de titres étrangers mais dans un secteur (celui de la bande dessinée pour jeunes lectrices) qui n'aurait pas trouvé sa place dans le catalogue çà et là?

Serge Ewenczyk : C'était effectivement le parti pris à la création de cette collection. Proposer aux ados, et plus particulièrement aux filles, des bande dessinées autres que du shojo, mais dans le format et les prix du manga. Nous avons ainsi fait découvrir des auteurs comme Kazu Kibuishi (Daizy Kutter) ou Gene Yang (Loyola et la société secrète) ou encore le très drôle Dramanga de l'ukrainienne Svetlana Chmakova. Malheureusement la sauce n'a pas pris, il semble que ce lectorat reste très ancré sur la lecture de manga japonais et relativement peu enclin à lire des bande dessinées réalisées par des auteurs non japonais. J'espère que ce phénomène est amené à changer, sinon les éditeurs vont avoir de sacrés soucis une fois que ces ados deviendront adultes.
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NV : Une autre particularité du catalogue ça et là tient de la place relativement importante consacrée aux femmes auteurs (parmi lesquelles on retrouve Liz Prince, Linda Medley, Emily Flake, Karlien de Villers...). Est-ce le fruit d'une sensibilité particulière propre aux éditions çà et là?

Serge Ewenczyk : J'ai fait ce constat l'année dernière, où la moitié des titres que nous avons publiés étaient d'auteurs femmes. Il faut croire que la ligne éditoriale de çà et là correspond à des territoires où les femmes sont très présentes. Si j'avais choisi de publier de la bd d'aventures, de sf, ou d'humour potache, à mon avis on aurait beaucoup moins d'auteurs femmes. Blague à part, on trouve beaucoup d'auteurs femmes dans la bande dessinée indé ou de type "roman graphique" à l'étranger, et notamment aux Etats-Unis. Cela commence à être également le cas en France grâce aux éditeurs indépendants, mais la présence féminine est encore ridiculement faible (en quantité). Sauf en ce qui concerne les blogs bd, où on trouve un nombre très important de femmes, peut-être que cela démontre qu'il y a encore un "plafond de verre" pour les femmes chez les éditeurs français de bandes dessinées.

NV : Vous êtes aussi l'une des premières maisons d'édition à utiliser internet (et surtout l'espace du blog) pour présenter le travail de fabrication de vos livres (de la signature des contrats à l'impression en passant par le choix des maquettes). Un rapport plus intime s'installe entre çà et là et ses lecteurs et semble ainsi faire écho à votre ligne éditoriale.

Serge Ewenczyk : J'ai ouvert le blog çà et là en septembre 2006 pour y aborder des sujets au fil de l'eau, et notamment tout ce qui concerne la "petite cuisine" d'un éditeur. J'adore consacrer du temps à la fabrication d'un ouvrage, c'est le côté excitant de l'édition indépendante, contrairement à ce qui se passe chez les gros éditeurs, nous avons un rapport aux livres beaucoup plus proche de celui des artisans. Et du coup j'aime en parler sur le blog, pour faire découvrir cet aspect méconnu à nos lecteurs. C'est également l'occasion d'aborder des sujets comme le calcul du prix de vente d'un livre, les coûts de fabrication, ou bien de parler d'autres livres étrangers que ceux publiés par çà et là. Un joyeux foutoir en somme !

NV : Votre travail de recherches et de découvertes de nouveaux ouvrages à éditer passe-t-il principalement par internet, par des contacts à l'étranger, des visites de salons internationaux?

Serge Ewenczyk : A la création de çà et là, les premiers titres publiés ont été ceux que j'avais trouvés en import en France (essentiellement à la librairie "Un Regard Moderne") ou bien à Londres (dans l'excellent boutique "Gosh comics"), à l'exception du Points de Vues de Peter Kuper que j'avais repéré sur le stand de son éditeur américain au Festival d'Angoulême 2005. Par la suite, la recherche de nouveaux titres s'est faite dans un joyeux mélange de tous les moyens disponibles; participation à la Foire du Livre de Francfort (où j'ai dégoté Ma Mère était une très belle femme de Karlien de Villiers complètement par hasard), farfouillages chez les libraires londoniens, participations à la New York Comicon, fréquentation assidue des blogs de journalistes américains (il y a en a toute une tripotée d'intéressants aux E.U, de ce point de vue là on est un peu pauvre en France), des blogs et des sites d'auteurs et d'éditeurs, prise de contact avec les agents français et étrangers qui s'occupent de romans graphiques, etc. Et puis progressivement nous avons commencé à recevoir des projets avant publication (c'est le cas de Delayed Replays de Liz Prince, ou Ferme 54 de Galit et Gilad Seliktar) ce qui nous a amené à publier quelques ouvrages en tant que premier éditeur à partir de 2007. Ce travail est un peu plus facile maintenant que çà et là est "installé" (je devrais mettre plus de guillemets), et nous recevons pas mal de propositions, dont de nombreuses choses sans intérêt d'ailleurs, comme une biographie en bande dessinée de Ronald Reagan par exemple. Mais depuis que nous publions le travail de Andi Watson ou bien Peter Kuper ou encore Eddie Campbell qui sont très réputés dans les pays anglo-saxons, des auteurs étrangers nous sollicitent. En revanche, la recherche d'ouvrages à éditer en provenance de pays non anglophones ou non germanophones est un peu plus compliquée (je ne cite pas les livres italiens ou espagnols, car ces pays sont déjà bien couverts par mes collègues éditeurs comme Rackham, Vertige, 6 pieds sous terre, etc..). Pour ces territoires je suis véritablement tributaire de ceux qui me contactent, comme la traductrice finlandaise Kirsi Kinnunen qui m'a mis en contact avec Ville Ranta par exemple.
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NV : Je sais les éditeurs japonais très soucieux du respect des couvertures originales des séries. En est-il de même avec les éditeurs américains ou avez-vous une grande liberté d'adaptation des maquettes?

Serge Ewenczyk : Je pense que les éditeurs et auteurs américains sont plus pragmatiques que les éditeurs japonais, dans le sens où si on leur explique les raisons pour des éventuels changements d'une couverture ils acceptent presque tout le temps. En l'occurrence, nous modifions souvent les couvertures originales d'une part pour qu'il y ait une certaine cohérence graphique sur tous nos titres et d'autre part pour que cela corresponde aux "us et coutumes" français, par exemple, la couverture de La Fille de Mendel de Martin Lemelman avait une énorme étoile de David, un symbole délicat à manier en France. Ou encore la couverture originale de Pedro & Moi consistait en une photo plein pot de Pedro Zamorra, ce qui n'était pas de très bon goût. Par principe, les auteurs sont toujours associés à l'adaptation de leurs ouvrages, je leur soumets donc toute proposition, et certains ont réalisé de nouvelles illustrations pour l'occasion (sur Ruptures de Andi Watson ou le premier Alec de Eddie Campbell par exemple). J'ai la chance de travailler avec deux personnes qui font de très belles couvertures, Vincent Montagnana (par ailleurs directeur artistique de Chronic'art) qui a réalisé toutes les premières couvertures de çà et là et Anne Beauchard, qui réalise également la plupart des lettrages de nos ouvrages. Grâce à eux, de nombreux auteurs m'ont dit qu'ils préféraient la version française de leur œuvres (ce qui est notre objectif avoué; essayer de faire mieux que la version originale). Ceci dit, si la couverture d'origine est belle, on garde ! Cela a été le cas pour Little Star de Andi Watson, ou encore Château l'Attente de Linda Medley par exemple.

NV : Avez-vous le sentiment qu'il y ait un avant et un après Château l'Attente pour les éditions ça et la, que le succès de l'ouvrage vous ait permis de trouver une attention plus importante de la part des libraires ?

Serge Ewenczyk : Non, pas vraiment. Je dois dire que la plupart des bons libraires nous soutiennent depuis la création de çà et là, ce sont eux qui ont énormément poussé Château l'Attente dès le début et continuent d'ailleurs à le mettre en avant un an après la sortie. Effectivement, nous avons vendu du Château l'Attente chez des libraires qui jusqu'ici ne prenaient pas nos livres, mais après tout est revenu à la normale (si j'ose dire). Il faut savoir que les livres publiés par les indépendants, ou le roman graphique en général, sont véritablement "travaillés" par environ 400 libraires (en France, Belgique et Suisse). De plus, Château l'Attente a une position à part dans le catalogue çà et là car il touche un public très large, que cela soit en terme d'âge ou en terme de centres d'intérêt. Nos autres livres concernent donc un lectorat a priori plus réduit.
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NV : Ressentez-vous une pression plus particulière à l'approche de la sortie de Bottomless Belly Button qui a été encensé aux Etats-Unis et qui est déjà sélectionné à Angoûleme ?

Serge Ewenczyk : La sélection de Bottomless Belly Button au Festival d'Angoulême est en soi une grande satisfaction (renforcée par la sélection d'un autre titre publié par çà et là, Ferme 54 des israéliens Galit et Gilad Seliktar). La pression et le stress, nous les avons connus surtout entre juillet et le tout début novembre, quand les deux premiers exemplaires du livre nous ont été livrés par l'imprimeur. Comme j'ai décidé au dernier moment d'ajouter ce titre à notre programme de parution (après l'avoir lu début juin, juste avant sa sortie aux Etats-Unis), le timing était très court. Sidonie van den Dries s'est lancée immédiatement dans la traduction (Sidonie est une excellente traductrice qui a notamment traduit pour çà et là Chelsea in Love, Slow News Day et Pedro et moi, et pour d'autres éditeurs Ghost World, Super Spy ou encore De Mal en pis). Puis nous avons lancé le lettrage (réalisé par Anne Beauchard qui lettre le plupart de nos livres et Amandine Boucher, grande spécialiste du lettrage manuel qui a par exemple lettré Little Nemo et Breakdowns). Il a fallu créer plusieurs polices de caractère d'après l'écriture de Dash Shaw, et passer ensuite beaucoup beaucoup de temps sur les très nombreuses onomatopées présentes dans le livre (d'ailleurs dans le cas de Bottomless Belly Button il ne s'agit pas vraiment d'onomatopées, mais de bouts de phrases ou de mots utilisés par Dash Shaw pour décrire des actions, des sons ou des sensations). La fabrication était également particulière pour ce livre, compte tenu du très grand nombre de pages (720). Il fallait choisir un papier de pages intérieures qui ne soit pas trop épais, et le papier utilisé pour la couverture devait être à la fois suffisamment rigide pour supporter le poids du bloc papier intérieur (1,5 Kg) et assez souple pour que le dos ne se casse pas lorsqu'on ouvre le livre. Donc nous avons dû faire beaucoup plus de maquettes en blancs que d'habitude et nous n'avons pu finaliser le choix du papier qu'au dernier moment. Et comme nous ne pouvions pas nous permettre le moindre retard (si nous loupions la livraison du livre à notre distributeur en novembre, la sortie aurait été décalée en janvier, et du coup le livre ne pouvait plus être dans la Sélection du Festival puisque seuls les titres publiés avant la fin novembre 2008 étaient éligibles), cette période fut très stressante.Donc, pour résumer cette longue digression, maintenant nous pouvons dormir sereinement, et nous attendons Angoulême sans aucune angoisse.
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(entretien réalisé entre février et novembre 2008 via courriers électroniques - ©2008 Nicolas Verstappen & Serge Ewenczyk - toutes les illustrations sont © ça et là et leurs auteurs respectifs)



mercredi, novembre 05, 2008

XeroXed Special: Obama 2008

©2008 James Kochalka - Americanelf.com

Chères lectrices, chers lecteurs,

Quelques heures après l'annonce de la victoire de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis, je n'ai pu m'empêcher d'envoyer un courrier électronique aux différents auteurs américains et canadiens que j'ai interviewé dans le cadre des carnets XeroXed. Je leur ai demandé de partager avec nous leur sentiment sur ce vote historique ("historique" pour de multiples raisons dont certaines devront encore être soumises à l'épreuve du temps) car je suis convaincu que la situation politique et sociale d'un pays porte une influence sur ses artistes et leurs oeuvres (par la contestation, l'évolution des mentalités, l'éclosion des avant-gardes...).

Debbie Drechsler (Daddy's Girl & Summer of Love à l'Association) et Miriam Katin (Seules contre Tous au Seuil) ont répondu dans l'instant.

Debbie Drechsler: Je suis à la fois ravie et soulagée de la victoire d'Obama. Soulagée car je ne voulais VRAIMENT pas de McCain ou de Palin au pouvoir. Ravie car Obama semble être un politicien intelligent, sensible, raisonné et qu'il représente donc un changement positif pour notre pays. Ensuite, je ne peux qu'admirer la désagrégation d'une importante barrière raciale. Une proposition californienne vient cependant ternir cette journée. La proposition 8 est une mesure qui veut faire entrer dans la constitution de l'état le principe que le mariage n'est permis qu'entre un homme et une femme. A l'instant où j'écris (tôt au lendemain de l'élection), cette mesure est à deux doigts de l'emporter.

Miriam Katin: Je suis pressée par le temps car je dois terminer une commande de planches sur ces élections. J'y évoque mon sentimet face à l'évolution de la campagne jusqu'à l'annonce du vainqueur. J'avais laissé les trois dernières cases vides pour y dessiner le résultat final. Je ne voulais imaginer un autre dénouement que la victoire d'Obama. Cela m'attristait d'envisager l'alternative. J'étais plongée dans l'effroi à cette idée. Maintenant, je vais enfin pouvoir m'assoeir paisiblement à ma table et terminer cette planche.

Scott McCloud (L'Art Invisible chez Delcourt) et Jeffrey Brown (Clumsy et Unlikely chez Ego comme X) répondent à leur tour quelques heures plus tard.

Scott McCloud: La vraie barrière qui a été brisée aujourd'hui?: Nous avons enfin élu le candidat intelligent.

Jeffrey Brown: Voici quelques-unes de mes pensées. Je me sens heureux et, pour la première fois depuis bien longtemps, je me sens empli d'espoir. Je pense que notre pays est parvenu à interrompre l'enracinement progressif de notre gouvernement dans une culture de la peur, de la guerre, du pharisaïsme, dans une culture vindicative qui ne prête que peu de considération aux conséquences de ses actes. Cela me donne aussi l'espoir que les Etats-Unis puissent enfin comprendre l'importance d'une pensée basée sur la Raison après avoir entendu Palin soutenir l'enseignement du Créationnisme à l'école, McCain comparer, par simple ignorance ou par sabotage délibéré, un appareillage astronomique important à un "projecteur aérien", Palin discréditer la recherche scientifique et le Parti Républicain faire part de sa politique dépassée et biaisée concernant le problème de l'environnement... Je pourrais continuer ainsi encore et encore mais je vais m'arrêter. Car même si je ne crois pas en Dieu, je vais le dire quand même: dieu merci!

Viennent ensuite les réactions de Dash Shaw, le jeune auteur de Bottomless Belly Button qui paraît aux éditions ça et là ce 22 novembres, Kevin Huizenga (Malédictions chez Vertige Graphic) et John Porcellino (Moon Lake Trails chez Ego comme X).

Dash Shaw: J'ai peu de choses à dire si ce n'est que je suis très heureux, optimiste et fier de la Virginie. J'ai vécu à Richmond (en Virginie, le "Capitole du Sud") la plus grande partie de ma vie et j'ai voté ici. Je ne parviens pas à croire que c'est aujourd'hui un état bleu (ndlr: démocrate)! Je trouve cela tout simplement incroyable!

Kevin Huizenga: Je suis à la fois soulagé et transporté.

John Porcellino: J'expérimente un mélange de soulagement et d'abattement. Je suis en effet animé par l'espoir que cette dernière partie de l'Histoire américaine, la plus sombre de ma vie, arrive à sa fin. Mais je réalise, dans le même temps, qu'il y a énormément à faire pour réparer les dégâts et aller de l'avant. Au moins, maintenant, nous pourrons enfin nous diriger dans la bonne direction.

Les prochaines réactions des divers auteurs sollicités seront rajoutées dans ce post.

©2008 James Kochalka - Americanelf.com


mardi, novembre 04, 2008

Cachet XeroXed (I): Adrian Tomine


A l'occasion de la parution en français du nouveau chef-d'oeuvre d'Adrian Tomine dans la collection Outsider des éditions Delcourt, j'ai le plaisir de vous annoncer la création d'un cachet qui ornera la page de garde de Loin d'être Parfait (ainsi que sa version originale baptisée Shortcomings et éditée par Drawn & Quarterly). Ce cachet sera limité à 200 exemplaires et réservé exclusivement à la librairie Multi BD. Le second cachet de cette série sera conçu par Dash Shaw pour décorer la version française du magnifique Bottomless Belly Button qui paraîtra aux éditions Cà et Là le 22 novembre prochain. Le quatorzième carnet d'entretien XeroXed accompagnera aussi cet ouvrage monumental (chroniqué par Xavier Guilbert sur du9.org).